"Aftershock est un album assez spécial"
A l'occasion de la sortie d'Aftershock, 23e album studio de Motörhead, Mikkey Dee, batteur du groupe depuis 20 ans, a fait part à La Grosse Radio de ses impressions sur ce disque et a notamment évoqué l'état de santé en amélioration de Lemmy, après les complications de cet été. Rock'n'Roll !
Interview réalisée conjointement avec Born666.
Bonjour Mikkey. C’est toi qui as trouvé le titre Aftershock. Peux-tu nous en parler ?
Effectivement ! J’avais un autre titre en tête quand j’ai vu la pochette : "After the Disaster". J’aimais bien la rime et cela allait bien avec la thématique chaotique de la pochette. Mais Lemmy [Kilmister, bassiste/chanteur] et Phil [Campbell, guitariste] le trouvaient trop long. Du coup j’ai simplement trouvé Aftershock.
Il y a une thématique guerrière dans ce titre est la pochette. Pourquoi ?
Je trouve que la thématique se rapproche plus de la destruction du monde. Il y a des tanks, certes, mais tout est fondu, on dirait des radiations, peut-être après la quatrième guerre mondiale, mais ce n’est pas le thème principal selon moi. De toute façon c’est une pochette qu’on nous a présentée, nous l’avons vue et elle nous a plu, la thématique ne vient pas de nous à la base.
Lemmy a déclaré que c’était le meilleur album depuis Inferno. Qu’en penses-tu ?
Je ne sais pas. Je sais qu’Aftershock est très bon et assez spécial. Mais j’ai besoin d’un peu de temps, jusqu’à l’album suivant, pour savoir si c’est un de nos meilleurs disques. Mais il est vraiment bien et a de quoi se faire remarquer. Il comporte plus de dynamiques, plus de détails, de meilleures mélodies, des solos de guitare plus cool, de meilleures parties à la batterie, une meilleure production. En plus il est plus varié, avec différents types de chansons. De fait, cet album est assez spécial. A chaque album de Motörhead, on fait un pas en avant dans notre style, celui-ci en fait quelques-uns en plus, peut-être cinq. Pas trop, sinon ce n’est plus Motörhead.
Vous travaillez avec Cameron Webb à la production. Vous a-t-il aidé à rendre ce disque spécial ?
C’est comme un quatrième membre. Il n’écrit rien, mais peut facilement te dire "cette partie me plait pour un refrain, pas un couplet." Il a des suggestions intéressantes, il peut te dire "Rentre chez toi et va écrire de meilleures mélodies", ou "Vas manger, parce que ce que tu fais-là ne sonne pas du tout".En cela, il nous aide bien. En plus de cela, il est très bon en studio, alors que nous sommes nuls pour la partie technique ! Il est rapide, très patient et très critique, du coup il arrive à tirer le meilleur de nous-mêmes. Et puis il nous connait, ça fait cinq albums qu’il travaille avec nous, donc on est amis depuis longtemps.
Nous avons trouvé que cet album allait plus loin également dans l’aspect rock n’roll, est-ce voulu ?
Il y a plus de blues oui. C’est arrivé comme ça. Je me souviens que Phil et moi avions écrit trois chansons dans cette veine mid-tempo d’un coup, deux ne sont pas sur l’album d’ailleurs. Alors qu’il avait trouvé quelque chose de mid-tempo, je lui ai dit "non, jouons quelque chose de plus rentre-dedans." Et ce jour-là, nous avons écrit "Heartbreaker", avec ce putain de rythme rapide. Puis le lendemain on a écrit une chanson plus lente. Tout dépend de l’état d’esprit dans lequel tu te mets et suivre ton instinct. Il nous arrive de vouloir écrire une chanson rapide, et à la fin on se retrouve avec une ballade ! [rires] C’est un drôle de mécanisme.
Concernant les chansons, les avez-vous écrites ensemble ?
Le gros de la musique est écrit par Phil et moi-même, c’est comme ça depuis Bastards (1993) Lemmy écrit surtout les paroles et les mélodies vocales. Il écrit aussi de la musique, nous présente ses parties pour que nous les assemblions. Phil et moi faisons en sorte d’aller le plus loin possible dans la composition avant de présenter les chansons à Lemmy, en lui indiquant les couplets et les refrains. S’il nous dit "Ce riff est bizarre, je ne sais pas quoi chanter dessus", on change et on essaie autre chose, ou il trouve autre chose. Notre participation à tous est équivalente au final.
Puisqu’Aftershock est spécial, avez-vous pensé à jouer beaucoup de chansons de cet album en live ?
