Un petit évènement. Cela faisait cinq ans que le groupe danois de doom metal n'était pas venu sur les terres françaises. Saturnus était donc quelque peu la star de la soirée, une grande partie du public venant pour lui, mais voilà... petite douche froide lorsque l'on apprend que c'est en fait eux qui ouvriront le bal ce soir.
En backstage, leur chanteur Thomas Akim Grønbæk Jensen, taquiné par son jeune claviériste Mika Filborne, semblait un peu perplexe à l'idée d'entamer les débats, mais c'est malgré tout dans la bonne humeur que nous échangeons quelques mots avec lui avec la fine fleur du doom metal français (des membres de Angellore et Ixion pour ne pas les nommer).
Le temps d'une averse en mode "Rain Wash Me" (NDLR : un des morceaux phares de Saturnus qui ne sera pas joué ce soir) avant l'ouverture des portes et il est temps de s'installer. Oh, n'oublions pas tout de même de mentionner que la tête d'affiche sera tenue par les allemands de The Vision Bleak et que les roumains de Dordeduh serviront de tranche de jambon dans un sandwich musical s'annonçant copieux.
SATURNUS
18h30 c'est quand même tôt pour du doom dit "romantique" (ou "doom for girls", d'après son frontman), mais la pluie tombée juste avant sur Paris aura eu le mérite de mettre les gens dans l'ambiance. Ironie du sort, c'est avec le morceau "Litany of Rain" issu du dernier album Saturn in Ascension que le sextette danois démarre son set, mettant en avant cette dernière livrée comme il se doit puisque sera aussi interprété l'excellent "Wind Torn" et le très Paradise Lost "A Father's Providence" qui sera d'ailleurs dédicacé aux membres de l'équipe technique présente pour la tournée.
Très vite l'ambiance plombée et à la fois atmosphérique de Saturnus s'impose sans mal, Thomas menant sa barque en toute sobriété n'oubliant pas de s'accorder quelques facéties, entre quelques private jokes avec son bassiste ou un "F... F.. F... F..." très exagéré sur le tube "Empty Handed". Content d'être là, le chanteur sera simplement gêné par un faux contact sur son micro, celui-ci n'étant réglé qu'à la fin du show et deux morceaux avant la fin par l'intervention d'un technicien sur scène.
Ce sera là le seul bémol d'une prestation parfaitement carrée et magistrale, au son fort bien équilibré et à l'équilibre émotionnel rompu comme il se doit sur certains moments poignants. On retiendra ainsi le formidable "I Long" étiré à l'extrême et la conclusion "Christ Goodbye" qui en fera vibrer plus d'un.
Un grand merci à Saturnus pour l'offrande, un groupe concerné qui sait mettre en évidence ses ambiances tout en faisant preuve d'un grand professionnalisme avec des musiciens parfaitement en place. Et sur 45 minutes en tout début de show, le pari était loin d'être gagné d'avance...
Setlist :
- Litany of Rain
- Empty Handed
- I Long
- Wind Torn
- A Father's Providence
- Christ Goodbye
DORDEDUH
Les roumains de Dordeduh ne font pas semblant quand ils montent sur scène, et ce même si ils ne sont pas tête d’affiche et que le temps leur est compté quand ils arrivent après Saturnus.
Qu’à cela ne tienne. Afin de créer une ambiance qui leur est propre, ils interprètent d’emblée l’intro à base de hammered dulcimer (instrument à cordes frappé) menée par Sol Faur, du fameux Toaca (planche de bois accrochée et percutée à l’aide de marteaux) joué par le bassiste et des 2 fameuses Tulnics (instrument à vent très long pouvant dépasser les planches du Glazart quand ils commencent à souffler dedans), une introduction mystique qui annonce le titre fleuve « Jind de tronuri » de leur album Dar de Duh. Oui, c’est aussi ça la musique, pas seulement des titres que l’on interprète les uns derrière les autres, mais aussi savoir créer une ambiance, devenir envoûtant par des sonorités peu ordinaires que l’on a rarement l’occasion d’entendre, nous prendre par le bras et nous emmener dans la profondeur des forêts de Roumanie.
L’éclairage est minimaliste (vous allez me dire « bah oui mais c’est le Glazart »), mais là c’est encore plus sombre que dans le trou du cul d’un ours roumain ; ainsi si l’on veut faire quelques clichés de devant la scène il faut demander à un copain d’ouvrir la porte des toilettes...
