Il y a du monde autour du Trabendo en ce samedi soir.
Le public s’est déplacé en nombre pour aller à confesse afin de se prosterner devant les suédois.
A la place des hosties on prendra bien une ou deux bières pour patienter…
Temple of Baal ouvre les portes du Temple de la Porte de Pantin afin de secouer les premières crinières. Peu de place sur scène à cause du matériel et du décor de Watain qui empiètent sur les quelques dm2 qu’il leur reste. Les parisiens ne sont pas là pour faire de la figuration et jouent leurs morceaux avec forte intensité sans trop essayer de communiquer avec le public à cause du peu de temps qu’il leur est imparti. Un peu trop statique, Amduscias reste trop souvent cantonné devant son micro tandis qu’Arkdaemon et sa gigantesque basse headbangue plus que ses camarades. Ils sont là pour invoquer Satan le bras tendu en signe de ralliement en présentant des titres de leur nouvel album Verses Of Fire.
Antaeus passe juste après dans des lumières bien sombre. MkM arpente les quelques m2 qui lui sont réservés, harangue parfois la foule qui commence à prendre des couleurs. Le son est compact et le Black Metal de la formation parisienne est intense et sans concession épaulé par des riffs aiguisés et une rythmique bien soutenue. Toujours pas de nouvel album depuis 2006, ce qui nous permet d’apprécier une setlist piochant dans les divers albums du groupe qui fêtera ses 20 ans de loyaux services l’année prochaine.
Que nous prépare Watain pour cette tournée ? Des flammes, des tridents, de la viande en décomposition qui vont nous balancer dans la tronche, des têtes de porcs empalés ? On patiente pendant que le décor commence à prendre forme. La scène est entourée de panneaux sur lesquels on entraperçoit des ossements tachés de sang coagulé. Devant la batterie on retrouve un autel ressemblant à l’artwork du dernier album The Wild Hunt avec crâne, ossements et bougies. Ce qui m’inquiète c’est que les retours des musiciens ont été emballés dans des plastiques de protection… vont-ils nous envoyer des litres de sang ?
Lors des premières notes de l’instrumentale « Night Vision » qui démarre le dernier album, devant la scène on sent une sale odeur de pied (genre festivalier fin août qui n’aurait pas changé de chaussettes depuis les premiers festivals de juin) pendant que les musiciens viennent se placer devant la batterie, dos à la foule, et Eric llumer les bougies. Ce « doux parfum » doit surement provenir des habits des musiciens dégoulinant de vieux sang coagulé depuis le début de la tournée. Et franchement ils ne doivent pas être des adeptes des 5 à Sec.
« De Profundis » met la barre haute, les musiciens s’agitent dans des lumières rouges agressives pendant que les riffs nous étourdissent suivi de « Malfeitor » et de son intro magistrale faisant réagir le public dans la seconde. Set Teitan est placé derrière la croix renversée placée devant la scène, pendant que P. (Pelle Forsberg) headbangue, les Rangers cloutées et ensanglantées sur les retours plastifiés. Ce titre est une véritable machine de guerre étourdissante qui nous ouvre les portes de l’univers de Watain avec riffs accrocheurs, mélodies envoutantes et blast agressif, le tout-en-un.
Watain sait évoluer au fur et à mesure des tournées. Ils savent se renouveler. L’ambiance est plus sombre laissant la part belle aux plages musicales plus calmes permettant à Erik en Maître de cérémonie de s’affairer à sa relation avec le Malin. Parfois il prie devant son autel, parfois il agite de l’encens devant nous, parfois il asperge les panneaux à ossement de sang bien épais…mais c’est avant tout un performer, il sait manier son public, chante entre pénombre et contre-jour. Le son est bon et toutes les nuances des guitares sont mises en avant. Agressivité et break tout en finesse font de ce show des moments « divins ».
Je comprends enfin pourquoi ils ont mis les protections lorsque retentit les premières notes de « Devil’s Blood ». Erik est prosterné de dos devant sa table sacrée dédiée à Satan, se saisit d’un bol et se retourne vers la foule, le brandissant et nous disant que c’est le sang du Diable qui se trouve à l’intérieur. Et soudain il envoie ce qu’il y a à l’intérieur à la face du premier rang. Le pit photo en prend pour son grade ainsi que votre humble serviteur qui ira se faire un petit nettoyage dans les toilettes juste avant qu’une personne forte délicate me bouscule devant le lavabo pour me faire une Pizza Quatre Saisons… Rock n’ Roll. Miam miam, il reste des morceaux ?
Des morceaux (pas les mêmes que ceux précédemment cités) comme « Reaping Death », « Sworn to the Dark » ou maintenant « Outlaw » avec leurs breaks, leurs changements de rythmes, leurs coupures permettent de donner un côté cérémonial, puissant, intrigant à la prestation de Watain tout comme le mid-tempo « The Wild Hunt ». La magie de Watain opère.
Les titres du dernier album prennent plus de consistance en live, avec moins de blast à tout champs mais avec plus de finesses : ils ont une âme, malsaine et enivrante (« Holocaust Dawn ») où chaque break transforme la prestation en rituel, comme les délicates premières notes de « Waters of Ain » annonçant la fin d’une prestation époustouflante.
Watain a marqué les esprits ce soir en délivrant un show à la hauteur de nos espérances tout en le faisant évoluer, dosant avec goût nouveaux et anciens morceaux d’une riche discothèque.
Lionel / Born 666