*Entretien réalisé à Paris par M’Sieur Séb*
Talentueux groupe de metal français, Slave Machine se donne les moyens de ses ambitions et souhaite en découdre.
Nicolas Faurie, vocaliste de la formation francilienne se colle donc au passage obligé de l’interview pour nous présenter son groupe, leurs projets et sa vision du business de la musique entre autres choses. Entretien :
Toutes interviews commencent par une présentation, tu vas devoir t’y coller :
Je suis donc Nico, chanteur de Slave Machine. J’ai intégré le groupe il y a un an déjà, l’idée de départ a tout de suite été d’aboutir rapidement sur plusieurs projets, à savoir finir l’album, réaliser un clip pour pouvoir enchaîner sur des concerts intéressants.
Quand tu parles d’intégrer le projet, tu sous entends que Slave Machine existait avant ton arrivée ?
Slave Machine n’existait pas en tant que groupe. David et Kevin, respectivement guitariste et batteur avaient déjà travaillés plus d’un an à l’avance à l’élaboration du projet et la compo. A un moment donné, ils se sont donc mis à la recherche d’un chanteur et d’un bassiste. Apparemment, la tâche ne leur a pas été facile. De mon côté, j’étais sur la fin d’un projet et nous sommes donc rentré en contact par l’intermédiaire du site internet Zikinf. Quand nous nous sommes rencontrés, le feeling est passé tout de suite et j’ai tout de suite collé à leur démarche, leurs ambitions ainsi qu’au sérieux du projet. Les compos étaient quasiment toutes bouclées. Nous n’avons eu qu’à les retravailler légèrement quand j’ai dû y poser mes textes. 70% du taf était fait et surtout, il y avait un vrai projet derrière cet album. Nous avions de vraies échéances avec des plannings, des contacts pour notre clip et la promotion du disque.
Quelle est ton expérience musicale avant d’intégrer Slave Machine ?
Voilà plus de dix ans maintenant que je fais du son, j’ai commencé entre mes 16 et mes 17 ans. Mon premier groupe s’appelait Krëma, nous n’étions pas super carrés mais on a eu la chance de pouvoir tourner. Il y a dix en arrière, beaucoup d’activistes du genre de Nowhere, Antistatic ou encore Sriracha se bougeaient, c’était alors plusfacile de faire des concerts. Nous avons eu l’opportunité de tourner dans la France entière, ça a été une putain de première bonne expérience. J’ai enchaîné ensuite dans un groupe plus orienté hardcore qui s’appelait Kandjar, nous sommes restés en activité pendant six ans. Nous étions déjà plus professionnels et sérieux et nous avions une bonne réputation en région parisienne. J’ai ensuite participé à deux autres petites formations Wiseblood, une sorte de « All Stars Band » avec Patrick, le premier guitariste de Kickback, le batteur d’Out For The Count ainsi que le bassiste de Lowcut. Grâce a cette expérience, j’ai découvert mes limites, le groupe était vraiment Hardcore jusque dans son attitude et je ne m’y suis pas retrouvé. J’aime l’énergie que dégage la musique mais je préfère véhiculer des choses plus positives. L’autre groupe dont je te parlais s’appelle Elijaah, résolument plus rock, nous étions une bande de pote et on s’éclatait. C’est aussi ma dernière expérience avant d’intégrer Slave Machine.
Peut-on revenir sur ton intégration au sein de Slave Machine et sur ta contribution au groupe ?
Je suis arrivé dans Slave Machine en septembre et l’entrée en studio était déjà estimée entre mars et avril. Le calcul était simple, j’avais six mois pour écrire, arranger les morceaux et adapter le chant. J’ai travaillé d’arrache-pied durant quatre mois, je me suis enfermé en studio et je maquettais du soir au matin, le midi et c’était reparti la nuit. Je me suis arraché la voix et fait saigner les cordes vocales pour proposer plein de choses. Nous avons beaucoup remis en questions nos idées, nos textes. Au final, je trouve que nous sommes allés très vite, il s’agissait plus d’arrangements que de modifications de compos. Ensuite nous avons décidé de confier la production du disque aux frères Franck et David Potevin (Lyzanxia/One-Way Mirror). A mon sens, c’est le meilleur choix que nous ayons fait, ils sont pertinents et surtout je trouve qu’ils ont une production magnifique en ce qui concerne le metal français.
Votre album « Disconnected » dure 30 minutes pour sept titres. Vous le considérez plus comme un album ou un EP ?
(Rires), C’est un véritable parti-pris. Nous avions quinze morceaux lorsque nous sommes entrés en studio. Nous nous sommes dit, soit on pose les quinze sur l’album, avec le risque de fouiller plein de directions musicales. Ce qui n’est pas judicieux pour un premier album. Soit proposer, les titres qui sont dans la même veine et avoir un album concis. Parce que « Disconnected » est un album. (Rires).
