Vendredi dernier, 13 septembre...
A la veille de se lancer dans sa tournée d'octobre en compagnie de The Old Dead Tree et Dustbowl, le projet opéra-métal français Melted Space - qui commence à faire fortement parler de lui - donnait un premier show d'échauffement sur ses terres, dans le cadre intimiste de la Chapelle Argence, salle de Troyes fraîchement inaugurée et qui recevait là ses premiers groupes de métal.
Nous y étions... Une exclusivité LGRM rien que vous ! ...
Par : LeBoucherSlave et Carmella
Photos : Carmella
Grand merci à : Alex de Troy et Dam du Lac
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Pour cette date d'inauguration (celle du line-up 'live' de la troupe du Space, dont nous allons vous reparler...), c'est à une grande orgie métallique que nous fûmes conviés, puisque ce ne sont pas moins de trois groupes qui allaient ouvrir les hostilités... Tout d'abord les locaux de Insolvency et leur 'metalcore' encore jeunôt mais bourré d'énergie et désireux de bien faire. Gageons qu'avec un guitariste/chanteur aussi volubile et ces influences Slayer bien senties lors des breaks, le groupe pourrait avec un peu plus de maturité et d'expérience faire parler de lui à l'avenir ... s'il prend conscience toutefois que ces vilains vocaux clairs comme hurlés et ces passages à la limite de la 'pop' ridicule desservent plus leur musique qu'ils n'apportent au schmilblick ! Puis vient le tour des très efficaces Amiénois d'Yrzen (nous vous avions parlé il y a peu de leur premier album...), avec leur death-folk d'inspiration Viking et celtique, tout autant festif que sombre et bourrin, agrémenté de chouettes mélodies et autres sonorités aux claviers, qui régale donc à plusieurs occasions les amateurs de Finntroll, Ensiferum et consorts, notamment via une somptueuse compo baptisée "Ragnarök" en rappel. Un groupe pas encore signé, mais qui ne devrait pas avoir de mal à se faire remarquer, et dans tous les cas une grosse pointure de la scène folk metal française en devenir... Enfin, ce sont les Nordistes de W.I.L.D. (pour "Wake Initiated Lucid Dream", notamment, et anciennement Wild Karnivor...) qui viennent enflammer le public avec leur 'modern thrash/death n' roll' ! Le son n'a fait que s'améliorer au fil des sets et c'est tout bonnement une tuerie qui nous est servie là, la frappe de mastodonte du batteur y étant certainement pour beaucoup, mais les autres musiciens, très à l'aise, ne sont pas en reste (avec plus de 10 ans d'existence et 3 albums dans la besace, dont le dernier leur ayant valu une signature sur la Klonosphere et chez Season of Mist, rien de trop étonnant...), et l'on tape du pied et on headbangue au son notamment d'une reprise convaincante du "Mouth for War" de Pantera. Dommage, cependant que le chant guttural se révèle à la longue un peu linéaire et parte un peu trop dans des 'pig squeals' intempestifs... L'intervention d'un deuxième vocaliste, Franck, sur la fin du concert s'avère du coup des plus judicieuses, et certainement très intéressante pour l'avenir (puisque le bougre venait tout juste d'être intronisé officiellement dans le groupe !).
Le moment est enfin arrivé... Les lumières se tamisent. Son dernier EP, Between, ayant rencontré un franc succès critique y compris en dehors de nos frontières, c'est en toute bonne logique que Melted Space investit les planches au son de l'intro de ce dernier, avant d'enchaîner sur "Dying Legend", "They Were Brothers", "Si vis pacem..." et un décapant "Para Bellum" qui confirme là tout le potentiel 'live' et accrocheur qu'on lui devinait ! La suite saura toutefois faire la part belle aux moments forts de From the Past, représenté de fort belle manière et surtout via une judicieuse sélection, nous allons y revenir...
