Quelques semaines avant la sortie du sixième album studio intitulé Hydra, la chanteuse du groupe néerlandais Within Temptation s'est invitée deux jours sur Paris pour parler de ce nouvel opus à la presse française.
C'est une Sharon den Adel toujours aussi sympathique et souriante qui s'est donc prise aux jeux en répondant aux questions de La Grosse Radio, en toute simplicité et avec cette même passion intacte qui l'anime depuis ses débuts il y a de cela 17 ans.
Ju de Melon : Bonjour Sharon et merci de nous accorder cette interview. Parlons sans plus attendre du nouvel album de Within Temptation, Hydra, à paraitre fin janvier... un opus assez varié allant de la pop au metal, fut-ce simple à mettre en place et composer ainsi ?
Sharon den Adel : Tout s'est passé de façon très naturelle et spontanée, l'écriture a pris environ un an et demi, nous l'avons d'ailleurs réalisée dans son ensemble de A à Z en nous occupant nous-même de la production avec Daniel (NDLR : Daniel Gibson, producteur attitré du groupe). Seuls les titres sont arrivés après, en dernier, après le mix et la certitude de savoir où nous voulions aller en terme de tonalité. Nous avons voulu un son plus axé sur les guitares qui souvent ont tendance à être noyées derrières les nappes d'orchestre, nous avons donc beaucoup travaillé sur ce point afin d'avoir un équilibre parfait, ce qui n'a pas été simple.
Il y a un moment au niveau du mix où on ne peut plus rajouter du pistes sans que ce soit trop brouillon, il faut donc faire des choix. Donc par moments nous avons mis l'orchestre en retrait, plus dopé les guitares, un peu à la façon d'un Enter (NDLR : Le premier album du groupe, paru en 1997). Puis en effet, c'est plus diversifié qu'avant, on a même rajouté du hip hop sur une chanson... Nous voulions tenter de nouvelles choses, pas simplement pour nous renouveler mais aussi et surtout car nous avions envie artistiquement d'aller explorer de nouveaux domaines.
Au niveau de la composition, qui s'est occupé des chansons ? Principalement Robert (NDLR : Robert Westerholdt, guitariste/fondateur du groupe et mari de Sharon) ?
Oui, Robert a écrit une grande partie des chansons mais aussi Martijn (NDLR : Martijn Spierenburg, claviériste du groupe), Daniel et moi-même. Ensuite les musiciens proposent leurs parties, leurs solos, et on met tout ça en commun.
Quelles sont les chansons que tu as écrites ou co-écrites toi-même ?
"Silver Moonlight", "Edge of the World", "Paradise (What About Us?)"... J'ai du écrire cinq ou six chansons sur les dix, souvent en compagnie de Martijn... *après vérification de la setlist" ... mais aussi "And We Run", "Covered by Roses" et "Dog Days.
Parlons des paroles, The Unforgiving avait tout un concept au niveau de l'histoire mais aussi visuel, qu'en est-il de Hydra ?
Hydra n'est pas un album concept mais il y a un fil conducteur : chaque morceau parle de gros problèmes qu'on peut rencontrer durant notre vie. Il y aussi quelques références à l'hydre, cette créature mythologique est une métaphore parfaite car l'album à plusieurs facettes et donc "plusieurs têtes" ! (rires)
Globalement qui a écrit les paroles ?
Robert et moi, dans leur intégralité.
Est-ce que certaines histoires sont spéciales et importantes pour toi ?
Toutes plus ou moins, il y a "Covered by Roses" notamment qui a un message très simple mais important : carpe diem ! Il faut profiter du jour présent et ne laisser passer aucune occasion.
En parlant de cette chanson, on peut y entendre une narration effectuée par un enfant. Serait-ce l'un des tiens ?
Non non (rires), il s'agit du fils d'une ami à nous, un anglais, nous voulions quelqu'un avec un accent parfait pour le coup !
Un mot sur les invités de l'album. Commençons par Tarja Turunen (ex-Nightwish), un rêve se réalise pour beaucoup sur le morceau "Paradise (What About Us?)" : l'association de deux figures féminines emblématiques du metal ! Est-ce quelque chose qui s'est décidé récemment ou alors était-ce prévu depuis un moment ?
