Le Cernunnos fête cette année sa 7ème édition. Le Festival dédié aux musiques Pagan, Folklorique et Black Metal a rempli à nouveau La Machine du Moulin Rouge de Paris.
Le Cernunnos c’est comme un village. La place centrale où l’on trouve des échoppes. Celles dédiées au travail du cuir, celles qui proposent des bijoux médiévaux, d’autres de la vente de peaux de bête. Il y a ceux qui vendent aussi des instruments anciens.
Tous se retrouvent plus ou moins autour de La Taverne de la Muse qui propose des plats anciens revisités au gout du jour afin de ne pas trop traumatiser nos petites papilles habituées à des gouts aseptisés. Le sauté de porc à l’Hypocras, la volaille à la Cannelle, les tartines au mortarius (fromage écrasé aux herbes), les assiettes végétariennes et tartes bourdaloue réchauffent les corps et délient les langues. C’est une ambiance de village qui existe vraiment dans celui du haut. Pendant ce temps, les combats avec les épées (en latex), danses médiévales et lancer de nain (si si celui-là n’est pas interdit !) mettent l’ambiance et font rire le public toujours curieux de découvrir les activités adjacentes au festival de musique.
Quand un set se termine, les hordes se croisent entre village du haut et celui du bas sans oublier d’aller trinquer et de frapper les cornes remplies d’hypocras ou d’hydromel et de participer au tir à la corde ou au concours de souffleurs d’olifan !!
Ce qui est bien aussi au Cernunnos et non des moindre c’est la proximité avec les musiciens. Comme ils déambulent parmi les échoppes et les différentes scènes il est facile de discuter avec eux autour d’une bière (euh cervoise hollandaise…). Pas de prise de tête, les musiciens sont heureux de participer à cette grosse fête de village au centre de la capitale. Il ne manque plus que des animaux et on s’y croirait complètement.
Beaucoup de festivaliers jouent le jeu et sont déguisés en gaulois, ménestrels ou troubadours. Les gentes dames portent de longues robes : le concours de costume fait même gagner des lots aux plus beaux d’entre eux.
(les vainqueurs du concours de costume, avec les frères Rimmerfors de Fejd)
Alors fermons les yeux, oublions le XXIème siècle et rentrons dans La Machine… à remonter le temps…
Lionel / Born 666
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KROAZHENT (14h30 - 15h10 à la Chaufferie):
Tôt dans l'après-midi, alors que de nombreux visiteurs ne sont pas encore arrivés dans la salle, le Cernunnos Pagan Fest commence de manière originale avec un groupe breton.
Alors que nous sommes bien dans le sous-sol de la Machine du Moulin Rouge, on pourrait se croire dans un pub tant le style visuel de Kroazhent dénote avec le public de chevelu.
Ceci dit, l'œil averti reconnaîtra rapidement Coralie Larrazet, qui officie également au violon au sein de Bran Barr.
Musicalement, il faut avouer que Kroazhent a envoyé la sauce ! Certes, nous sommes bien face à un mélange de biniouseries et de rock, mais il me parait évident que le groupe s'est adapté au public, en choisissant des morceaux particulièrement rythmés.
La sueur coule rapidement sur le visage des musiciens, mais aussi dans le public. Il n'y a pas de doute, la soirée a bel et bien commencé, et encore une fois, les organisateurs du festival ont su choisir avec soin le groupe à qui revenait la tâche parfois ingrate de jouer en premier, mais qui offrait un bel esprit d'ouverture musicale au public.
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NIBURTA (15h10-15h50 Grande Scène):
La grande scène se remplit des 9 membres de Niburta, en même temps que la salle accueille un public de plus en plus nombreux. J'avoue que c'est la première fois que je voyais autant de monde en un début d'après-midi au Cernunnos. Remarquez que c'est assez logique, vu que le festival était sold-out, preuve s'il en fallait que le public a apprécié l'affiche proposée !
J'étais assez impatient de voir ce que donnait ce groupe hongrois en live. J'avais pu me faire une idée en regardant les clips assez psychadéliques qu'ils diffusent sur internet et je trouvais le mélange musical entre du death metal symphonique et des airs folkloriques en direct des Balkans très intéressant.
J'avoue avoir été un peu déçu par certains côtés. Au chapitre des regrets, outre un son plutôt mal réglé, je sentais de ci de là quelques influences hardcore, certainement amenés par quelques membres du groupe. Bon, n'exagérons pas tout de même, cela restait très limité, et après tout, à vouloir tout mélanger, on tombe forcément sur quelque chose que l'on aime moins.