Autant vous dire qu'il y a là du beau monde sur scène : Pierre Le Pape le maître d'oeuvre bien sûr (par ailleurs claviériste d'Embryonic Cells et Wormfood), mais on retrouve aussi avec plaisir l'imperturbable et solide Gaël Féret derrière les fûts (excellent cogneur également chez Misanthrope), ainsi que le charismatique Black Messiah (Seth), dont l'empreinte vocale aura très fortement marqué l'EP Between.
Le son, y compris au premier rang où nous sommes, est déjà très bon d'entrée (mettant en outre particulièrement bien en valeur un son de basse décapant et une attaque de jeu qui l'est tout autant de la part de l'indéboulonnable Brice Guillon). Il ne cessera pourtant de s'améliorer, notamment au regard de la guitare d'Adrian Martinot (du groupe de prog local Disconnected, remplaçant l'ex-Heavenly Charley Corbiaux initialement annoncé...), laquelle gagnera de fait en lisibilité au fil du set - ainsi que l'équilibre général du volume des voix.
Evidemment, celle qui est au centre de toutes les attentions ce soir, c'est la ravissante Clémentine Delauney (Serenity, ex-Whyzdom) et sa silhouette élancée, tout en grâce et d'une somptueuse robe vêtue. La Belle saura-t-elle en effet rendre honneur aux mélodies plurielles des deux sorties du 'groupe' auxquelles elle n'a pas participé ? Déjà, quelques minutes avant l'entame du show, de jolies petites vocalises se faisaient entendre depuis les loges (non, nous ne sommes pas des journaleux fouille-merdes à mettre notre nez partout, il se trouve juste - c'est à peine plus glorieux, on en conviendra... - que l'insonorisation entre les toilettes de la salle et les loges équivaut à celle d'une cloison de papier !), et l'on imagine un certain stress bien compréhensible. Pourtant, nul besoin de s'inquiéter outre mesure, la chanteuse balaye tous nos doutes dès le début d'un revers de la main qu'elle ne cesse de brandir - vers un public qui ne demande qu'à manger dedans ! La Miss remplit ainsi sans peine la mission d'haranguer un auditoire déjà conquis, avec une gestuelle aux confins d'une Tarja Turunen et d'une Simone Simons.
Mais outre sa présence remarquable, c'est aussi du haut de sa carrière déjà bien fournie qu'elle saura se montrer convaincante, en se révélant capable de reprendre sans problème les lignes vocales de Liv Kristine, plus tard celles de la batave Liesbeth Cordia (au grain de voix pourtant plus proche d'une Anneke Van Giersbergen croisée avec une Sharon den Adel...) et de toutes les autres, en y ajoutant sa propre touche mêlant douceur et puissance, le tout enrobé d'un raffinement digne d'une authentique "princesse du métal" pour les plus chastes oreilles (ce afin d'illustrer la traditionnelle dualité 'Beauty vs Beast', de circonstance ce soir vu comme elle est entourée !...), et juste ce qu'il faut de chant lyrique.
Pour autant, la vocaliste ne s'accapare pas le spectacle à elle seule. A ses côtés - et parfois unique intervenant sur le devant de la scène (sur les deux titres "100% masculin" de l'EP, pendant lesquels Clémentine s'éclipse donc sur le côté...) - Black Messiah livre lui aussi une bien belle prestation sur ses voix 'black', mais également - ce qui aura pu en étonner certains - en voix claire (notamment ces voix un peu "goth" sur "Listen to your King", dont une vidéo a d'ailleurs déjà filtré sur Internet).
Scéniquement parlant, là où sa consoeur de micro reste très appliquée et concentrée (on la comprend...), trouvant seulement refuge et désinhibition auprès du public avec lequel elle communique régulièrement, le Sieur Messiah joue à la fois la carte de la détente, véritable diablotin intenable et taquin, se jouant du public en lui donnant exactement - et parfois ironiquement, peut-être... - ce qu'il est venu voir, et à la fois celle de l'incarnation de son rôle, apportant la dimension 'dramatique' à laquelle on est en droit de s'attendre point de vue mise en scène et de la part d'un tel concept.