En fait, en réécoutant chaque chanson, nous nous sommes demandés sur chacune d'entre elles qui pourrait venir nous épauler. Nous avons donc décidé cela après le processus de composition, et ce morceau avait ce côté épique qui collait parfaitement à Tarja, certains passages sont mieux faits pour sa voix que pour la mienne ! Ce morceau a un côté lyrique symphonique, à l'image de ce qu'on avait composé sur The Heart of Everything par exemple. Avant cela, je n'avais jamais rencontré Tarja, aussi bizarre que cela puisse paraître. Bien sûr je la connaissais, mais j'ignorais si c'était quelqu'un de sympa ou une véritable garce (rires) ! Il fallait surtout faire attention à ce que les gens disaient et aux rumeurs, on ne peut vraiment juger quelqu'un qu'après l'avoir rencontré selon moi. Tarja est quelqu'un de très gentil en tout cas, une belle rencontre.
A l'époque on vous mettait souvent en compétition l'une et l'autre, ça ne devait pas être facile...
Oui, mais c'était les fans et les media, ils aimaient faire des histoires et créer une tension entre les groupes importants du même genre. Cela ne nous a jamais intéressé, nous n'avons jamais rien eu contre Nightwish et donc contre Tarja. Et c'était pareil de son côté vis à vis de Within Temptation.
L'invité le plus étrange sur cet album est sans conteste le rappeur Xzibit, sur le morceau "And We Run". A-t-il été simple de le convaincre ?
Franchement, c'était notre premier choix, et il a accepté de suite ! On a demandé à notre label BMG Rights de nous mettre en contact avec lui, ils avaient un lien direct avec le managment et nous avons donc pu lui envoyer le morceau. Xzibit est quelqu'un de très ouvert qui ne refuse pas les nouvelles expériences, en fait il avait déjà travaillé par le passé avec de grosses guitares mais aussi avec un orchestre ! Du coup, participer à ce morceau lui a paru comme une suite logique, il a donc accepté très vite. Nous pensions que c'était la bonne personne car nous aimons sa manière de rapper, de plus nos deux voix offrent un contraste saisissant et c'est ce que nous voulions sur ce titre. J'espère que les gens essayeront de comprendre cette chanson en gardant l'esprit ouvert, car je sais que ça va en surprendre voire en choquer certains... Mais nous voulions cela, tenter de nouvelles choses, c'est ce que Within Temptation aspire à faire désormais.
Du coup, une fois en studio, a-t-il suivi des directives précises ou plus ou moins improvisé sa partie ?
En fait il a tout enregistré chez lui à Los Angeles. Chacun des guests a enregistré son chant dans un studio local : Tarja en Argentine, Dave Pirner à la Nouvelle-Orleans et Howard Jones en compagnie de Logan Mader alors qu'il travaillait sur son nouveau projet. Nous avons cependant multiplié les sessions Skype pour leur donner des indications, surtout avec Xzibit ! Nous voulions qu'il ait la plus grande liberté possible sur les paroles et sur le rythme qu'il voulait poser, c'était important pour lui afin qu'il se sente parfaitement à l'aise. Du coup il s'est lâché et on a adoré ce qu'il a fait !
Tu viens d'en parler, il y a donc également Howard Jones (ex-Killswitch Engage) sur le morceau "Dangerous"... Les gens s'attendaient à quelques passages extrêmes mais non, il ne chante qu'en voix clean ! (rires)
Oui, c'est étrange hein (rires) ? En fait nous nous attendions aussi à ce qu'il fasse cela, mais au final il nous a envoyé cette partie de chant plutôt soft et on s'est dit "pourquoi pas ?" ! Nous n'imaginions pas qu'il puisse chanter ainsi... Je pense qu'au final ça se prête mieux au morceau, du coup nous avons gardé cette idée.
Une vidéo a été faite sur ce morceau, vous vous êtes donc rencontrés ?
C'était prévu mais malheureusement il y a eu un souci d'avion lorsque tout était planifié. Du coup il s'est enregistré et filmé à Los Angeles, mais nous avons en tête de nous rencontrer quelque part sur la tournée américaine afin de faire cette chanson ensemble sur scène.