La prestation de Martina Veronika Horvath, la certes très jolie chanteuse, me laissait aussi parfois perplexe, car la voix n'était pas toujours placée au mieux. Mais reconnaissons tout de même que la prestation fût intense !
On avait un peu l'impression également que les nombreux membres du groupe devaient avoir chacun des préférences musicales personnelles et disparates, ne serait-ce que par leur attitude sur scène. Le risque d'une telle variété est bien de finir en tensions insurmontables. Mais soyons optimistes !
Toujours est-il que j'ai apprécié de voir István Simon jouant de sa gadulka (violon bulgare) et n'hésitant pas à s'adresser au public en un bon français, le tout entre deux riffs rageurs à la guitare électrique de ses comparses.
Quoiqu'il en soit, le résultat était tout de même convainquant. Le groupe vit et bouge beaucoup sur scène.
Cela m'a réellement fait plaisir d'entendre des sonorités vraiment inhabituelles, avec des passages parfois très orientaux où l'on se rend compte qu'il y a quelque chose entre les pays de l'Est et le véritable Orient ! Quand ce quelque chose s'accompagne de passages death metal, on a vraiment envie de partir en voyage.
Niburta est donc un jeune groupe original et prometteur dont on espère suivre les progrès sur d'autres événements en France.
Thomas Orlanth
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MYRKVAR (15h50 - 16h30 à la Chaufferie):
Quelle belle découverte ! Les Hollandais par leur musique festive font décoller l’ambiance de la scène du bas. L’exigüité de l’endroit est propice à se lâcher, à danser la gigue sur des riffs bien Black. Le public accroche de suite à la musique entrainante de Myrkvar : un Black Viking Folklorique allégé par le violon de Fusilan heureuse et toujours le sourire aux lèvres entourée par ses compagnons qui ont recouvert les peaux de bêtes.
Le synthé en bandoulière, Hrabnilaz harangue la foule venue en masse se coller au plus près des musiciens. Visiblement très heureux de venir chez nous, ils ne ratent pas une miette de l’effet que procurent leurs morceaux. Habits traditionnels de mise, leur joie est communicative et donne envie de bouger.
Ils sont là pour défendre leur dernier album en date As en bloed (2012) en entamant d’ailleurs leur set par les 4 titres « Noodlot », « Voorspelling », « Nagelschip » (quel titre de bravoure doté d’une mélodie qui ne vous lâchera plus jusqu’à la fin du Festival) et « Gjallarhoorn » qui ouvre le disque dans le même ordre.
Les 40 minutes qui leur sont impartis passent trop vite, on en aurait bien pris une double ration après les puissants « I Viking » ou encore « Donderslag » bien speed à souhait où les chœurs d’Uruz et de Herubern donne le ton sous les martellements d’Arbudon.
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BRAN BARR (16h30-17h10 sur la Grande Scène):
Quand Bran Barr monte sur scène, on voit tout de suite qu’il y a eu des changements au sein de la formation. Comme ils nous le racontent dans l’interview que l’on a effectué lors du festival on retrouve Hades au vocaux qui tenait la basse avant, Ahès toujours au violon qui jouait juste avant dans la salle du bas avec Kroazhent, Llyr et Fir Doirtche de retour au sein du groupe (tout en restant aussi dans Temple of Baal sous le nom d’Amduscias) aux guitares, Mylgaon Vibuc'h d’Heol Telwen à la basse et toujours Aed Morban à la batterie. Fir Doirtche est visiblement heureux de retrouver ses compagnons d’armes et ne tient pas en place sur scène.
Le Black Metal Celtic ou plutôt le Celtic War Metal comme le disent les musiciens est toujours aussi passionnant et prenant à écouter, alternant passage de bravoures bien violents et passages acoustiques allégés grâce au violon et à la flute (« Rebirth: Morgan's Gift to Righ'Sidh ») que Hades ressort quand il ne chante plus comme sur « Pride and Malevolence » ou « Fury: Exile of the Orphan ».
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CELTACHOR (17h10-17h50 à la Chaufferie):
Les irlandais de Celtachor arrivent à la Machine pour leur premier concert sur nos terres païennes. Steven Roche, un beau bébé au chant est très démonstratif, il vit ses textes comme un acteur sur les planches d’un théâtre. Il fixe au loin, les yeux exorbités comme si les ennemis s’approchaient, en tentant de nous exhorter à rester bien cacher auprès de lui. Parfois il prend le Tin Whistle (flûte irlandaise) afin de nous ancrer dans ce passé irlandais émouvant tellement riche en histoire.
