Noel en Janvier
En ce début d’année 2014, Trans-siberian Orchestra a choisi d’investir l’Olympia pour son premier concert en France, vingt ans après sa formation par Paul O’Neil et Jon Oliva. Si le groupe remplit les plus grandes salles outre Atlantique, sa popularité en France n’est pas encore aussi importante, raison pour laquelle les faibles ventes de billets ont malheureusement contraint l’Olympia à brader les places quelques jours avant le concert.
C’est donc un public curieux plus que conquis d’avance qui investit l’Olympia ce mardi soir. Si le projet mené par Chris Caffery est réputé pour la grandiloquence de ses spectacles, à coup de lasers et de pyrotechnie, la taille de la salle parisienne n’est cependant pas en mesure d’accueillir l’ensemble de la logistique prévue à cet effet. Contrairement aux shows donnés en Angleterre ou en Allemagne au cours de ce Winter Tour 2014, les parisiens seront donc privés de pyrotechnie et des bras articulés. Le dispositif technique reste cependant impressionnant et dès les premières notes de "Time and Distance", les jeux de lumières sont omniprésents.
L'impressionnant dispositif lumineux en action
Le concert débute remarquablement bien, malgré le public très hétéroclite (métalleux venus pour les morceaux de Savatage, familles et même retraités se côtoient dans la salle) avec les instrumentaux "Time and Distance" et "Winter Palace". Premier constat, le son est excellent et les protections auditives ne sont pas forcément nécessaires. Le ballet des lumières en met plein la vue aux spectateurs, tout comme les images projetées sur les écrans du fond. Les musiciens classiques accompagnant le Trans-Siberian Orchestra apportent les nuances néo-classiques aux compositions.
Mais rapidement l’enthousiasme cède la place à la déception. En effet, le show est tellement millimétré qu’il ne laisse à aucun moment place à l’improvisation où à la communication. On est plus proches d’un spectacle (ou d’un musical comme disent nos amis anglo-saxons) que d’un concert à proprement parler. Et ce ne sont pas les tentatives de Chris Caffery pour faire lever le public qui y feront quelque chose. Toutes les interactions avec le public se feront avec un narrateur (en dehors de la présentation des musiciens par Al Pitrelli).
Al Pitrelli
Les nombreux chanteurs intervenant sur ce projet surjouent leurs parties et, à l’exception de Jeff Scott Soto ("Misery") et Rob Evan, font preuve d’un manque évident de charisme (notamment Nathan James et sa tenue moulante en cuir, à faire pâlir Yngwie Malmsteen). Et que dire des choristes ? D’une part, formatées d’un point de vue physique (même taille, mêmes mensurations, même voix…), elles se dandinent d’une façon qui rappelle les choristes de Joe Cocker ou des chanteuses de Disney. Leurs interventions sont également pleines de clichés (grimaces pour montrer qu’elles sont émues, jeu de scène rappelant les télé-crochets à la The Voice). La palme du mauvais gout est notamment décernée à Kayla Reeves (Christina Aguilera ?) pour son interprétation de "Someday", où comment tenter d’insérer un chant rauque sur une ballade mièvre…
Un vrai ballet de lumières
Les chansons de Savatage tout comme les instrumentaux néo-classiques ("Wish Liszt", "Carmina Burana") sont les seuls moments où le public semble se réveiller, malgré la violoniste Asha Mevlana qui prend des poses de guitar hero surjouées (et qui brisera son archet…Wahou, Rock n’ Roll !). "Gutter Ballet" recueille néanmoins les applaudissements du public, enthousiaste sur les chansons de Savatage, malgré un "Believe", trop long, chanté par Robin Borneman. Ce morceau à quatre accords et hyper formaté rappelle les mauvaises heures d’Aerosmith et semble plus approprié à la ménagère de cinquante ans qu’à un public métal. Et ce n’est pas le très bon solo de Chris Caffery (qui prend des poses clichées) qui rendra le morceau meilleur. "After the Fall", chanté par Chloé Lowery et sa robe à la Céline Dion est également écœurant de bons sentiments et les poses de la chanteuse ne font rien pour mettre le feu, malgré des lumières sublimes.
Chloe Lowery et ses poses dignes d'une diva de la pop.
Les meilleurs moments de ce concert seront les extraits de Beethoven’s Last Night ("Mephistopheles Return", "Beethoven", "Mozart/Figaro" ou "Requiem (The Fifth)"), mettant en avant le coté plus sombre du projet. L’impasse a également été fait sur les chants de Noel (à l’exception de "Christmas Eve (Sarajevo 12/24)" de Savatage, qui reprend "Carol of the Bell" en version metal). Enfin, la setlist alternant passages instrumentaux (les plus intéressants) ou les chansons les plus rock, avec les ballades pop mièvres est très mal construite. On réveille le spectateur pour mieux l’endormir ensuite. Vitalij Kuprij confirme cependant qu’il est un excellent musicien, au cours d’un long solo intégrant "la Marche Turque" interprétée à une cadence folle, et finissant sur "La Marseillaise".
Au final, ce sont 2h et demi de concert qui ont été interprétées, et pour lesquelles deux tiers du spectacle étaient de trop. Trans-Siberian Orchestra fait, certes, dans la démesure, mais l’interprétation pleine de clichés de ses vocalistes, tout comme les trop nombreuses ballades mièvres n’ont pas convaincues. Il ne suffit pas d’en mettre plein la vue avec les éclairages pour cacher le manque de musicalité. Ce spectacle, très américain finalement, n’est peut être tout simplement pas fait pour la France et le public metal (qui par ailleurs aime l’éclectisme et la diversité musicale, mais pas la soupe). Et maintenant, à quand le prochain spectacle d’Holiday on Ice ?
Chris Caffery et Al Pitrelli
Setlist :
Time and Distance
Winter Palace
This is the Time (Savatage cover)
Christmas Jam
Handful of Rain (Savatage cover)
A Last Illusion
Gutter Ballet (Savatage cover)
Misery
Mephistopheles' Return
Mozart
Sparks
Hourglass (Savatage cover)
Someday
Child Unseen
Believe (Savatage cover)
Wish Liszt (Toy Shop Madness)
After the Fall
Wizards in Winter
Dreams of Fireflies (On a Christmas Night)
Carmina Burana
Epiphany
The Mountain
Piano Solo/La Marseillaise
Beethoven
Requiem (The Fifth)
Christmas Eve (Sarajevo 12/24) (Savatage cover)
Photographies : Watchmaker