Dans une dimension parallèle, en Hongrie. Un monde où les groupes en ''a'' prennent un ''u'' :
« Hé les gars, j'ai un super nom pour notre groupe ! Vous allez adorer : c'est beau, original, du jamais vu sur la scène ! »
« Trop génial Anna ! Allez, crache le morceau, nous fait pas languir, c'est quoi c'est quoi c'est quoi ??? »
« Sorronia ! Trop frais hein ? »
« Fantastique ! Loin des Epicu, Sireniu ou Lacunu Coil, ça c'est sûr ! »
« Hihihihi » (rire féminin)
Un peu plus tard :
« Waaaaa, trop bien ta nouvelle couleur de cheveux, c'est carrément méga classe et t'es trop canon avec ça ! »
« Merci ! En plus c'est loin de toutes les blondes qui peuplent le metal symphonique hein ?! »
« Ouais grave ! Tu vas tout déchirer avec ça ma belle ! »
Et c'est ainsi que le quintette accéda à la gloire et aux feux d'artifices.
Mais ça c'est dans la réalité parallèle.
Dans notre monde, c'est totalement différent.
Notre formation hongroise a envie d'en découdre avec le monde grâce à la puissance dévastatrice de son metal symphonique à chanteuse. Et en plus c'est signé sur Bakerteam Records, de la famille de Scarlet Records. Si ça, c'est pas un peu la classe ?
Malheureusement pour ces cinq jeunes gens, il faudra plus qu'une coupe de cheveux dans le vent pour arriver à déstabiliser les grands noms du style. Nos espoirs seront déçus dès la seconde piste, « Fallen Angel ». L'inspiration de ce Words of Silence, premier méfait du groupe, est aussi palpable qu'au moment où ils ont dû choisir un nom pour leur formation, et pour le morceau d'ouverture. Cette pièce épique porte quelques promesses grâce à ses sonorités, son approche puissante … et sans rire, « Intro » donne bien envie de découvrir le reste de la galette. Dommage, après ces 52 secondes d'espoir, les tentatives de Sorronia pour captiver leur auditoire tombent rapidement à plat.
« Fallen Angel », donc, tente d'instaurer une ambiance, de nous plonger dans leur univers grâce à un refrain qui se veut inspiré et accrocheur … mais qui n'est ni l'un, ni l'autre. Ce qui aurait pu être un point d'orgue manque de mordant par rapport au reste du morceau pour véritablement captiver et emporter l'adhésion. Il faut dire que la production n'aide pas vraiment à orner le tout de belles dorures. La batterie manque cruellement d'ampleur et l'ensemble est un peu trop étouffé par les orchestrations pour que chaque membre dévoile réellement son potentiel. L'autre défaut de ce morceau reste sans aucun doute ses narrations interminables, qui cassent la petite dynamique qui s'instaure sur la continuité du titre. Le problème, c'est qu'un petit raté, ça va. Mais ils vont se multiplier dans un chemin de croix qui semble s'éterniser.
Coupe de cheveux dans le vent, succès garanti !
Outre la faiblesse du son, l'autre gros problème de Sorronia vient de sa gentillesse. Jamais la formation n'ose prendre le taureau par les cornes, lâcher quelques riffs qui décoiffent, surprendre l'auditeur … non, tout se passe dans l'indifférence générale. Privilégiant le clavier et le chant au détriment des autres composantes du groupe, les jeunes hongrois se prennent à leur propre piège car ni l'un, ni l'autre élément ne présentent un énorme intérêt. Les sonorités symphoniques ont quelques moments de grâce mais peinent généralement à relever la sauce (« Enemy of Yourself », « Serenade of Memories »). Qui plus est, si le chant d'Anna Király n'est pas mauvais, il est en adéquation avec la musique : plat, officiant sur des lignes sans inspiration. La jeune femme a un joli timbre, évoquant Sharon Den Adel (Within Temptation) mais manque clairement de puissance pour donner du piment à des pistes fades. Ses faiblesses se laissent entrevoir sur « Serenades of Memories », mid-tempo mièvre où la chanteuse est incapable d'insuffler la moindre émotion.
Il reste tout de même quelques éléments à sauver afin de ne pas tomber dans le désastre le plus complet : si Anna n'est pas exceptionnelle, on peut heureusement se consoler grâce à son timbre, et à sa justesse. Ensuite, et pour notre plus grand bonheur, deux morceaux restent bien plus agréables au moment de chatouiller nos oreilles. « Lost in Falling » est globalement bien foutue, avec, merci les gars et madame, un refrain mémorisable. Le même constat se dresse (à peu près) pour « This is the End », qui est loin d'être mauvaise. Pas aussi réussie que le titre sus-cité, mais quand même, c'est déjà ça.
Le constat est clair : Words of Silence est un disque affublé de trop nombreuses erreurs de jeunesse. Il n'est jamais plaisant de chroniquer une formation pour pointer tant de défauts, mais ceux-ci empêchent de profiter de l'écoute de cette première livraison des hongrois. Le potentiel est loin d'être inexistant, mais gagner en maturité et en puissance semble être un impératif dans le cas de Sorronia, qui n'est pas désespéré. On ne peut que leur souhaiter d'accoucher d'un très bon second opus, histoire de prendre leur revanche. Et quelle belle revanche ce serait … !