Despairhate – Requiem for the Innocent

J'ai promis à Amaurea de ne pas faire de gros clichés sur la Lorraine et de lui laisser l'exclusivité de ce genre de blagues de mauvais goût. Alors pour ne pas froisser votre chroniqueuse favorite (même si on sait que ce n'est pas le cas, hein), je vais uniquement me contenter de saluer la qualité des groupes de Nancy. Non parce que quand même, il y a des formations prometteuses là-bas : entre Benighted Soul, Cadmium ou Fenrir, on est loin de naviguer dans des eaux dégueulasses. Et c'est à Despairhate, à présent, de nous arriver sur le devant de la scène avec une première offrande intitulée Requiem For the Innocent. Au passage, on notera la très jolie pochette réalisée par Natalie Shau, qui donne très envie de découvrir le contenu de cette livraison.

Les premières écoutes de l'opus ne tardent pas à montrer tout de suite LE point qui fâche chez la formation nancéienne : un mixage foiré. La batterie cogne bien, le jeu est bon, mais celle-ci se retrouve largement trop en avant, écrasant littéralement les samples symphoniques et, surtout, les voix, notamment le chant féminin parfois très en retrait. C'est un peu dommage, parce que la production globale est loin d'être catastrophique, mais le groupe se tire presque une balle dans le pied. Sur une piste du calibre de « Versus » et notamment dans les couplets, l'instrument ci-dessus en devient pénible. Voilà, une fois le point fait sur la qualité sonore de l’œuvre, il est temps de passer au vif du sujet.

Là où beaucoup de formations sortent des disques qui privilégient le clavier et se vautrent en orchestrations pompeuses, Despairhate parvient à tirer son épingle du jeu en abordant son metal symphonique de manière bien plus énergique qu'une bonne partie de leurs camarades. La guitare tient une importance particulière et les solos ne sont pas là pour contredire cette affirmation : il y a un certain travail accompli sur l'aspect tranchant et dynamique des morceaux. Il est presque dommage de constater qu'avec tout ça, certains refrains peinent à décoller. Ainsi, « Winterhearted » ou « Retribution Day » passent facilement à la trappe, contrairement à des morceaux du calibre de « Dreamslayer » ou « Taste of Life », possédant suffisamment d'intensité pour accrocher l'oreille aux premiers instants. Mais au-delà de deux-trois morceaux un peu moins efficaces que leurs confrères, l'opus souffre d'un défaut pouvant rendre l'écoute éprouvante sur sa durée :

Despairhate

La musique des nancéiens n'est pas un cas Desespairhate.

Le chant. Les protagonistes sont ici deux (bien qu'on notera quelques growls bienvenus sur « Dead Love Reveries » par le bassiste Shredd), et cette dualité sera mise à mal par un élément perturbateur : la voix masculine. Si Nyx délivre une performance tout à fait honnête et possède un timbre qui change des clichés habituels du genre, le chant d'Alex est parfois insupportable. L'ajout de ce type de voix éraillée est pourtant une idée intéressante et exploitable de bien des façons mais le manque cruel de maîtrise de celle-ci gâche réellement l'écoute de certaines pistes. « Retribution Day », par exemple, en devient douloureuse, notamment au niveau de son refrain, sur lequel les deux chanteurs n'arrivent pas à trouver un équilibre et l'un entraîne ainsi l'autre dans sa chute. Dommage, car avec des lignes de chant plus travaillées et un rendu plus soigné des voix, l'opus aurait gagné en intensité et en professionnalisme. D'autant plus que le combo compte tout de même dans ses rangs une chanteuse qui maîtrise le sujet et fait preuve de talent.

Du coup, ce défaut assez rédhibitoire peut former un obstacle pour entrer dans l'univers de Despairhate, qui est pourtant fort bien construit. Déjà, le boulot d'Eric Palumbo, Phil Giordana (Fairyland) et Anthony Da Silva (Cadmium) sur la partie symphonique est une belle réussite, cette dernière étant en osmose complète avec l'ensemble du disque. Le solo de Manu Livertout sur « Versus » a de la gueule, et donne du corps à une composition déjà bien ficelée. C'est d'ailleurs une des qualités du combo : les moments de faiblesses sont plutôt rares et bien que les problèmes cités plus haut persistent, le talent d'écriture général donne clairement envie de laisser sa chance à ce Requiem For the Innocent. Plus complexe qu'il n'y paraît, le disque nous offre même un morceau de presque dix minutes, « A Rose For the Forgotten Ones », varié et surtout sans aucun temps mort. Une meilleure adéquation entre les voix, et ce serait du tout bon ! Preuve qu'à Nancy, on sait faire les choses correctement, quand on veut.

La base est solide, les fondations tiennent le coup, mais la voix masculine, les lignes de chant et le mixage ont vraiment besoin d'être revus. Ces soucis ne doivent cependant pas empêcher l'auditeur de jeter une oreille à l'univers de Despairhate et à ce premier effort, bien pensé et honnête. Le combo va donc devoir fournir quelques efforts supplémentaires pour séduire mais le début est déjà prometteur, laissant entrevoir un sacré potentiel qui ne demande qu'à mûrir. Requiem For the Innocent a de nombreux atouts pour plaire et beaucoup d'énergie à revendre, laissez-vous donc tenter par le voyage !
 

NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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