Anaïs Chareyre, française vivant à Dublin est installée derrière les futs et assure majestueusement ses parties de batterie. La musique est épique, puissante et ravira les amateurs de paysages embrumés où l’on entraperçoit les énemis dissimulés dans des marécages tourbés.
Lionel / Born 666
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FEJD (17h50 - 18h40 sur la Grande Scène):
Cette formation suédoise présente l'originalité de n'utiliser que des instruments acoustiques. Cependant, il n'y a aucun doute à avoir, s'il n'y a pas de distorsion, la foudre de Thor est bien présente sur scène. Les sonorités sont résolument proches du metal et cela prouve qu'on peut allégrement faire de la musique puissante et rythmée sans pour autant devoir utiliser la six cordes branchée sur une montagne d'effets distordants !
Le groupe est un habitué du Cernunnos et de les voir sur la grande scène en fin d'après-midi a dû ravir les nombreux fans qui étaient venus pour eux.
Décidemment, il n'y a pas à douter que le suédois est une langue particulièrement mélodieuse, qui donne ce cachet particulier grâce à un mélange de douceur, de sons gutturaux et d'une certaine mélancholie.
La musique de Fejd oscille entre les chants mélodiques et les riffs saccadés et entraînants. Le duo formé par les frères Rimmerfors est particulièrement efficace pour former la ligne mélodique, pendant que la combinaison entre Lennart Specht au clavier et Thomas Antonsson à la basse travaille plutôt sur la rythmique.
Voilà un groupe qui place démocratiquement ses membres, à quatre sur la première ligne ! Seul le batteur, Esko Salow, hérite de la place du fond, mais tel est le triste destin partagé par tous percussionnistes !
Fejd est sans conteste un grand groupe, et à en juger par l'importance du public, seuls les plus extrêmes des metalleux les ont ignorés semble-t-il et il y a même eu du slamm vers la fin de leur excellente prestation.
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HIMINBJORG (18h40 - 19h25 à la Chaufferie):
Alors que Fejd salue la foule un étage plus haut, les derniers réglages se terminent, et il ne restait plus qu'à attendre que le second guitariste arrive sur scène pour que résonnent les sons d'outre-monde d'Himinbjorg.
Le show reste classique, avec le sublime In the Forest of the Demons from within pour commencer le set, histoire de bien se mettre dans l'ambiance tout de suite !
Le public se déchaîne rapidement, et la petite fosse s'agite bien vite, et nous frôlons de peu l'incident entre deux spectateurs à cause d'une sombre histoire de téléphone portable. Il est vrai que le centre du pogo n'est peut-être pas l'endroit idéal pour envoyer des SMS... Et comme j'ai pu l'entendre dire avec beaucoup de justesse pour calmer le jeu : "t'es pagan ou merde ?" Quoiqu'il en soit, le quatuor reste imperturbable, déjà loin dans leur monde de musique pour se soucier des menus problèmes des mortels.
Le show d'Himinbjorg apporte cette chaleur animale qui fait le charme du sous-sol de la Machine, et j'avoue que devant l'enchaînement des divers groupes ayant précédés à un rythme frénétique, il est grand temps pour moi de boire une bière au bar heureusement non loin de la scène. Je gardais néanmoins un œil et surtout une oreille attentive au concert, avant de repartir suer un peu dans les profondeurs, à la rencontre du Destin de Sang.
Décidemment, il n'y a rien à redire. Le show est rôdé. Trop peut-être, et on se surprendrait presque à espérer un nouveau titre tout en regrettant l'absence de certains plus anciens comme le magnifique The Inverted Dimension, mais après tout, dans la riche discographie du groupe, il faut bien faire des sacrifices lorsqu'on doit limiter le show à une quarantaine de minutes...
Setlist:
In the Forest of the Demons from within
Death of a King
In the Haze of a Summer Solstice's Fires
Destin de Sang
Rising
The Horny and the Horned (Impaled Nazarene)
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MANEGARM (19h25 - 20h25 sur la Grande Scène):
L'heure est arrivée pour Månegarm qui entre d'un pas décidé sur scène. Ce groupe représente ce que j'appelle le vrai pagan metal, que l'on appelle ça du black/viking/celtic metal en fonction des thématiques développées, nous sommes bien face à une musique d'inspiration black metal qui s'est adoucie au profit de mélodies païennes, où la fureur a cédé un peu de sa place à l'hymne.
Je les connais depuis la sortie de Vredens Tid, mais c'est bien la première fois que je les vois sur une scène. Ici pas d'instruments folks, on reste dans les éléments classiques du bon vieux metal.
