"Dis, tu te rappelles de cette période dorée du power metal entre les années 90 et le courant des années 2000 ?"
Parfois, on se pose des questions à soi-même, sans trop savoir pourquoi. On cherche à chasser les démons du passé mais aussi à se souvenir de ces moments dorés. Pour la musique, c'est un peu pareil, et tout fan de "power" qui se respecte ne peut s'empêcher aujourd'hui de regarder en arrière. Il est vrai que depuis quelques années, le genre peine à offrir de superbes disques, il n'y a guère que Sabaton ou Powerwolf qui parviennent à insuffler une nouvelle énergie, sans oublier Pathfinder même si pour ses derniers la perte de leur chanteur risque de freiner leur progression. Puis il y a les plus obscurs, ceux qui sortent un superbe opus puis disparaissent (Timeless Miracle, Nightscape), ceux qui ne parviennent pas à conformer (Saint Deamon... semble-t-il disparu aussi alors que pourtant...), ceux qui ont du mal à tenir la distance sur tout un album... En ce qui concerne les américains de Armory, on attendait justement une suite, après un The Dawn of Enlightment certes prometteur mais pas non plus au top de ses possibilités. Six ans plus tard, nous voici en présence de sa continuation, un Empyrean Realms paru dans un certain anonymat chez Metavania Music le 12 novembre dernier, au nom ô combien évocateur et à sa pochette qui va bien avec.
Voyage au-delà des étoiles, dans un espace infini, tel semble être le thème principal d'un album à la fois racé et léger, aux riffs assez en retrait dans le genre mais pourtant suffisamment incisifs pour qu'on y trouve notre compte : un speed mélodique entre power cosmique et vision aérienne qui vient nous sussurer à l'oreil de bonnes sensations. Rares sont les albums comme celui-ci de nos jours, très rares. Armory n'a pas peur de faire dans la redite, le groupe s'en fiche et joue la musique qu'il aime. Sans concession.
Alors oui, on les ressent ces emprunts à Rhapsody ou Helloween, à DragonForce même sur certaines cavalcades ou autres bends de guitares acérés. Mais qu'est-ce qu'on s'en tape au fond ! Pardonnez cette soudaine vulgarité, mais quand c'est bon il faut se laisser porter et ne pas s'attarder en râlant sur la vieille ritournelle du "oh ouais mais franchement c'est du déjà entendu et ça n'apporte rien, c'était mieux avant". Bien au contraire, un tel CD peut justement apporter un nouveau souffle et redonner le sourire aux inconditionnels qui n'osent plus sortir de leurs vieux classiques.
Car mince quoi, nous retrouvons sur cet Armory bon nombre de mélodies assez implacables, ce "Beyond the Horizon" épique au possible et au refrain très Disney. Comme c'est mignon ! Alors oui on frôle le ridicule, mais on ne peut s'empêcher de fredonner ce chorus dès sa première écoute, un signe qui ne trompe pas, porté que nous sommes par le chant très convaincant d'un Adam Kurland qui a gagné en mélodicité depuis la précédente offrande, parfaitement en place et se situant à mi-chemin entre Steve Perry (Journey), ZP Theart (ex-DragonForce) des bons jours et Nils K. Rue (Pagan's Mind), dans une tonalité plutôt soft et assez rare dans le style. Même constat pour les deux titres qui ouvrent l'album ("Dreamstate" en tête) mais aussi celui qui le conclut, un "Quest for the Fleece" qui toisera le plus vil des détracteurs via son intro clavier des plus dégoulinantes (il faut dire que le travail et le doigté de Pete Rutcho y est beaucoup dans l'atmosphère quasi féérique du disque, parfois plus proche des vieux Sonata Arctica à ce niveau d'ailleurs) avant de partir en pur hymne speed mélodique. Autant de légèreté et d'innocence dans le power outre-Atlantique, on n'avait peut-être plus entendu ça depuis Crimson Glory, clairement un pionnier du genre et certainement un exemple pour leurs jeunes compatriotes. Ajoutés à cela une basse qui sait se mettre en avant au bon moment, un jeu de guitares bien huilé entre Chad Fischer et Joe Kurland, et on sent bien que les gars d'Armory savent où ils vont.
Au-delà des mots et de ses quelques défauts dans la longueur ou le cliché influentiel inévitable, cet album d'Armory se passe de critique plus détaillée. Il s'écoute, se vit, enrobé d'une certaine nostalgie. Car ce groupe, après un premier opus en 2007 qui ravivait déjà certains souvenirs, frappe encore plus fort avec ce second brûlot. Le son pourrait être parfois un poil plus peaufiné, mais tout le monde n'a pas la chance de se payer un Sascha Paeth. Non, il n'y a pas grand chose à redire dans l'exécution et le rendu final, ce Empyrean Realms saura ravir les fans de heavy speed power à la touche mélodique quasi cosmique. A la manière d'un Keldian, certes plus direct, mais avec cette même fougue et cette envie de tisser des compositions à la gloire des légendes du genre qui, si elles ne seront certainement plus jamais égalées, feront encore le bonheur des jeunes fans musiciens.