C'était il y a un an. Et pas à peu près, véritablement jour pour jour, le 23 septembre 2012, que Ensiferum avait foulé les planches parisiennes pour un show au Trabendo. Seuls représentants du style folk death ce jour-là, la bande finlandaise s'est cette fois-ci entourée de comparses du style pour une édition du Heidenfest 2013 haute en couleurs. Avec non pas 2, ni 3, mais bien 4 premières parties, et pas n'importe lesquelles. Jugez plutôt : Turisas, Equilibrium, Suidakra, et les jeunes pousses de Frosttide. Tout pour rendre parfaitement heureux un Bataclan copieusement rempli.
FROSTTIDE
La jeunesse glorieuse du metal folk death épique finlandais, serait-ce eux ? Déjà fort bien remarqués sur un premier album studio paru il y a quelques semaines chez NoiseArt Records, Frosttide se présente sans timidité aucune sur les planches afin de nous proposer un florilège quasi complet de cet Awakening. Seule l'interlude "Dawn of Despair" sera éludée et la grosse conclusion "Unwritten (Engraved in the Stars)" raccourcie en simple outro clavier "à la Wintersun" pour saluer le public.
Un public déjà présent en masse et fort réactif sur le premier morceau éponyme joué dès la fin de l'intro, les poings se lèvent sur les "It's time" du refrain et quelques headbangs fleurissent gaiement. Sur certains morceaux, de timides slam poindront leur nez, les gens semblant cependant plus attentif à découvrir un groupe que beaucoup ne connaissaient certainement pas ou peu avant cette soirée.
Affublé d'un son somme toute correct (bien que perfectible) pour une première partie, Joni Snoro (compositeur et chanteur/guitariste plus ou moins frontman, sauf sur le morceau "Siege" interprété par les growls sombres du blond gratteux Juho Patinen) et ses amis s'en donnent à coeur joie, même si le leader apparaitra comme le plus discret de tous, au contraire du claviériste d'orgine chilienne Felipe Munoz qui ne cessera de communiquer sa bonne humeur.
Heureux d'être là, les jeunes déroulent leur set sans grand accroc, tout en puissance et maîtrise, avec des choeurs remarquablement bien reproduits au-delà des samples. Certains leur reprocheront un manque de personnalité relatif, dû à leur jeune âge, avec quelques poses un peu trop à la Children of Bodom par moments (les guitaristes adulent Alexi Laiho jusque dans leur instrument, c'est certain), mais franchement ce n'est qu'un détail. En 30 minutes, Frosttide a montré un énorme potentiel, et la foule ne s'y est pas trompé en saluant chaleureusement cette prestation... de quoi se mériter, pour le sextuor venu du nord, ces fameux et mystérieux cookies ardamment réclamés avant le single "Quest for Glory" !
Setlist :
(Intro Warrior's Call)
- Awakening
- Ruins of Defeat
- Siege
- Quest for Glory
- No Turning Back
(Unwritten Engraved in the Stars en extrait outro)
SUIDAKRA
Formation allemande de metal guerrier et celtique, Suidakra n'est plus un inconnu du genre, bien au contraire, étant considéré comme l'un des fers de lance du style outre-Rhin en compagnie d'Equilibrium. Jugez plutôt : le combo sort cette année son 11ème album studio, rien que ça, un Eternal Defiance plutôt bien accueilli et que le quatuor ne défendre que partiellement avec deux titres sur six. C'est d'ailleurs avec le très direct "Inner Sanctum" que les débats seront lancés sans la moindre concession. "Are you ready?", lance ainsi le frontman guitariste Arkadius, une gimmick qui reviendra plus d'une fois le long du set.
Affublés d'armures légères ou "gilets par balles médiévaux" (anachronisme power !), la troupe teutonne met en avant ses tonalités guerrières an haranguant la foule, les préparant ainsi à une vraie "celtic battle". Les premiers gros mouvements se font ainsi sentir dans la foule, un premier circle pit se forme pendant un "Dead Man's Reel" certes entraînant mais quelque peu mou. Un paradoxe. Pour le reste, retenons le tube "The IX Legion" du très réputé Caledonia, l'efficace "March of Conquest" et son refrain entraînant, le plutôt mélodique "Isle of Skye" bercé de quelques clappement de mains ou la très belle conclusion "Wartunes" très black dans l'esprit qui déménage une dernière fois une audience déjà bien surchauffée. Une setlist efficace même si certains pleureront l'absent du fort bon "Pendragon's Fall", mais sur 40 minutes on ne peut pas tout avoir...
