Le conte est bon ?
Moi, Dangalf le Grand, je raffole des ces histoires éternelles à raconter au coin du feu à mes amis hobbits Bolbin ou son neveu Frondo. Même si ce sont de sacrés glandeurs incapables de rien faire de leurs dix doigts (enfin ça c'est à prouver), ils savent m'écouter avec religion et m'accueillir comme un roi. C'est avec un peu d'herbe de la Conté dans le cerveau que je m'apprête à vous parler de ma dernière trouvaille : Evertale. Un conte éternel qui s'avère ici metallique et épique, dont le premier livre s'intitule Of Dragons and Elves. Une chose est sûre : mes amis les Nains vont détester.
Cette troupe allemande nous offre ainsi une première galette des plus succulente et chargée en ingrédients divers. D'ailleurs, je ne sais pas si la weed de mes amis Hobbits a fait trop effet, mais dès son introduction je crois entendre le générique de Jurassic Park, film d'un autre temps dans un autre monde où les bambins s'amusent à coup de tablettes numériques. Ouf, le titre c'est bien "Paladine's Embrace", et pas Palpatine... mes yeux me jouent des tours, faut dire que j'ai 600 ans bien tassés.
Alors ce conte moderne récupére de ce fameux autre monde que je mentionnais à l'instant nous offre de ces moments que le genre dit "power metal" ne nous habituait plus. Car oui, dans cet autre temps d'ailleurs du futur de je sais plus trop quoi, j'y suis fan de power metal et j'y passe (aussi décidément) pour un vieux con. Evertale en ce sens ravive mon côté old school dit "années 90-début 2000" d'un genre dont la flamme semble s'éteindre. Que nenni ! Après Nautiluz ou Gloryhammer, la rafale Jupiter ou la confirmation Powerwolf, 2013 de cette ère a offert une ultime surprise à ses ouailles avec cette sortie du 21 décembre.
Bon par contre c'est long. Pour un conte musical aussi rugueux et souvent direct aux mélodies envolées et cavalcadées à souhait comme le prouve de suite le premier morceau "In the Sigh of the Valiant Warrior" (qui marche du tonnerre en mode single qui ouvre les hostilités), il faut se les enquiller les 1h17 de musique (1h22 si on compte le bonus digital tiens)... ! Oui, vous avez bien lu, alors bon appétit car c'est quasiment un album double qui nous est offert.
Au milieu de ce joyeux bordel traine parfois quelques titres un peu inutiles sans être véritablement mauvais ("As Tarsis Falls" ou un "The Last Knight" très sympa mais qui ne décolle pas dans son chorus et regorge de clichés), certaines mélodies vocales par exemple se perdent en complexité. L'effet Blind Guardian ? Sérieusement le groupe culte de nos bien aimés amateurs du Silmarillon (notre génèse à tous, à l'époque où j'étais encore un simple Valar) est clairement l'inspiration n°1 de Evertale. Ainsi, comme sur le mythique Nightfall in Middle-Earth, on se retrouve avec quelques transitions, moins en rupture narrative mais qui semblent bien confirmer que l'album ainsi écouté est conceptuel. On pardonnera donc les longueurs, les maladresses dues au premier disque réalisé qui plus est en totale autoprod et sorti sur le label du groupe, pour se concentrer sur l'aspect musical.
La première chose qui frappe donc : Blind Guardian. Mais pas seulement, ce n'est absolument pas une copie, ne faites pas dire au vieux fou que je suis ce qu'il n'a pas dit. Alors évidemment on y verra aussi les bases Queen (tiens le passage en canon sur l'épique "Tale of Everman" n'est pas sans rappeler "The Prophet's Song", comme le "Devil in the Tower" de Dark Moor d'ailleurs) mais plus largement heavy à la Iron Maiden (si ça chevauche souvent sur des riffs fous ce n'est pas un hasard) voir à la Dio vu que le chanteur Matthias Graf semble en être profondément inspiré. Son timbre éraille fort bien, à la manière d'un Nils Patrik Johansson (Civil War, Wuthering Heights) ou du français Jo Amore (Nightmare). Et ça fait du bien à mes oreilles de vieillard loin d'être aigri.
Cherchons alors les gros tubes de cette grosse pièce metallique. Alors on en a déjà cité ici deux fort bien réussis, rajoutons à la liste "The Crownguard's Quest" qui porte super bien son nom, mais aussi le superbe dernier morceau "The Final Page" qui porte sa grosse mélodie marquante et... un "Brothers in War (Forever Damned)" super théâtral et son invité chanteur Ralf Scheepers, ex-Gamma Ray et frontman de Primal Fear, qui donne une grosse prestation comme il en a l'habitude d'en offrir.
Et pour respirer dans tout ça ? Ouf, nos allemands n'ont point oublié d'habiller leur création de quelques ballades folkisantes... ah ouais, à la Blind Guardian là pour le coup, c'est indéniable. Alors si on atteint pas la majesté des "Lord of the Rings" ou "The Bard's Song", on ne reste pas sur notre faim. "Of Dragons and Elves" s'approchera par exemple plus d'un "A Past and Future Secret" (ou des moments doux folk d'un groupe comme Falconer). Par contre niveau chant c'est moins convaincant quand cela se calme de trop, dommage. Du coup, celle en mode instru/transition est mieux, même si on peut difficilement qualifier "My Honor Is My Life" de chanson à part entière.
Un dernier mot sur la production : très soignée, assez old school mais bien menée sur les choeurs ou autres harmonies de guitare. Il est évident que certains dans le groupe ont une connaissance dans le milieu ingé son, ou un ami qui les a aidé dans cette tâche. Puissance, axe heavy bien mis en avant, une voix peut-être un poil surmixée par moments aux dépends d'une batterie mais un résultat fort professionnel. A l'image d'un album qui semble avoir pris du temps dans sa confection tant la bonne volonté semble avoir été de mise. Evertale frappe un gros coup, sans aucun doute.
Fans de power, je vous le dis donc aussi clairement que catégoriquement : Vous ne passerez pas... à côté de ce CD aussi riche que puissant. Certes fortement perfectible dans ses structures et dans son racé détaillé, mais bougrement efficace. Evertale est un groupe à suivre de près, plein d'énergie positive, et qui devrait refaire parler de lui ces prochaines années.
La Folle Fougère
Ma note : 7.5/10