Certains groupes arrivent à me laisser particulièrement perplexe dans des situations inattendues. Prenez le cas de nos chers amis polonais Crystal Viper. On a envie de les aimer. Ils jouent du heavy traditionnel, vouent un culte aux vieux groupes qui sont entrés dans la légende et semblent faire de la musique entre potes pour s'éclater. Comment veux-tu ne pas les apprécier avec tout ça ? Pourtant, avec un Crimen Excepta en demi-teinte, le quatuor devait impérativement se ressaisir pour rattraper le niveau de l'excellent Legends.
C'est donc tout naturellement qu'on misait énormément sur Possession pour rectifier le tir et repartir parmi les meilleurs du genre. Et là …
« Voices in My Head ». Par pitié, faites taire cette chanteuse. Vraiment. Marta Gabriel, icône de la formation, n'a toujours pas compris que d'en faire des caisses n'était pas la solution miracle pour débouler sur une ligne de chant accrocheuse et bien foutue. Non, la jeune femme préfère s'aventurer toujours plus loin dans la laideur et toujours plus haut dans les aigus pour accoucher de ce refrain tout simplement affreux. Ok, elle souhaite sûrement incarner un personnage. L'intention est louable, d'autant que si la piste est globalement plutôt banale, elle n'est pas non plus catastrophique. Mais cette partie supposée être un point d'orgue plombe littéralement les efforts du combo, faisant ainsi démarrer Possession sur un à priori plus que négatif. Les vieux travers du précédent effort semblent toujours être là.
Il faut reconnaître que le temps d'attente pour cette nouvelle offrande a été relativement court, Crimen Excepta étant sorti … l'an dernier. Cette sortie est-elle faite dans la précipitation, réalisée sans aucun recul ? Pas vraiment. Parce qu'il y a tout de même de très bonnes choses sur cet album, et qu'en règle général, la galette a un goût bien moins amer que celle qui précède. Il est donc plus facile de défendre nos chers polonais sur ce coup-là, bien qu'on gardera toujours en tête Legends, qui restera (pour le moment) la pierre angulaire de leur discographie. Il est facile de remarquer que, cette fois encore, la formation fait le choix d'une production bien plus brut, au mixage plus hasardeux mais collant très bien à la volonté de retranscrire cette ambiance 80s si chère à leur petit cœur de heavy metalleux de l'Est. Rien que pour ça, une bise sur la joue de nos quatre compères, car la qualité sonore donne un aspect authentique qui ne gâche en aucun cas le plaisir qu'on peut ressentir sur les meilleures compositions de Possession, bien au contraire.
ALO UI CER CRYSTAL VIPER
Quand Marta y met les couilles et chante dans un registre qui lui sied davantage que ces insupportables aigus à vous en casser les oreilles, le résultat est très prenant. Suffit d'écouter « Julia is Possessed », « Mark of the Horned One » ou « We Are Many » pour s'en convaincre. Ces morceaux sont d'une efficacité redoutable, démontrant aux détracteurs que le groupe n'a en rien perdu de ses capacités à pondre des refrains puissants, qui renvoient facilement la concurrence dans les cordes. Crystal Viper brille notamment grâce à cette chanteuse à double tranchant, capable d'être autant le point faible que le point fort de la bande. Sur le premier morceau nommé, la belle est accompagnée des growls de Sataniac (Desaster), qui ne sont pas remarquables mais amènent une agressivité bienvenue au titre. Les deux autres pistes se démarquent surtout par leur capacité à retenir l'oreille dès la première écoute pour ne plus sortir de votre esprit par la suite. Le quatuor excelle dans ce registre et offre donc un travail convaincant, bien que sans originalité.
C'est d'ailleurs le petit souci du combo. Le boulot est fait correctement, avec un certain soin et une passion réelle, mais il manque toujours une étincelle de nouveauté. Il est donc à craindre qu'à la longue, la musique des polonais, qui peine déjà à se démarquer de ses (nombreuses) influences, commence à tourner en rond. Bien qu'apportant des influences plus proches d'Hammerfall sur « You Will Die You Will Burn » que les traditionnels Iron Maiden ou Accept que l'on est plus en mesure de ressentir en général, il est difficile de penser qu'un jour, la formation sortira des carcans du style et se fera connaître pour son énorme apport à un genre qui, selon les plus critiques, commence à tourner en rond. Crystal Viper ne sera pas là pour dire qu'ils mentent.
Possession joue un peu aux montagnes russes. La mauvaise « Voices in My Head » mise à part, on alterne entre du très bon et du sympathique mais peu marquant. Dans cette seconde catégorie, on ajoute sans aucun problème « Fight Evil With Evil », manquant d'un peu d'accroche, et dont la présence d'un Harry Conklin des biens connus Jag Panzer peine à relever la sauce, sa performance ne marquant pas tellement les esprits. On rajoute également « Why Can't You Listen ? » un peu trop longue bien que possédant un refrain bien foutu, « You Will Die You Will Burn » agréable mais sans plus et « Prophet of the End », une conclusion trop anecdotique. Enfin, ça, c'est sans compter sur la piste bonus, une reprise du célèbre « Thundersteel » de Riot, plutôt fidèle à l'originale et menée avec professionnalisme.
Si on fait les comptes, ce nouvel opus est meilleur que le décevant Crimen Excepta, mais reste bien inférieur à Legends, leur œuvre de loin la plus marquante. Cependant, la barre est à peu près redressée et bien qu'il reste des points d'insatisfaction, on peut se réjouir d'entendre un Possession aux qualités avérées. Par pitié, madame et messieurs : plus JAMAIS de morceau comme « Voices in My Head » à l'avenir. Merci.