Max Cavalera, leader de Soulfly

"Soulfly m’a sauvé la vie"

Max Cavalera, icône du thrash metal depuis les années 1990, a accordé quelques minutes à La Grosse Radio afin de présenter Savages, le prochain album de Soulfly, à propos duquel il est très enthousiaste, et aussi pour évoquer les thèmes qui l'inspirent, les groupes qu'il admire et pour faire un bilan sur sa carrière au sein de Soulfly.

Bonsoir Max et merci de nous accorder cette interview. Tout d'abord, à quoi fait référence le titre Savages ?

Il parle de la condition humaine en général. Nous sommes toujours des sauvages au fond de nous, malgré le progrès apparent. Certaines chansons traitent ce sujet, comme "Bloodshed", "Cannibal Holocaust", "Fallen", "El Comegente" ou encore "Master of Savagery". Notre dernier album, Enslaved, parlait d’esclavage. Il fallait que je parle d’un autre sujet ici, et j’ai pensé à l’humanité et sa sauvagerie de nos jours. Du coup, Savages s’est imposé comme un titre fort. En rapport avec ce thème, celui qui a fait la pochette de l’album a eu l’idée d’une grosse tête de mort qui semble crier. Tu ne peux pas faire plus metal ! C’est un album très direct et je l’adore, que ce soit les thèmes, les chansons, les collaborations. J’ai aussi adoré travailler avec Terry Date (producteur). Le son du disque est très heavy, mais propre à la fois, tu peux tout entendre. De plus, je pense que cet album a le meilleur son de guitare de tous les albums de Soulfly.

Soulfly Savages

As-tu changé quelque chose au niveau de la guitare pour avoir un tel son ?

Non, je ne sais pas comment c’est arrivé ! Je pense que cela vient de la manière d’enregistrer de Terry Date. Je n’ai pas changé de son de guitare depuis que j’en joue, je m’y prends toujours de la même manière, c’est toujours heavy et ça colle bien avec le son de Marc [Rizzo, guitariste]. Pourtant Terry Date a réussi à le rendre encore plus heavy sans perdre la clarté du son. C’est une tâche très difficile pour un producteur, c’est pourquoi il est si talentueux, tu l’entends en écoutant les albums de Pantera et de Soundgarden qu’il a produits. Il utilise sa table de mixage comme un instrument. Je n’ai pas eu besoin d’intervenir dans le son de l’album, je l’ai laissé faire et je suis satisfait du résultat. Je ne connais pas tous les secrets du son de guitare, mais ça sonne magnifiquement bien.

Parlant du durcissement du son de Soulfly, depuis Dark Ages, chaque album est de plus en plus agressif. Est-ce voulu ?

Il se trouve que j’écoute beaucoup de groupes récents au son agressif, comme The Acacia Strain, Man Must Die, Psycroptic, Abysimal Dawn et j’écoute aussi des vieux groupes dans cette veine, comme Terrorizer, Death, Morbid Angel, Massacre, Krisiun, Melechesch… Tous ces groupes m’ont influencé et ma musique est devenue de plus en plus agressive, mais cela s’est fait naturellement, je n’ai rien forcé. Enslaved est peut-être l’album le plus extrême que j’ai fait, mais Savages est à moitié extrême, alors que l’autre moitié contient plus le groove qui participe à l’identité de Soulfly, comme sur Prophecy. Du coup, j’essaie de combiner ces deux aspects sur cet album.

Parmi les invités de cet album, on retrouve Neil Fallon de Clutch, sur "Ayatollah of Rock n’rolla". Comment s’est passée cette collaboration ?

C’était excellent. Je suis fan de Clutch depuis toujours. Avec Sepultura on avait tourné avec eux et joué "A Shogun Named Marcus" sur scène en 1994. J’ai trouvé que c’était une bonne idée de faire une chanson avec Clutch, c’était original en plus, je ne pense  pas que Neil fasse beaucoup d’apparitions comme ça. Nous sommes des amis de longue date, quand je lui ai proposé de participer à mon album il était très content. Je lui ai montré cette chanson, "Ayatollah of Rock n’rolla", qui a ce feeling southern rock au début, qui part sur un groove à la Queens of the Stone Age et qui incorpore au milieu le metal de Soulfly… C’est assez nouveau pour le groupe de faire ça, je n’ai jamais fait ça avant. Neil est excellent dessus, que  ce soit la narration du début, ou les paroles qu’il a écrites.