Puisqu'on parlait de Arkadius, beaucoup apprécieront sa grande tendance à échanger avec le public, d'autres le trouveront un poil répétitif dans ses propos à l'image d'une musique pas forcément toujours joyeuse et entraînante pour le genre. Nous constaterons cependant une performance fort solide et expérimentée pour un groupe parfaitement huilé aux joutes de la scène, et qui sait exactement quoi faire pour entretenir son public. On regrettera un chant parfois un poil linéaire et fatigué, si on veut chercher la petite bête, mais les esprits seront globalement marqués positivement par cette prestation.
C'est en terrain conquis que Suidakra quitte ainsi ses ouailles, il est désormais temps d'une trève avant la reprise de la bataille...
Setlist :
(Intro Storming the Walls)
- Inner Sanctum
- Isle of Skye
- Dead Man's Reel
- March of Conquest
- The IX Legion
- Wartunes
EQUILIBRIUM
Les allemands d'Equilibrium vont finir par prouver qu'ils adorent la France ! Après un passage remarqué (et très remuant) au Hellfest cette année et un autre déjà programmé pour la prochaine édition, voici nos bavarois préférés déjà de retour, à Paris cette fois, mais avec un changement de marque. En effet, le guitariste compositeur René Berthiaume est absent ce soir, remplacé par un Arkadius de Suidakra à peine reposé de son set. Viré ? Que nenni, juste resté au bercail pour soigner une tendinite musculaire et, au passage, travailler sur les compositions du prochain album. Un mal pour un bien pour un groupe qui veut très vite proposer une suite à cet EP paru plus tôt cet été, et qui sera d'ailleurs joué en quasi intégralité ce soir.
Quasi ? Autant dire qu'il le sera complètement, puisqu'en plus des deux compositions originales, la très bucolique ("cocoricooooo" en intro ! Ah bah oui, ils aiment la France hein...) "Waldschrein" ainsi que la bien rentre-dedans "Zwergenhammer" (titre imprononçable avec moins de 3 bières dans le sang), nous aurons aussi droit à "Der Sturm" (certes du premier album mais reprise sur cet EP) mais aussi et surtout le fameux thème de Skyrim. Ce "Himmelsrand" tant attendu et qui sera chantonné en choeur par un public connaisseux de gamers. Bah oui, quel metalleux n'a jamais joué à ce jeu mythique ("moi ! moi !", s'écrit votre serviteur) ? Un moment de bravoure instrumentale sur laquelle Robse Dahn se donne plus que jamais... oui oui, le chanteur, qui beugle ses "lalala lalala" visiblement insatiable d'énergie et la baguette en main !
Ah sacré Robse... quelle masse... quelle voix ! Totalement infatigable, le colosse frontman lâchera growls bien gruik death et cris black metal sans sourciller une seule seconde, performance de choix et totalement crevante si on se met à sa place, d'autant plus qu'il ne cessera de bouger et de jacasser entre chaque morceau appelant walls of death ou autres circle pits. Facétieux aussi, le chanteur se permettra de s'amuser avec un slammeur venu sur la scène pendant la sautillante et violente "Unter der Eiche". Pour ponctuer cet éloge au monsieur, on notera ce cri black venu d'ailleurs sur la conclusion "Unbesiegt", de quoi faire palir de peur le chanteur de Silencer (cherchez sur Youtube et vous comprendrez).
Si aucun souci n'est venu perturber le côté chant, si Arkadius joue les parties de René sans trop de mal, le groupe ne sera pas épargné par quelques légers problèmes de sons même si ceux-ci seront moindre comparés à l'acoustique du Hellfest, notamment au niveau des samples claviers bien plus audibles cette fois. C'est parfois un peu brouillon, mais cela est également dû au style pratiqué, Equilibrium donnant dans un black death folk ultra épique et festif tout en étant très brutal par moments. Une mayonnaise qui a parfois du mal à prendre sonorement... mais qui permet un défouloir total dans l'assistance ! Beaucoup ressortiront de ce concert exténués et endoloris... et dire que "Met", cette brave "Met" totalement improbable dans sa vitesse, est venue en fin de set pour (presque) tous les achever...