Je qualifierais leur prestation de sobre. En effet, ici pas de jeux scénique extraordinaire, pas de costumes d'inspiration historique. Non, seulement quatre musiciens en uniforme noir, avec le symbole de leur armée cousue sur la manche de leur chemise. La musique se suffit à elle-même.
La présence de Jonas Rune Almquist est indéniable ainsi que la maîtrise vocale d' Erik Jurken Grawsiö, alternant entre le chant clair et l'occasionnel growl.
Månegarm nous offre ici une belle heure de show, rare en France. Et cela fait plaisir de voir qu'il existe encore des groupes qui ne se sentent pas obligés d'en mettre plein la vue et qui se contentent d'en mettre plein les oreilles !
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ANGANTYR (20h25 - 21h15 à la Chaufferie):
Comme il y avait plusieurs groupes aux sonorités plus douces à l'affiche, il en fallait également un qui soit un peu plus brutal.
Ce rôle a été dévolu aux danois d'Angantyr. Nous revenons ici à du black metal pur et dur. Certes, les thématiques abordées, ne serait-ce qu'à travers le nom du groupe qui désigne le plus grand de douze frères tous berserkers, est clairement inspirée de la mythologie danoise, mais le corpse paint et la musique ne laissent planer aucun doute.
Le son, justement, parlons-en. J'avoue que la première moitié du concert a été un peu gâché par des larsens répétitifs et assourdissants. Mais comme Ynleborgaz le dira justement en sirotant une bière "plus vous boirez de bière, et meilleur sera le son !"
En gros, ils ont bien remarqué que le son laissait à désirer, mais ils s'en foutaient. Normal. On joue du black metal ou on passe trois heures à régler les harmoniques.
Bon, les fans avaient l'air de s'en foutre aussi, à moins qu'ils avaient bu beaucoup, beaucoup de bières. Ce qui est tout à fait possible aussi...
Setlist:
Den Store Krig
Endelos
Laenket
Slettes skal mindet
Vemods Hjemstavn
Ni Lange Naetter
Svig
Stormen fra nord
Thomas Orlanth
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PRIMORDIAL (21h15 - 22h30 sur la Grande Scène):
C’est assez dingue l’aura que dégage A.A. Nemtheanga lorsqu’il arrive sur scène. La capuche sur la tête qui laisse à peine entrapercevoir le teint blafard que procure son maquillage et ses yeux vifs entourés de noir. Il a une présence, il en envoie quand il est sur scène. Expressif, regardant la foule, il a cette force que l’on retrouve chez Mortuus de Marduk. La façon de saisir son pied de micro, de provoquer le public, de le mettre rapidement de son côté, de se positionner sur les retours, de jouer avec son corps, ses bras. On a d’yeux que pour lui. Il est charismatique et vit ses textes comme si il se trouvait sur un champ de guerre sur les landes irlandaises. Ça sent la tourbe, l’humidité et la bravoure d’un peuple fier !
Il ne fait pas les choses à moitié et nous donne en échange ce que le public lui cède rapidement. Des titres évocateurs comme « No Grave Deep Enough » ou « As Rome Burns » plantent le décor. On y est, les mélodies se chargent du reste et on doit rester vigilants car nous sommes à découverts. Pour survivre on ne peut faire confiance qu’à nous-mêmes. La voix pleine, entière sans concession de A.A. nous martèlent des textes longs et épiques. Il vit ses textes et dans la marée humaine qui s’agite devant ses yeux ce ne sont pas des têtes qu’il voit mais des vagues percutantes qui viennent se fracasser sur les rochers des côtes irlandaises.
La longueur des titres nous permet de vivre encore plus intensément le set des irlandais. On en avait besoin depuis leur set avorté et écourté dû à leur retard au Hellfest 2013 qui n’avait pas pu être décalé.
L’intensité des riffs ainsi que les mélodies vocales nous transpercent comme sur l’émouvant « Sons of the Morrigan » ou le transcendant « The Coffin Ships » toujours aussi percutant avant de terminer par l’irremplaçable « Empire Falls ».
Ils sont venus, avaient passé une nuit précédente difficile et étaient fatigués dans l’après midi…mais quand ils sont montés sur scène ils nous ont donné peut-être l’une des plus belles prestations qu’ils ont réalisé en France.
Lionel / Born 666
Décidemment, le Cernunnos Pagan Fest est vraiment LE grand rendez-vous du pagan et du folk metal en France. Vivement l'an prochain !
Photos et textes :
© 2014 Lionel / Born 666
© 2014 Thomas Orlanth - site internet: www.thomasorlanth.com
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