Tour à tour démoniaque donc (servant sur un plateau les postures 'evil', jusqu'à révulser ses yeux à la façon d'un Fernando Ribeiro de Moonspell...), tantôt espiègle et rieur, tantôt habité par son rôle, le chanteur arrive donc à assumer toutes les figures imposées et les rôles de composition aussi bien que les contre-emplois, et ce toujours avec brio.
Un des moments forts du set reste évidemment "When I Was A God" (auquel succède en toute logique la toujours aussi superbe "Brother and Sister", impeccablement rendue par Clémentine), avec la première montée sur scène du toujours aussi humble et discret Manuel Munoz (The Old Dead Tree), qui magnétise d'emblée l'assistance de son charisme impénétrable, avant de lui faire frissonner toute l'échine dès lors qu'il s'empare du micro. Et l'on réalise alors à quel point le gaillard nous avait manqué, à quel point il est une perle rare de la scène française, capable de sublimer n'importe quel instant musical de sa sensibilité à fleur de peau mais jamais larmoyante... Alors, même si toute éventualité d'un nouvel album de T.O.D.T. semble pour l'avenir compromise, c'est aujourd'hui qu'il faut aller le voir à l'oeuvre, et espérons pour le plus grand bonheur de nos cages à miel que Le Pape aura de nouveau le bon goût de faire appel à ses services sur ses futures réalisations.
Tiens, d'ailleurs, le « taulier » de toute cette fine équipe, et par ailleurs Papa du projet, comment a-t-il vécu, lui, le baptême scénique de son bébé ?... Un rien tendu avant le début de la représentation, notre claviériste/compositeur a eu vite fait de relâcher la pression, certes un brin planqué en arrière-plan, derrière ses claviers et les différents 'lights' et autres effets de fumée venant s'y projeter - le visage enfoui sous son imposante tignasse 'headbanguant' frénétiquement, comme à son habitude ! - mais assurant comme un chef ses parties alliant nappes envoûtantes et moments plus symphoniques, tout en délivrant de nombreux choeurs, passages purement narratifs ou diverses déclamations chantées. S'il ne se révèle pas encore tout à fait aussi à l'aise que les autres dans ce dernier domaine, reste qu'on a d'autant plus chaud au coeur pour lui qu'il y met - on pouvait s'en douter... - autant d'application et de coeur que dans le moindre de ses travaux.
On peut aussi penser qu'il a été le principal instigateur du choix et de l'orientation de la setlist proposée ce soir. Fort représentative de l'esprit général du projet, celle-ci semble néanmoins avoir été pensée spécifiquement pour le 'live' (et c'est tant mieux !), piochant dans les morceaux les plus mélodiques et accrocheurs (au détriment des titres du deuxième opus les plus connotés "death" dans leur exécution...), mais couvrant intelligemment les trois Livres du From the Past et n'oubliant pas pour autant les moments de pur recueillement tels que ce chouette "This Immortal Love" que revisite brillamment Adrian Martinot à la guitare. On regrettera peut-être simplement l'absence d'un plus dépouillé "All Together" où Clémentine aurait pu se révéler encore davantage, ou un "Welcome to this World" issu de Between, qu'il aurait été intéressant d'entendre interprété par Black Messiah (en lieu et place d'Ashmedi de Melechesh sur disque). Mais n'oublions pas que Melted Space ne tourne pas encore en tête d'affiche... Il ne reste plus qu'à croiser les doigts et attendre la suite des réjouissances !
Inutile de dire en tout cas que la mise en place de l'ensemble est tout bonnement impeccable. De longues plages instrumentales 'samplées' (dont une inédite en préambule à "When I Was A God" !) viennent ponctuer le déroulement du set et apporter l'atmosphère qui convient, avant que Gaël Féret ne vienne se greffer dessus en introduisant ces morceaux-là en particulier par deux ou quatre coups de baguette, de sorte que tout le monde soit bien carré et raccord... C'est chose faite, et soulignons encore une fois le boulot de réappropriation énorme d'Adrian à la guitare ce soir-là, même si on n'ose imaginer un jour la rencontre scénique tant attendue de Melted Space avec son légendaire gratteux « historique », Adrien Grousset cette fois (monstre de rigueur rythmique dans les rangs d'Hacride, faut-il encore le rappeler...).
