Beauté froide
Si je dis Russie, je sais déjà à quoi vous pensez. Actualité, vidéos étranges sur le net, vodka et danses folkloriques. Et si on part dans le metal, c'est facile : Arkona, Kartikeya, Illidiance, Grenouer ou encore Xe-None (qui, eux, se sont surtout taillés une réputation dans le ridicule). Maintenant, quand on va plus profondément dans la scène de ce pays, il est vrai qu'ici, en France, on ne connaît pas forcément grand chose. Peut-être car une majorité de ces formations chantent dans leur langue natale, et que pour l'exportation, cela pose immédiatement une barrière. Pourtant il existe des groupes démentant cette affirmation. Et si l'on en vient à parler de metal symphonique russe, alors c'est encore plus le néant. Pourtant, ce style n'est pas complètement inexistant chez nos buveurs de vodkas aux moustaches congelées.
Revontulet, duo formé d'Alexandra et Sergey, sera peut-être votre premier contact avec un groupe de sympho russe. Pour faire de brèves présentations, la jeune chanteuse et son compagnon musicien batteur de son état étaient accompagnés d'un guitariste et d'un bassiste jusqu'à l'année suivante, et leurs chemins se sont ainsi séparés. Ce qui n'a pas entravé l'enregistrement d'une première offrande, dénommée Hear Me. Qui plus est, chantée en anglais, reflétant sans doute un certain désir de passer les frontières linguistiques, mais aussi de leur terre natale.
En tout cas, ce n'est pas par leur originalité que le duo sera reconnu. En effet, difficile de ne pas classer immédiatement leurs compositions avec l'étiquette « metal à chanteuse », ce qui, en soi, ne veut rien dire, mais permet bien souvent de dire implicitement ''Nightwish et compagnie''. Et ce n'est pas entièrement faux, par ailleurs. Les apports symphoniques, les claviers, l'ombre du géant finlandais plane sur Revontulet. Si ces quelques lignes dissuaderont déjà les plus blasés d'écouter les efforts des russes, les autres devraient tout de même s'attarder sur les efforts du combo, qui est loin d'être un pâle sosie de ses références.
L'apport d'un cello et d'un violon offre un côté très gracieux et raffiné à la musique proposée par les deux musiciens. Ceux-ci sont d'ailleurs toujours bien utilisés et jamais le groupe n'en fait des caisses dans l'excès de drame. Ainsi, une pièce du calibre de "Rainheart" est extrêmement bien écrite, notamment grâce à un réel souci du détail de la part des compositeurs. Montée en puissance très bien amenée, ambiance très prenante amenée par les instruments à cordes frottées, ce tableau est complété par l'excellente interprétation d'Alexandra, qui utilise son chant lyrique à bon escient et ne tombe jamais dans l'excès. Ces instruments qui embellissent ce morceau précis font des apparitions clairsemées, mais toujours bien senties.
Revontulet n'a rien d'un bête suiveur, proposant des titres captivants, palliant ainsi à ce manque d'originalité qui fait défaut à tant de formations. L'offrande alterne entre des pistes plus accrocheuses comme "Blizzard" ou"The Pianist of the Darkest Night" et des pièces plus axées sur l'ambiance, telles "Suomi" ou "Rainheart". Cependant, l'un ne va jamais sans l'autre et le mélange entre ces deux aspects est toujours de même, tout en évitant de tomber dans des schémas répétitifs. Les titres nous font le plaisir d'offrir des saveurs très différentes, bien que l'on regrette régulièrement le sous-mixage de la guitare, qui aurait gagnée à être mise un peu plus en avant.
Cette musique raffinée est portée par l'unique voix d'Alexandra, dont le timbre ne fera pas forcément l'unanimité, bien plus grave que nombre de chanteuses lyriques officiant dans le genre. Pourtant, son chant est maîtrisé à souhait et celle-ci parvient à donner une touche d'émotions aux morceaux, comme la très belle "Velvet Night". Réduire les efforts du duo à la simple prestation de la chanteuse est cependant réducteur, car la réussite de Hear Me passe par l'alchimie des divers éléments, tous très justement dosés. Les musiciens se lancent même dans le difficile exercice du titre très long, dépassant les quinze minutes. Mais ce morceau éponyme est un franc succès, passant d'instants très planants, proches de la ballade à des riffs incisifs donnant du corps à la piste. Cette formule est simple aux premiers abords, mais il est difficile de doser les ingrédients pour arriver à ce que le mélange prenne. Dans le cas de Revontulet, aucun problème : tout est pensé pour être prenant, et heureusement, ça l'est !
Ce disque se pose ainsi comme l'une des bonnes surprises de ce début d'année en matière de metal symphonique. Revontulet officie dans des sentiers battus, mais surclasse bon nombre de concurrents par une approche soignée et élégante. Hear Me n'est pas parfait, entaché d'un ou deux morceaux moins intéressants ("Suomi", "Eternal Autumn") et d'une guitare que l'on aimerait plus en avant, mais j'ai l'intime conviction que l'on entendra parler davantage de ce duo dans l'avenir, car il y a ici un talent qui ne demande qu'à rencontrer plus de succès.
La Folle Fougère
Ma note : 7.5/10