On ne joue jamais beaucoup de chansons d’un nouvel album en live. Deux chansons, maximum trois, et encore, je préférerais deux. Puis, à la tournée suivante, on les enlève et on les remplace par deux autres. Nous avons tellement de vieilles chansons qu’on doit jouer. Quand nous écrivons un album, on pense à nous en premier, on fait ce qu’on veut. Si tu aimes, c’est un joli bonus, si tu penses que c’est de la merde, ce n’est pas grave, ça nous plait. Mais quand on doit faire une setlist, nous devons penser aux fans avant tout. Et ils sont là pour écouter des chansons qu’ils connaissent et créer une bonne atmosphère. J’ai été à des concerts où le groupe joue quasiment son nouvel album en entier et merde, je voyais des gens dormir dans leur coin ! Certains de ces groupes commencent le concert avec deux ou trois classiques et les six chansons suivantes sont du nouvel album. Du coup, tu finis au bar et tu ne regardes même pas le reste du concert. Et à la fin, tu as deux classiques. Avec Motörhead, on doit faire attention à ça. On commence avec des chansons que les gens reconnaissent, ensuite une nouvelle chanson, d’autres classiques, puis une nouvelle chanson et pour finir les chansons que nous sommes obligés de jouer. Je sais que certains veulent en entendre plus du nouvel album, mais après ils demanderont "Pourquoi n’avez-vous pas joué telle et telle chanson ?", ce à quoi on répondra "Parce qu’on a joué celle-ci et celle-là". Il répondra alors "Mais vous auriez pu aussi jouer celles-ci". Après, tu demandes à quelqu’un d’autre, qui aurait voulu qu’on en joue encore d’autres. On pourrait jouer huit heures et certains réclameraient encore des chansons ! Donc on doit essayer de contenter tout le monde en 1h15.
Parlant de live, comment réagis-tu face aux annulations de cet été ?
C’est triste, mais le plus triste d’entre nous est Lemmy. Phil et moi détestons annuler des concerts, évidemment, mais Lemmy était dévasté. Mais quand une merde arrive, on n’y peut rien. Par malchance, c’est arrivé au milieu de l’été. Je me souviens, il y a 14 ou 15 ans, je me suis cassé la cheville droite un jour avant le dernier concert de la tournée estivale. J’avais un plâtre à la jambe, mais je l’ai cassé en jouant, du coup j’ai joué le gros du set avec ma jambe gauche, mais j’ai quand même utilisé la droite. J’ai cru que j’allais mourir ! En sortant du concert, en Hollande, j’avais des béquilles, les gens n’en revenaient pas. J’ai pu faire ça pour un concert, mais si c’était arrivé au milieu d’une tournée, je l’aurais annulée, c’est impossible autrement. Cette fois, Lemmy est tombé malade au milieu de la tournée. Il voulait continuer, mais le docteur l’en a défendu. Il voulait même qu’il ne fasse rien. Maintenant, il va mieux, il se repose à Los Angeles et n’a qu’une envie : remonter sur scène. Quand quelque chose nous arrive, cela provoque un gros effet collatéral, comme un "aftershock" ! Certains groupes viennent me dire "Notre guitariste est tombé dans les escaliers, il s’est niqué les doigts, on doit rentrer pendant deux semaines et annuler deux concerts". Pour nous, deux semaines, ça veut dire 10 concerts en moins ! Du coup l’effet est plus important parce que nos tournées sont plus importantes. Pour cette tournée, il ne nous restait que quatre concerts en juin, deux en août, mais les gens ont pris peur. Lemmy va bien. C’est comme un vieux chien, tu dois juste le laver de temps en temps et il repart !
Pas mal de groupes nés dans les années 70, comme Judas Priest ou Scorpions, ont parlé de séparation. Qu’en penses-tu ?
Nous n’y avons même pas pensé. Le jour où nous nous arrêterons, ce sera définitif et justifié. On ne compte pas nous arrêter pour revenir sur notre décision six mois plus tard, et les gens se disent "ouf, maintenant il faut que j’achète leur album !" Je connais un peu les gars de Judas Priest, ils avaient decidé arrêté, mais maintenant qu’ils ont un nouveau guitariste [Ritchie Faulkner], Rob [Halford, chanteur] m’a dit qu’ils étaient vraiment contents de leur nouveau son et qu’ils allaient continuer. Pour Scorpions, je connais moins la situation, mais ils ont l’air de continuer alors qu’ils avaient annoncé leur dernière tournée.
Lemmy dit à chaque fois en concert que tu es le meilleur batteur du monde. Qui est-ce selon toi ?
Il en dit des conneries ! Je ne peux pas choisir un batteur parmi les autres. Pour moi, la musique, c’est comme la nourriture : j’aime les hamburgers, les pizzas, le poulet au curry, les crêpes, le faux-filet… J’aime tout ça, je ne peux pas dire lequel est le meilleur. Mes plus grosses sources d’inspiration sont Ian Paice [Deep Purple], Brian Downey [Thin Lizzy], Steve Smith [Journey], ou encore Neil Peart [Rush]. J’admire aussi beaucoup Scott Rockenfield de Queensrÿche, groupe avec lequel King Diamond, avec qui j’ai joué, avait beaucoup de fans en commun. J’adore sa manière de jouer, il a bon goût, sait accompagner un riff sans le ruiner, et quand il faut être technique, il devient dingue, comme Neil Peart.
Viens-tu d’une famille de musiciens ?
Oui, nous sommes quatre batteurs ! C’est une famille qui joue fort ! [rires]
Un dernier mot pour les fans français ?
Je suis content que nous marchions bien à nouveau en France. Nos fans ont pensé un temps que Motörhead ne voulait pas venir en France, à l’époque où nous faisions nos tournées sans jamais nous arrêter ici. Chaque année j’appelais et il n’y avait pas d’offre. C’était à la fin des années 90 et au début des années 2000. Après ça, on a fini par revenir. Nos fans sont vraiment dévoués et nous ont suivis, contrairement aux promoteurs à cette époque. Je suis content que ce soit fini et je suis content qu’on revienne à Paris. Idéalement, j’aimerais faire trois ou quatre concerts par tournée et passer par les autres grandes villes. J’espère que ça se fera aux autres tournées. Avant ça, on se voit le 9 novembre au Zénith !