Il convient de souligner aussi la grande complicité que semblent partager les membres du groupe, et qui ce soir est tout bonnement communicative. Même le visage d'ordinaire plus fermé de Gaël Féret s'illumine de larges sourires, peut-être en prenant conscience pour la première fois du rendu scénique et de la symbiose impeccable de la formation sur les planches, tandis que Black Messiah multiplie les pitreries et autres petites taquineries auprès de ses camarades. Le public ne s'y trompe donc pas, et le « merci » que Manuel Munoz laisse échapper lorsqu'il quitte une première fois la scène en dit long : bien plus qu'une simple parole de convenance, on sent que la troupe au complet apprécie un tel accueil, auquel elle ne s'attendait peut-être pas à ce point.
Alors, forcément, quand tout ce beau monde se retrouve au grand complet sur la scène pour nous porter l'estocade, on nage juste en plein bonheur : "War for the World" se révèle aussi délicieusement chaotique que sur album, avant ce final dantesque sur "We Are Gods of Ancient Times" !...
Dante, d'ailleurs le grand absent de cette soirée, puisqu'alors que la formation fait un dernier retour sur les planches à la demande générale, c'est le décidément toujours aussi imparable "Para Bellum" (et peut-être même encore plus avec ce dernier éclair de fougue et un son alors au top du top!) qui se fait de nouveau entendre en lieu et place d'un plus attendu "Dante's Memory" (Clémentine nous confiera après coup que le groupe ne s'attendait pas à être ainsi « rappelé », surtout avec une telle verve d'ailleurs, et a choisi sur le vif ce titre de clôture, ceci expliquant mieux cela...).
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Au final, nous aurons donc eu droit à un grand moment de métal symphonique digne d'un Epica, d'un Theater of Tragedy ou d'un Leave's Eyes, avec une alternance de ténèbres et de lumière que ne renierait pas un Moonspell, quelques pointes 'Therionesques' et une complicité éclatante et contagieuse nous rappelant les années insouciantes d'un jeune Nightwish... Avec en sus juste ce qu'il faut de cette dimension 'progressive' qui fait défaut à bon nombre de groupes de cette mouvance aujourd'hui, et évidemment cette envergure dramatique et «théâtrale» - qui gagnera à être davantage développée encore (pour l'heure, notre "César d'honneur" reviendrait à Black Messiah dans cette catégorie !...) car il n'est peut-être pas évident pour le profane de découvrir le groupe en direct et de «rentrer» littéralement dans la dimension narrative et le côté 'spectacle vivant' des morceaux, même si on n'attend pas non plus du 'Notre-Dame-de-Paris' pour autant, hein ?!...
Bref, on ne sait pas si Pierre Le Pape est du genre superstitieux, en tout cas ce vendredi 13 lui aura assurément porté chance... Et le public ne s'y est pas trompé puisque ce sont pas moins de 200 âmes qui auront répondu présent sur cette première date (dans une salle qui peut encore en contenir jusqu'à 500...) ! Alors, longue vie à MELTED SPACE 'live', bonne continuation et bravo aussi à l'asso La Pie Ki Fiente (pour cette orga sans faille et cette bonne bière - pas comme dans certains fest' que l'on ne nommera pas... - à 2 puis 1 euro au coeur de la nuit !...). Enfin que les promoteurs de concerts se bougent, la Capitale de l'andouillette dispose maintenant avec la Chapelle Argence d'une salle au top du top pouvant accueillir des groupes dans des conditions dignes des meilleures salles parisiennes !
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Setlist :
Return to the Land of
the Forgotten (instrumental)
Dying Legend
They Were Brothers (instrumental)
Si vis pacem...
Para Bellum
Apollon (instrumental inédit)
When I Was A God
Brother and Sister
Listen to your King
Solar Eclipse (instrumental)
This Immortal Love
War for the World
We Are Gods of Ancient Times
Rappel :
Para Bellum