Quoiqu’il en soit, le côté positif c’est que dans de telles conditions le public ne peut être que plus réceptif au Black Metal atmosphérique et spirituel de Dordeduh qui ne font pas semblant en interprétant entre autres le fameux titre « Cumpat » (dont la prononciation en fera sourire plus d’un) ou « Dojana » en entame introductive aérienne, tout en fermant parfois les yeux pour se laisser imprégner de leur musique peu ordinaire qui sait tutoyer le côté violent et agressif du Black Metal sans concession (demandez donc au sieur Hupogrammos à la voix exceptionnelle). N'en déplaise à Manuel V., ce ne sont pas des Roms à ranger n’importe où...
Par Born 666
Setlist :
- Dojana
- Jind de tronuri
- Flacararii
- Cumpat
- Calea Rotilor de Foc
THE VISION BLEAK
Après ce coup de pied au derrière infligé par les excellents ex-Negura Bunget, la barre était haute pour Konstanz, Schwadorf et ses amis. Mais on ne la fait pas à cette bande d'expérimentés qui touchent leur bille dans plus d'un autre groupe, notamment le fameux Empyrium qui a récemment fait ses premiers pas en conditions live pour un résultat inoubliable. On est cependant ici loin du folk doom mélancolique, The Vision Bleak pratiquant plus un metal gothique horrifique plutôt martial et très... allemand.
Beaucoup ainsi parleront de Rammstein à la suite de leur prestation ce soir, même si leur côté indus serait parfois plus à aller chercher du côté de Pain comme sur l'entraînant "The Night of the Living Dead" mais surtout le tube "The Lone Night Rider" qui viendra ponctuer le concert avec brio. Ce premier opus, datant tout de même de 2004, sera d'ailleurs l'une des stars de cette soirée puisque pas moins de cinq morceaux en seront interprétés. On retiendra parmi eux, outre les deux déjà cités, l'excellent "Wolfmoon" et la surprenante "The Deathship Symphony" en début de rappel.
Seul regret : la sous-représentation du meilleur opus du groupe, le Carpathia de 2005, fatalement illustré par son incontournable éponyme et la non moins indispensable "Kutulu!" qui verra un large public reprendre en choeurs les incantations interdites durant son refrain. De quoi raviver la bête, et un Markus Stock (alias Schwadorf) qui malgré sa discrétion derrière sa guitare sait aussi lancer quelques moments black metal en back vocals, comme sur "Descend Into Maelstrom" seule rescapée de l'opus Set Sail to Mystery.
Le vrai thème du spectacle était bien évidemment les sorcières, illustrées sur le dernier opus Witching Hour paru en septembre. Un chaudron plus vrai que nature a ainsi servi de décor, crachant une fumée lumineuse à chaque interprétation d'une piste de ce disque ; l'entrée en matière plutôt speed "Hexenmeister", l'entêtant "The Wood Hag" et l'excellent "The Blocksberg Rite" pour finir avant le rappel, sur laquelle Konstanz sortira le tambourin en mode Ozzy gothique se lâchant sur des mélodies exotiques samplées à la flûte. Allen vit d'ailleurs chacune de ces chansons pleinement, les transcendant dans l'interprétation et offrant un passage un chant assez varié (tout est relatif vu le style) et correct.
The Vision Bleak a ainsi offert un concert plus que satisfaisant à ses fans, dans la lignée de celui offert ici-même au Glaz'art il y a trois ans. On peut regretter certains choix, "Cannibal Witch" qui n'apporte pas un grand intérêt si ce n'est une gimbarde (inaudible mais l'effort est à souligner) dans son break, un "Black Pharaoh II" de The Wolves Go Hunt Their Prey qu'on aurait bien imaginé remplacé par "She-Wolf" ou un "The Grand Devilry" plus anecdotique qui aurait pu laisser place à un morceau supplémentaire de Carpathia. Mais tel était le choix de nos sorciers du soir, et on peut leur pardonner tant ils ont su mener leur auditoire à la baguette, balayant ainsi les doutes des plus sceptiques.
Setlist :
(Intro Witching Hour)
- Hexenmeister
- Carpathia
- The Night of the Living Dead
- The Black Pharaoh Part II
- Cannibal Witch
- Descend Into Maelstrom
- The Wood Hag
- Kutulu!
- The Grand Devilry
- The Blocksberg Rite
- The Deathship Symphony
- The Lone Night Rider
Merci aux Acteurs de l'Ombre pour l'organisation de la soirée
Photos :
© 2013 Lionel / Born 666
© 2013 Ju de Melon
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