A quel moment avez-vous adopté le nom de Slave Machine ?
A mon arrivée, le groupe s’appelait Side et je trouve avec le recul qu’il ne collait pas vraiment au projet. Nous avons fait quelques recherches sur le net, et je peux te dire qu’un nom pareil est impossible à référencer. Il nous fallait donc trouver un nom plus percutant qui collait plus à notre image. On s’est donc mis à faire des listes de mots qui nous rappelaient le côté industriel et « machine » de notre musique. Slave Machine s’est donc révélé être notre meilleur idée, il nous représente parfaitement.
Votre concept autant que le nom du groupe me font énormément penser à votre ainé américain Fear Factory…
On nous pose souvent la question. A mon niveau, je n’ai aucune affinité avec Fear Facto. Bien entendu je connais leur musique mais elle n’est pas une référence pour moi. Je respecte et reconnais leur statut. C’est vrai que Fear Facto a participé à la création du genre metal industriel mais moi qui suis plus jeune, je t’assure que je suis passé à côté de ce groupe. Pour que tu puisses mieux me situer, je te dirais que même Slayer qui semble être une référence intergénérationnelle, je suis passé à côté. Perso, je viens plus du Hardcore et du Neo Metal. J’ai grandi avec Slipknot et Korn et je suis moins sensible à MachineHead ou Meshuggah. Pour moi, le nom Slave Machine est révélateur de ce qu’on fait. Il ne fait référence à aucun autre groupe. Par contre et c’est voulu, quand tu lis notre nom, tu sais tout de suite de quoi on parle et quel genre de musique on pratique. Et c’est en ça que notre nom est révélateur.
Nous allons maintenant pouvoir aborder le thème votre concept album. Peux-tu nous éclairer ?
Dans un premier temps, je trouve que le nom de l’album « Disconnected » est directement rattaché au nom du groupe. En clair, ça veut dire qu’aujourd’hui, tout le monde est sur internet, nous sommes tous sur des réseaux sociaux et reliés à la matrice jusque sur nos téléphones. Nous sommes connectés H24. Nous travaillons avec des ordinateurs, nous avons des ordinateurs au niveau domestique, aujourd’hui les êtres humains sont remplacés dans les usines par des robots. A la Bourse, ce sont même des machines qui réfléchissent à notre place. D’un autre côté, les sociétés sont dirigées par des financiers et plus par des entrepreneurs. Le Monde marche de plus en plus sur la tête. L’idée et le concept de « Disconnected » reconnaissent que la technologie à été pensée pour le bien de tous. Nous devions communiquer et nous interconnecter les uns aux autres. Ca devait être l’invention du XXIe siècle. Et il faut avouer que le retour que l’on en a est loin d’être positif et j’ai le sentiment que plus les gens sont connectés, plus ils sont seuls. Prenons l’exemple de Facebook, regarde le nombre d’amis que tu as, combien en connais tu vraiment ? Fais le calcul, je suis sûr que ton ratio est très mauvais. En musique, le constat, c’est que les gens ne se font même plus chier à aller en concert, ils vont regarder ou pirater la vidéos sur le net. Nous n’avons pas choisis ce sujet de la connexion parce qu’il y avait des choses à dire mais véritablement parce que c’est quelques chose qui nous touche.
Penses-tu réellement qu’il y ait de moins en moins de gens qui fréquentent les salles de concert ?
Ca dépend de quels groupes. Si on parle de grands groupes, comme Suicidal Tendencies, ACDC, ils sont installés depuis longtemps, leur musique fédère énormément. Les gens qui ont grandis avec Suicidal continuent d’aller les voir en concert. Cependant les gens qui font se faire chier à aller à la rencontre de nouveaux groupes, il y en a de moins en moins. Quand je jouais dans les mjc avec mes premiers groupes de Lycée, les salles étaient blindées. Plus le temps passe, plus j’observe qu’il y a de moins en moins de gens qui se déplacent. Je te dirais même que je trouve qu’il est de plus en plus dur d’organiser des concerts. Je me rappelle d’un temps ou j’enregistrais mes maquettes sur des K7 audio, je les envoyais aux programmateurs et ils nous faisaient jouer. Ils ne nous filaient aucune condition, on arrivait et on jouait. Aujourd’hui, il fait que tu aies un skeud, un press book, que tu sois briefer en promo pour expliquer ton projet. Je trouve qu’il y a un côté beaucoup trop pro. Un groupe est censé faire de la zique pas du business. A notre niveau, je trouve que le système est de plus en plus dur. Alors, on tourne, on donne des interviews et j’espère que les gens vont apprécier notre album parce qu’on se donne vraiment du mal. Sincèrement pour des groupes modestes comme le notre, c’est compliqué de ramener du monde en concert.
Pour en revenir à votre concept qui me semble posséder une dimension sociologique, je voulais savoir si la politique avait également une place importante dans votre analyse ?