Pourquoi Howard Jones et pas un autre ?
Nous aimons bien Killswitch Engage et lorsque nous avons composé ce morceau nous avons de suite pensé à ce groupe, que ce soit pour le côté metal moderne ou le rythme. Ainsi nous avons eu envie de le contacter.
Un dernier invité à mentionner : Dave Pirner, le chanteur du groupe Soul Asylum, surtout connu pour son tube "Runaway Train" dans les années 90...
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons pensé à lui, j'adorais cette chanson à l'époque ! Quand nous avons composé "Whole World Is Watching" sur laquelle il apparait, nous nous sommes posés une question : pouvait-on l'incorporer à l'album ? Elle est assez différente de ce qu'on a pu faire avec le groupe jusque là. On a essayé de l'arranger mais au final on hésitait toujours... Là, on a pensé à Dave Pirner car elle nous rappelait l'ambiance de "Runaway Train" ! Du coup, comme nous ne savions pas ce qu'il était devenu, c'était un peu comme dans le film Searching for Sugar Man : nous avons fait toute une enquête pour le retrouver et ensuite le contacter. En fait, il a continué sa carrière mais de façon plus intimiste, toujours avec Soul Asylum mais aussi dans quelques jazz band... Au final, nous avons fini par le retrouver, l'album était prêt mais il nous manquait sa partie ! A un moment nous pensions à un plan B mais nous voulions vraiment Dave... On a pris le temps, nous avons pu lui parler et il a accepté in extremis, le morceau a donc été complété juste à temps. Un peu plus et il ne figurait pas sur l'album.
Nous avons d'ailleurs rencontré Dave la semaine passée, il est venu tourner un futur vidéo clip en notre compagnie. C'est quelqu'un de très timide en apparence mais dès qu'il se met dans la peau d'artiste il se révèle, comme si un chaton se transformait en lion ! (rires)
Puis qu'on parle de lion, parlons des growls disséminés sur quelques morceaux de l'album... Sont-ils l'oeuvre de Robert comme à l'époque de Enter ?
Oui, c'est bien lui ! Il avait arrêté un temps d'en faire car il n'a pas du tout la bonne technique... c'est encore le cas aujourd'hui, mais avec le temps il a appris à savoir s'arrêter à temps quand sa gorge le fait trop souffrir. En fait, il m'a prise par surprise parce que je pensais que plus jamais il ne voudrait en faire. A une époque il n'en était clairement plus question, mais là c'est lui qui a eu l'idée... Il pensait simplement que ça collerait bien à l'atmosphère de l'album et de ces morceaux, du coup il s'est lancé !
Il ne tourne plus trop avec vous, sauf à de rares occasions, viendra-t-il cependant faire ces voix énervées sur scènes sur certains shows ?
Je ne sais pas, peut-être s'il se sent bien préparé et qu'il se trouve avec nous à ce moment-là soit en backstage soit dans le public. Ce pourrait être une vraie belle surprise pour les fans s'il venait soudainement sur scène pour les faire, en effet ! D'ailleurs, il sera peut-être là au Zénith de Paris, il viendrait lui-même en voiture depuis les Pays-Bas car il adore la ville et le public français !
Car depuis quelques années Robert a décidé de ne plus jouer en live, de prendre un peu de recul. Penses-tu qu'il reviendra un jour sur cette décision ?
Il se tiendra toujours prêt en cas d'urgence, par exemple récemment il est revenu jouer quand un de nos guitaristes était malade... Mais à part ça, je ne pense pas non. Je sais qu'au fond ça lui manque un peu même s'il ne veut pas l'admettre, mais il a beaucoup de travail à côté, il s'occupe aussi de nos enfants et il adore nous voir en tant que spectateur de temps à autres. De plus, il est très content de voir que le groupe évolue très bien sur scène en son absence.
Within Temptation a toujours été un groupe assez indépendant dans le milieu, jamais véritablement lié à un major ou un label. De nos jours, de plus en plus de groupes sont obligés de fonctionner ainsi avec la crise, ce qui fait de Within un groupe avant-gardiste en somme sur ce point. Cela doit pas mal vous aider désormais !