En tout cas on peut leur dire merci, pour l'ambiance et le show, à revoir en juin 2014 à Clisson pour encore plus de plaisir... et de douleurs !
Setlist :
- Blut Im Auge
- Der Sturm
- Waldschrein
- Unter der Eiche
- Himmelsrand (Skyrim Theme)
- Zwergenhammer
- Met
- Unbesiegt
TURISAS
Lorsque nous faisons la queue avant l'ouverture des portes, pas mal de discussions fleurissent concernant Turisas et leur dernier album disons... controversé ! Si nous l'avons apprécié sur La Grosse Radio Metal, ce n'est visiblement pas le cas pour disons... 80% des fans présents ce soir ! Ainsi entre les "Turisas, c'était mieux avant, avant que ça soit pop !", ou les "Nous on veut pas du ABBA metal", ou encore les "J'espère qu'ils en joueront pas ce soir de cette bouse", nous avons été servis. Et vous savez quoi ? Eux aussi. Car, en mode troll ultime, ou tout simplement pour affirmer une nouvelle personnalité et justifier artistiquement ce Turisas2013, pas moins de cinq morceaux dudit "album qui déçoit" seront interprétés ce soir. Cinq sur les dix de la setlist... et pas même la chanson à boire du lot ! Un sacré tour de force de la part de Warlord et ses sbires qui ont su poser leurs testicules sur la scène du Bataclan !
Il va de soi que les titres de ce nouveau disque seront accueillis très frileusement par des metalleux souvent hagards et quelque peu stoïques. Le "For Your Own Good" qui démarre les hostilités se fera ainsi devant un public vide de réaction, à part deux-trois clampins sur le côté de la scène (NDLR : dont Vyuuse et moi-même) ravis et quelques peu amusés par une situation quelque peu ubuesque. Heureusement, si "Piece by Piece" suivra un peu le même chemin, "Ten More Miles", "Greek Fire" (bien brutal sur son refrain et ses riffs) ou surtout le magnifique "We Ride Together" seront mieux reçus. Comme quoi, il faut laisser la mayonnaise prendre et donner sa chance au produit...
Pour le reste, Turisas change un peu ses cartes et propose des morceaux différents, beaucoup plus directs et taillés pour le live, l'ajout dans le line-up de nouveaux membres parfaitement taillés pour la scène et le retrait des samples symphoniques aiguillant ce choix. Ainsi, l'album Stand Up and Fight, brûlot des plus orchestraux, ne sera représenté par que le seul titre éponyme. Le reste de la setlist sera quant à lui tourné vers le passé du groupe avec l'incontournable "To Holmgard and Beyond" et le plus rare "A Portage to the Unknown" de l'album The Varangian Way, ce dernier en laissant certains quelque peu dubitatif, mais aussi du Battle Metal avec l'hymne titre ou un "As Torches Rise" sorti de nulle part. Outre donc le choix de copieusement représenter le nouveau bébé, Turisas prend également à contre-pied ses fans avec une setlist globalement innovante et risquée.
Difficile donc de dire que la prestation du sextette finois s'avère couronnée de succès, pourtant sur scène le groupe a offert une représentation dénuée de tout problème majeur si ce n'est un freestyle clavier un peu étrange de sur "Ten More Miles", morceau à l'intro quelque peu ratée au passage. Si on excepte donc ce titre, le reste sera délivré sans problème, avec notamment un Mathias Nygard très en voix, un énorme son de basse bien rond qui permet d'apprécier la technique de Jesper Anastasiadis, et un violon relativement bien mixé (ce qui n'est pas toujours évident sur scène).
Dire donc que Turisas a réussi son pari serait mentir, pourtant les faits sont là : Nous avons eu droit à un show de qualité, avec quelques effets visuels fumigènes intéressants et un décor sobre parfaitement convenable, seul le choix des titres aura donc suffit à décevoir les fans sur place. Cela est dommage et montre bien que le groupe n'a pas fini de se battre pour imposer sa nouvelle orientation. Reste à savoir si cela prendra à l'avenir, c'est vraiment tout le mal qu'on leur souhaite.