Indirectement oui puisque c’est un sujet qui appartient à notre analyse globale du système. Par contre, nous ne sommes pas un groupe politisé. Nous avons en effet des opinions politiques mais elles restent d’ordre privé. En République, nous avons le choix de participer ou non au débat public et si les isoloirs existent c’est bien pour quelques choses. Au sein de Slave Machine nous n’avons rien à revendiquer au niveau politique, ce n’est pas notre sujet et encore moins notre ambition. Je trouve que la musique et la politique ne font pas bon ménage même si Lofofora qui se situait très à gauche sur l’échiquier politique le faisait très bien. A mon niveau, je place la politique et la religion au même niveau et je trouverais incongru d’imposer ma vision personnel. Comme si je disais « Soyez Catholique, c’est vachement mieux !!! », je trouve ça débile et réducteur. Si l’auditeur prend le temps de lire nos textes, nous posons certains constats qui peuvent être considéré comme des bases de réflexions, jamais nous n’imposons notre façon de penser. L’idée c’est de dire regarde on vit dans la merde, maintenant qu’est ce qu’on fait ? Je trouve ça vachement plus positif ? Ce serait présomptueux de vouloir imposer quoi que ce soit. J’espère néanmoins pouvoir amener les auditeurs à se poser de meilleures questions. Et si je réussis, j’ai tout gagné.
Tu nous parlais un peu plus tôt d’un clip, peux tu nous en dire plus ?
Il a été disponible une semaine avant la sortie de l’album pour illustrer le titre « Relevant ». Nous avons choisis ce titre parce qu’il est le plus court et qu’il est le plus efficace. Nous l’avons réalisé fin août dernier à Strasbourg avec le batteur de Smash It Combo, James Hincker. Après avoir touvé un hangar, nous nous sommes filmés en live. L’idée est toute bête, nous sommes un groupe de live est nous montrer dans cette situation était ce qu’il ya de plus pertinent.
Quelles sont vos nouvelles échéances ?
Nous sommes déjà en phase de compo pour notre second album. Je pense que cette phase devrait durer environ un an. Je te promets que nous allons essayer de sortir plus de sept titres cette fois (rires). Aujourd’hui nous partageons notre temps entre la promo et la recherche de dates. Le label Doweet nous aide dans ce sens et nous réussissons à toucher le plus de monde. Après comme nous avons les crocs, nous sommes prêts à bouffer à tous les râteliers tout en gardant une éthique (rires). Après, je pense que nous devrions déjà réfléchir à un deuxième clip pour accompagner notre deuxième album.
Tu me confiais avoir quinze titres d’avance, comptez vous recycler certains titres pour ce futur album ?
Nous avons laissé tous les titres dont je te parlais de côté. L’expérience que nous avons acquises avec « Disconnected », nous permets de mieux avancer. Nous sommes plus précis qu’avant. Et c’est donc dans ce nouvel état d’esprit que nous désirons envisager la suite. Les derniers essais de compos que nous avons fait sont prometteurs, nous voulons vraiment créer du neuf.
Au niveau du concept, vous prolongez cette histoire ?
Nous avons plusieurs pistes, j’aimerais travailler plus le côté humain que celui de la machine sur le prochain album. Dans notre univers, ça me semble un passage obligé, une sorte d’envers du décor. Aucun texte n’a encore été posé sur papier mais ce sujet me trotte dans la tête. J’aimerais aussi continuer dans l’anticipation et développer une voie optimiste dans la résolution du constat.
Peux-tu revenir sur votre partenariat avec Dooweet?
Nous avons rencontré Christophe, le fondateur de la structure à la formation de Slave Machine, il y a environ deux ans. Nous nous sommes très vite entendus, nous cherchions à nous faire connaître et Dooweet désirait étoffer son catalogue. Ils ont fait un travail extra, ils ont pressés notre album, ils ont également sorti du merch pour nous. En gros, ils nous ont permis d’avoir de vrais éléments de promotion, tout en nous faisant profiter de leur carnets d’adresses pour nous aider à nous faire connaître. Ils sont vraiment compétents.
Dernièrement, vous avez joués sur le Warm Up Festival, quel en est ton ressenti ?
Nous avons méchamment kiffés. La salle et le matériel mis à notre disposition étaient magnifiques. Seul bémol, le public n’ait pas suivi. Pourtant l’affiche était belle, Pitbull In The Nursery, Zuul Fx, Benighted, Napalm Death et j’en passe. Le vendredi soir, il n’y a eu que 26 entrées et le samedi et le dimanche guère plus de 80 personnes. C’est vraiment dommage… Le public peut mieux faire !!! Je reste optimiste, j’espère que les gens qui se sont déplacés ont passés un aussi bon moment que nous.
Propos recueillis par M’Sieur Séb le 30 octobre 2013