En effet, on se débrouille très bien ainsi, même si BMG Rights nous suppporte beaucoup, un peu comme s'ils avaient investi dans le groupe en quelque sorte. Certes nous prenons toutes les décisions entre nous, mais ils nous ont beaucoup aidé notamment sur la participation de Xzibit. Ils nous donnent une base et ensuite nous décidons ce que nous faisaons, le nombre de singles ou de clip vidéos par exemple, et ceci en consultation avec notre managment qui nous seconde également beaucoup.
Tout ceci permet également à Within Temptation de garder une totale liberté dans ses choix artistiques, ce qui n'est pas toujours le cas avec un gros label...
Oui, mais je pense que les groupes metal ont bien plus de liberté que certains artistes de variété ou plus mainstream qui sont couvés par leurs labels. Par exemple ces jeunes qui sortent de la télé réalité ou autres émissions du genre. Le metal ne connait pas ce souci je pense, du moins pas à ce niveau de contrainte.
Parlons de la tournée à venir qui a été repoussée en avril afin que les fans puissent profiter du nouvel album. Sept dates en tout en France ! Avez-vous des idées sur les chansons que vous y jouerez ?
Ce sera une belle combinaison entre les nouveaux morceaux et certains anciens, mais ce sera assez centré sur le nouvel opus je pense vu qu'il est plus versatile que jamais. On essayera tout de même de faire quelques vieilles chansons plus rarement jouées ces derniers temps...
Des morceaux du premier album Enter peut-être ?
Oui, si quelqu'un veut venir sur scène growler avec nous, il est le bienvenu (rires) ! Après nous aurons peut-être quelqu'un de volontaire dans les groupes qui tourneront avec nous, à voir...
Sur ce nouvel album, vous avez un nouveau batteur : Mike Coolen. Comment s'est passé son intégration?
Il a fait un travail fantastique ! Je n'étais pas présente lors du processus mais je sais qu'ils ont enregistré les parties batterie de façon très précise. Par exemple la caisse claire a été testée dans plusieurs studios afin d'avoir le meilleur son, un écho particulier que nous voulions absolument. Robert et notre producteur Daniel ont passé un temps fou sur ce point en utilisant leurs iPhones pour comparer les sons, etc ! Au final, le choix s'est porté sur un studio plus adapté pour l'enregistrement d'une chorale, tout en bois avec des murs très hauts.
De plus, Mike a d'abord tout enregistré sans utiliser les pédales, puis il a ensuite fait la grosse caisse à part pour avoir un son bien distinct. C'était ainsi plus simple de mixer le son de batterie avec des pistes différentes.
Sharon, tu as participé à pas mal de projets plus ou moins récemment, de Ayreon à Avantasia en passant par Timo Tolkki's Avalon dernièrement. As-tu d'autres guests prévus bientôt ? Le second volet du Avalon peut-être ?
Non, je ne pense pas, Timo veut changer son line-up de chanteurs je crois. Pour le reste, je n'ai rien de prévu encore, mais je suis ouverte à toute proposition intéressante. C'est toujours une expérience enrichissante car on change d'univers, tu découvres d'autres musiciens et tu peux partager pas mal de choses. Là dessus je ne me mets pas de limite, j'ai par exemple fait une chanson avec le DJ Armin Van Buuren et c'était très sympa à faire, grâce à ça nous avons écrit la chanson "Sinéad" pour le précédent album. Après bien sûr c'est souvent une question de timing et il faut que le projet me plaise avant tout !
Quels sont tes derniers mots pour les fans français ?
La France est un pays très important pour Within Temptation. Notre premier show était à La Locomotive de Paris, je me souviens qu'on nous y avait programmé un peu de façon surprise et nous ne savions pas à quoi nous attendre, mais les gens adoraient notre musique ! La salle était quasi pleine et on ne s'y attendait pas, à l'époque nous pensions n'être connus qu'en Hollande et en Belgique. On a gardé quelques contacts de cette époque ! A Paris nous avons depuis une vrai fan base, à chaque fois que nous venons ils nous font de la promo et on les revoit avec plaisir. Que de bons souvenirs... la première grosse tournée à l'étranger était en France par exemple, il est donc normal que nous revenions avec grand plaisir jouer sur vos terres pour plusieurs dates.