Setlist :
- For Your Own Good
- A Portage to the Unknown
- Ten More Miles
- Piece by Piece
- To Holmgard and Beyond
- Greek Fire
- As Torches Rise
- Battle Metal
- We Ride Together
- Stand Up and Fight
ENSIFERUM
Un an jour pour jour donc. A croire que Ensiferum adore l'arrivée de l'automne sur nos terres, même si la météo extérieure s'apparente plus à un été indien qu'à une certaine morosité. Et cela tombe bien, car le Bataclan est chaud comme la braise, n'attendant qu'eux et survoltés après la déception (pour ceux qui n'ont pas aimé) Turisas. La tension monte le temps d'une courte intro samplée pour une entrée en trombe des guerriers finlandais...
Ensiferum surprend de suite avec une chanson que nul n'attendanit, le "Into Battle" du second album Iron qui sera d'ailleurs le seul morceau issu de cet opus joué ce soir. Point de morceau titre pourtant fédérateur, ou l'envie de proposer quelque chose de différent pour les spectateurs déjà présents l'an passé, ce qui est tout à l'honneur de Petri Lindroos et ses amis. La présence de "The Longest Journey" précédée de son introduction a cappella en finnois sera l'autre grande surprise du set, sans oublier bien évidemment cette conclusion totalement décapante qui verra le quintet revenir sur scène avec de gros sombreros sur la tête pour interpréter une reprise du "Bamboleo" des Gipsy Kings, fameux bonus track du dernier album Unsung Heroes. Moment culte s'il en est durant lequel Sami Hinkka (basse) et Markus Toivonen (guitare) se permettront quelques joutes.
Unsung Heroes justement, parlons-en, ici représenté outre cette folie par le fidèle trio constitué de "In My Sword I Trust", "Unsung Heroes" et "Burning Leaves", tout juste séparés par un "Windrider" assez inattendu mais qui marche du tonnerre en live lançant ainsi avec grand plaisir une véritable "Monday Night Party". Celle-ci sera plus tard accentuée par le très direct et puissant "Ahti" ou encore le festif "Twilight Tavern", véritable appel du pied aux alcooliques présents sur place clairement encouragés par un Sami souvent bouteille en main et toujours aussi facétieux.
Un show folk death réussi ne peut que l'être si l'interaction entre le groupe et son public est optimale, et ce fut une nouvelle fois le cas ce soir avec un bon gros wall of death sur "Windrider", du mosh pit bien velu ou des jumps à gogo, sans oublier les habituels slams. Mais ce n'est pas tout, des musiciens parfaitement en place avec un bon gros son ajoutent forcément une plus value non négligeable ; rien à signaler sur ce point malgré quelques problèmes de batterie qui mettront un certain temps à être réglés au départ. Peu importe, niveau instruments et voix nous atteindront un véritable summum de puissance, Ensiferum ayant la chance de posséder en son sein trois excellents hurleurs. Petri, affublé d'une petite barbe inhabituelle, offrira ainsi une prestation sans faute, plus convaincante qu'au Trabendo, entre moments sombres et passages plus black comme celui fort remarqué sur "The Longest Journey". Quant à Sami et Markus, on les entendra par exemple sur la merveilleuse "Wanderer", le tout accompagné d'une Emmi toujours aussi ravissante derrière son clavier.
Sans surprise, Ensiferum a largement satisfait ses fans, jouissant d'une grande forme et d'une énergie sans faille en cette soirée de septembre. Beaucoup espèrent désormais les revoir, pourquoi pas dès 2014 au Hellfest... ou encore un 23 septembre ? Après tout, jamais deux sans trois. Il ne reste plus qu'à espérer un album studio un poil plus inspiré que le précédent et tout sera parfait, de quoi assumer et assurer un rôle de leader dans le style pour quelques années encore.
Setlist :
- Into Battle
- In My Sword I Trust
- Windrider
- Unsung Heroes
- Burning Leaves
- From Afar
- Twilight Tavern
- Ahti
(Tumman Virran Taa)
- The Longest Journey (Heathen Throne Part II)
- Wanderer
- Bamboleo
Un petit coucou au groupe Frosttide plus tard devant la salle et nous ne nous éternisons pas sur les lieux, bien épuisés par cette journée plutôt épique de Heidenfest. Tout simplement le début d'une semaine pleine de richesses metalliques...
Un grand merci à Garmonbozia et l'équipe de Base Prod pour l'orga
Photos : © 2013 Nidhal Marzouk / Yog Photography
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