Tengger Cavalry – Ancient Call

Heureusement que le metal est un genre musical ne connaissant pas de frontières. Faire des découvertes venant du monde entier est toujours un plaisir, quand la qualité est au rendez-vous. Et parmi les destinations insolites, le Kirghizistan nous envoyait déjà l'excellent Darkestrah. Aujourd'hui, c'est à la Chine d'offrir un superbe cadeau : un nouvel album de Tengger Cavalry, formation de black metal aux sonorités particulières. Ancient Call n'est pas la première œuvre des productifs musiciens, qui sont déjà à leur cinquième album. Voyons donc ce que cette cuvée nous réserve.

Le black metal des débuts a totalement évolué puisqu'il est, pour ainsi dire, bien plus en retrait qu'avant. La formule n'est résolument plus la même et Tengger Cavalry décide de s'orienter vers un folk metal aux quelques relents black qui apportent une touche d'agressivité bienvenue aux dix compositions offertes sur Ancient Call. Ceci dit, on arrive facilement à faire le lien entre le passé de la formation et son nouveau visage, conservant ses traces imprégnées dans la culture de l'Asie Centrale. Un titre comme « Hymn of the Earth » témoigne de cet hommage aux racines des musiciens, ces derniers utilisant une foison d'instruments traditionnels de Mongolie (comme le morin khuur) ou de la musique folk nomade kazakh afin d'offrir aux morceaux un aspect authentique, proche de leur culture et le mélange avec le metal y est plus qu'intéressant. Non seulement car ces sonorités sont inhabituelles pour des oreilles occidentales mais surtout, le dosage entre les diverses composantes est parfait. Le sextette va encore plus loin dans son interlude « Echo of the Grassland », adaptation d'une transe turco-mongole à la sauce TC. Que ce soit le rythme chamanique ou encore le chant de gorge (qu'il soit du ventre ou de la poitrine), la retranscription de ce rite est réussie de bout en bout, plongeant l'auditoire dans l'ambiance désirée. Le combo nous offre également l'utilisation d'un cymbalum, instrument d'Asie Centrale et d'Europe de l'Est, sur « Legend on Horseback ». Non seulement, peu de groupes ont osé l'emploi d'un tel élément, mais en plus, son incorporation est excellente. Il apporte de la douceur et de la légèreté à une piste qui prend son envol progressivement mais qui achève l'offrande sur une note au goût de voyage.

Cette mue ne s'accompagne certainement pas d'un coup de mou. Au contraire, la section rythmique reste imposante et Tengger Cavalry un groupe de metal avant tout. Le chant de Nature Zheng est toujours aussi écorché, dans une veine black du meilleur effet, se combinant merveilleusement bien à l'univers oriental offert ici. Si la vague du Moyen-Orient offrait des sonorités nouvelles et un son différent à notre genre musical favori, ce nouvel opus des chinois est une véritable bouffée d'air frais et un dépaysement total. Combiner la propension au headbang et découverte de l'Asie Centrale est un défi ardu mais brillamment relevé par le groupe. « Summon the Warrior » en est un exemple parfait, greffant les sonorités centre-asiatiques à une structure typiquement metal, pour un résultat probant et énergique.

Tengger Cavalry

Planquez-vous, la cavalry arrive.

Force est de constater que non seulement la mixture prend, mais qu'en plus, Tengger Cavalry évite l'écueil de la linéarité. Surprenant déjà par l'évolution stylistique offerte, le combo trouve encore d'autres moyens pour empêcher la musique de tourner en rond. Non seulement l'usage des divers éléments tirés de leur culture aide à acquérir une personnalité bien forgée, mais en plus, les titres se suivent sans se ressembler. Bien sûr, la base est souvent identique, mais l'articulation interne est particulièrement intéressante. Profitant toujours d'ambiances diverses, de breaks bien pensés (notamment sur « Chant of the Cavalry ») ou d'interludes offrant une pause entre les déferlantes des guitares (« Echo of the Grassland », « The Battlefront »), les chinois font preuve d'une créativité bienvenue, prouvant leur valeur sur la scène internationale. Si les frontières géographiques n'étaient pas un obstacle à la renommée et que seul le talent comptait, nul doute que Tengger Cavalry enterrerait bien des groupes européens de folk / pagan qui ne cessent de tourner en rond et ne proposent aujourd'hui plus rien de novateur ou d'original.

Offrir des pièces marquantes, c'est une autre chose. On peut composer avec beaucoup de dextérité mais tourner à l'auto-contemplation et manquer le tir quant il s'agit de se doter d'une accroche. Et dans le cas présent, on est très loin de tout ça. Tengger Cavalry n'est jamais à côté de la plaque et parvient toujours à être direct tout en façonnant des pistes complexes. On prendra ainsi en exemple « Galloping Towards the Great Land », « Battle Song From Far Away » ou encore « Summon the Warrior », qui n'épargnent rien sr leur passage et offrent ainsi des moments de plaisir intenses.

La musique de Tengger Cavalry est un brassage de cultures nomades d'Asie Centrale (Kazakhstan, Mongolie) et turques, ce qui lui octroie donc une richesse rare. Si on couple cela avec la qualité de composition dont les musiciens font preuve, on obtient avec Ancient Call un album à l'intensité énorme, capable de faire découvrir des saveurs diverses et de faire voyager rien qu'au travers de la musique. Voilà donc une œuvre incontournable de cette année, qu'il serait dommage de laisser de côté, tant pour ce qu'elle apporte dans le paysage metal qu'au niveau de la découverte culturelle au travers des dix pistes présentes.

PS : énorme remerciement à Mary Mc Kraken pour ses références sur l'Asie qui m'ont été d'une grande aide pour la rédaction de cette chronique.

 

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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