A propos de cette chanson, qui est l’Ayatollah of Rock n’rolla ?

Cela vient en fait du film Mad Max 2. Il y a un gang de motards dans le désert et leur leader, un homme très muscler se fait appeler l’ayatollah of Rock n’rolla par celui qui le présente. J’ai trouvé que cela ferait un super titre de chanson quand j’ai vu ça. J’aime prendre mes idées de films, documentaires ou livres, cela m’inspire bien.

Tu as écrit les paroles avec Neil Fallon pour cette chanson. Est-ce que ça a été la même chose avec les autres invités sur le disque ?

Oui, pour Ayatollah, je me suis occupé de ma part et Neil de la sienne. Sur "Fallen", j’ai tout écrit, même la partie où Jamie Hanks chante. Je me suis d’ailleurs exercé avec un dictionnaire pour écrire des mots que je n’emploie pas souvent. Je suis content du resultat, comme je suis content du titre de "Soulfliktion", un mélange entre soul (âme) et affliction (malheur). Il y a aussi ce titre en espagnol, "El Comegente", qui signifie « celui qui mange les gens », qui parle du serial-killer vénézuélien Vargas, je chante dessus avec Tony Campos, mon bassiste. Il y a aussi la chanson "Cannibal Holocaust", inspirée du film du même nom. Toutes ces idées sont connectées au titre Savages, j’aime beaucoup cet aspect des chansons. Ce n’est pas un concept, mais ça s’en rapproche avec les thématiques qui sont liées.

Savages est le premier album avec ton fils, Zyon, à la batterie. Quel effet cela a fait de travailler avec lui ?

J’ai pris un risque en le prenant dans mon groupe. La plupart des musiciens auraient pris un batteur de session qui a déjà beaucoup d’expérience. J’ai voulu lui donner sa chance. C’est un jeune, il a faim, il me rappelle moi quand j’avais son âge et que je voulais quelque chose à tout prix, ce trait de caractère a beaucoup de valeur pour moi, c’est quelque chose que je voulais explorer. Nous avons passé un mois à jammer ensemble, juste lui et moi, et c’était vraiment cool. Il arrivait que ma femme passe par la pièce où on répétait et elle nous trouvait excellents. Pendant cette période, j’écrivais des riffs le matin et ensuite je les répétais avec lui et ces riffs devenaient des chansons. Ensuite, on a fait venir le groupe à Phoenix (ville où habite Max Cavalera) juste avant d’entrer en studio pour qu’ils apprennent bien les chansons. Savages doit être l’album pour lequel on s’est le mieux préparés, quand je suis entré dans le studio, l’album était prêt et je savais déjà comment il devait sonner.

Soulfly

Cela fait 10 ans que Marc Rizzo est dans Soulfly. Que peux-tu dire sur lui ?

Marc est excellent, c’est comme un frère dans le groupe, on s’entend très bien, d’ailleurs nous avons presque la même date de naissance, son anniversaire tombe deux jours avant le mien. J’adore sa manière de jouer, c’est l’un des meilleurs guitaristes du monde, on s’en rend compte en le voyant jouer. Sur scène, il bouge de manière très énergique en plus, il sait mettre l’ambiance. Quand je l’ai trouvé, je me suis dit qu’il fallait que je le garde dans Soulfly le plus longtemps possible, et je suis content de l’avoir gardé tout ce temps. En plus de ça il me suit aussi dans Cavalera Conspiracy.

Est-ce que sa manière de jouer t’inspire quand tu écris des chansons ?

Oui, on travaille ensemble : souvent j’écris un riff, Marc l’écoute et le joue un peu différemment par rapport à sa version d’origine. Du coup, cela améliore les chansons quand il met sa patte. Par exemple, "Rise of the Fallen" (Omen – 2010), le riff d’intro était très simple, mais Marc l’a légèrement changé et cela a tiré la compo vers le haut. Du coup, notre collaboration est vraiment satisfaisante.

Parlons tournée, tu en as fait une avec Soulfly cet été avant la sortie de Savages, comment cela s’est-il passé ?

Ça s’est très bien passé, on a fait de supers festivals, avec Slayer, il y en avait un en Pologne avec Misfits, je me souviens de ce super concert au Graspop Metal Meeting, certains ont dit que c’était notre meilleur passage là-bas. On a joué sous une tente, donc le public est censé être réduit, mais il y avait tellement de monde que c’est devenu une grosse date ! J’ai hâte de jouer encore sur scène. Après notre tournée américaine en octobre, on va revenir en Europe en début d’année pour une grosse tournée, qui durera peut-être deux mois, pour présenter Savages au public.

As-tu prévu de jouer beaucoup de chansons de cet album ?

Oui, je pense qu’on pourra en jouer beaucoup sur scène, même celles avec des invités, je me chargerai de faire leurs parties, comme pour "Ayatollah of Rock n’rolla", que j’ai bien l’intention de jouer, comme "Fallen", "El Comegente", "Masters of Savagery", "This is Violence" et "Spiral"… Savages fait partie de ces albums qu’on peut beaucoup jouer sur scène, il sera bien reçu.

Soulfly

Parlant de collaborations, y a-t-il d’autres artistes que tu aimerais inviter sur un album de Soulfly ?

J’adore le thrash classique, avec des chanteurs comme Phil Anselmo (Pantera), Mille Petrozza (Kreator), ou Tom Gabriel Warrior (Celtic Frost), ce serait bien de faire quelque chose avec eux à l’avenir. J’ai beaucoup de respect pour eux, j’admire le fait qu’ils continuent de jouer et de tourner, donc j’espère pouvoir enregistrer avec eux un jour.

J’ai vu que, parmi tes groupes préféré hors Etats-Unis, le premier était Gojira. Que peux-tu dire sur eux ?

J’adore Gojira, c’est un excellent groupe, j’ai eu le plaisir de travailler avec Joe Duplantier (chant/guitare) sur le premier album de Cavalera Conspiracy, il y joue de la basse, c’est un bon gars. J’aime tous leurs disques, mon préféré est From Mars to Sirius. Je pense qu’ils mélangent la double-pédale et les grosses guitares de manière unique, et leurs passages mélodiques sont aussi excellents. C’est clairement l’un de mes groupes préférés en ce moment.

Un autre groupe qui t’a influencé lors de ta carrière est Slayer. Que peux-tu dire sur Jeff Hanneman qui nous a quittés cette année ?

C’est triste, on a perdu de bons camarades dans le metal, comme Chi Cheng de Deftones ou Ronnie James Dio. Je ne connaissais pas très bien Jeff Hanneman, mais ça m’attriste de l’apprendre, j’adore Slayer, j’ai joué dans un festival en Allemagne où ils jouaient aussi et avec Phil Anselmo, on était sur le côté de la scène et on chantait toutes les chansons comme des gamins, en headbangant et en profitant bien. Kerry King est venu nous saluer d’ailleurs. J’ai aussi eu l’honneur de travailler avec Tom Araya sur la chanson "Terrorist" dans l’album Primitive (2000). J’adore Slayer, pour moi, certains de leurs albums font partie des meilleurs jamais enregistrés, je les écoute toujours d’ailleurs, et ils ont été une grande influence sur les débuts de Sepultura.

Soulfly

Soulfly a fêté ses 15 ans l’année dernière. Que peux-tu dire sur l’évolution du groupe ?

Ça fait du bien de se dire qu’on a déjà neuf albums de sortis et qu’on est actifs depuis plus de 15 ans. J’ai été dans Soulfly plus longtemps que dans Sepultura, c’est assez incroyable. J’adore tout ce qu’on a fait dans ce groupe. Soulfly m’a sauvé la vie en fait. Après avoir quitté Sepultura, je ne savais plus trop quoi faire, et il me fallait un salut, qui est venu sous la forme de Soulfly. C’était un moyen de continuer à exprimer mes sentiments et à utiliser ma musique comme une arme pour faire face à la vie de tous les jours. Pour moi, Soulfly est un groupe positif, qui montre au monde qu’on peut voir la vie du bon côté. Je pense que c’est bien d’avoir un groupe comme ça dans le monde du metal. Je vois d’ailleurs beaucoup de gens qui portent des tatouages de Soulfly. Je sais à quel point ça fait mal d’en avoir, du coup, voir des gens en avoir de mon groupe me rend heureux.

Je te laisse les derniers mots pour les fans français.

Merci beaucoup ! J’adore la France, j’espère vous revoir au Hellfest, j’adore ce festival, donc j’espère pouvoir le refaire et vous y voir, ou alors aux prochains concerts  qu’on va faire en tête d’affiche. J’adore la tribu française et j’ai hâte de vous revoir !

 



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