Le heavy metal au charbon
Tournant ensemble en double-tête d’affiche, les deux groupes Volture et Cauldron ont fait une halte dans le squat parisien La Miroiterie pour présenter deux visions du heavy metal, l’une directe et urgente, l’autre plus mystique et éthérée. Une soirée forte en riffs avec une ambiance à la bonne franquette.
Monsieur Marcaille
La soirée est ouverte par concert des plus atypiques : celui de Monsieur Marcaille. Un violoncelliste avec deux grosses caisses aux pieds qui braille du metal. En caleçon. Le concept amuse, mais captive. Les metalleux présents sont médusés devant la prestation anarchique de ce sympathique musicien, qui maltraite les cordes de son violoncelle, en le faisant saturer et sonner parfois comme une guitare à l’accordage fantaisiste. C’est gras et sale, mais c’est plus attrayant qu’Apocalyptica.
Visiblement bien alcoolisé, Monsieur Marcaille baragouine quelques phrases incompréhensibles entre les chansons avant de hurler à la mort à la manière d’un Lemmy dans ses compos. Bien à l’aise devant les metalleux, il reprend du Napalm Death, "Hang the Pope" de Nuclear Assault et finit son concert sur l’intro de "South of Heaven".
Une prestation originale, sale et destructurée, qui en a dérouté plus d’un, mais dans une ambiance bon enfant.
Volture
Passons maintenant au plat de résistance, avec Volture qui donne ici son tout premier concert en France. Dans l’esprit des groupes de bikers, les cinq américains envoient la purée avec une musique teintée de ce sentiment d’urgence et cette spontanéité qui convainc le public dès les premiers riffs. Ici, pas de fioritures ou d’atmosphère à installer, le groupe reste direct.
Au bord de la scène, Jack Bauer se montre bien en voix et très à l’aise dans les aigus. Il interprète à merveille les compos de l’album unique du groupe et reprend sans sourciller les compos sur lesquelles chantait Brent Hubbard. Côté musiciens, on retrouve Ryan Waste, dont on connaissait le talent à la guitare dans Municipal Waste, qui s’en sort à merveille à la basse, complétant ainsi la rythmique puissante du batteur Carlos Denogean.
Côté guitares, Ian Chains de Cauldron tient bien la rythmique et s’intègre parfaitement au line-up musclé, pendant que Nick Poulos s’applique à sortir des solos rapides et concis. Si l’ambiance se veut à la bonne franquette, l’interprétation est bien là et chaque membre est bien en place et assure.
Un peu timide en début de show, le public commence à s’exciter à partir de "Ride the Night" et les moshpits s’intensifient jusqu’à ce que le bazar soit total sur "Brethen of the Coast", provoquant même quelque dommages collatéraux à certains metalleux imprudents. Le fait que le groupe se montre très à l’aise sur scène aide à entretenir l’ambiance énergique installée par ce heavy metal old school et direct.
Le premier passage de Volture en France se solde donc par une réussite. Dans ce squat minuscule qu’est la Miroiterie, les cinq gaillards ont prouvé en trois quarts d’heure que le heavy metal traditionnel n’a pas dit son dernier mot et que le public, s’il ne remplit pas des stades entiers, reste réceptif et fervent.
Setlist :
Rulebreaker
On the Edge
Volture
Ride the Nite
Nightrance
Heat Seeker
Deep Dweller
Heavy Metal Machine
Set the Stage Alight
Brethren of the Coast
Cauldron
Il est temps d’accueillir Cauldron, qui donne ici sa deuxième date parisienne, plus d’un an après son passage aux Combustibles, en ouverture de Black Rainbows. Avec le même temps de jeu que Volture, le power-trio canadien met surtout en avant son dernier album en date, "Tomorrow’s Lost", qui occupe la moitié du set. Si leur musique est assez multiple en ambiances, le groupe a décidé ici de présenter avant tout sa facette rapide, avec l’urgent "End of Time" en début de concert ou "All or Nothing" à la fin.
Le set de Cauldron colle certes à celui de Volture dans l’esprit, mais les canadiens montrent une facette différente du heavy metal au public de la Miroiterie. Si Volture sortait ses griffes dehors avec un metal terre-à-terre, les Canadiens se placent plus dans la retenue, avec un jeu de scène plus étudié et des gimmicks légèrement moins perceptibles. La communication avec le public est aussi présente, mais relativement minimaliste.
Toujours est-il que le talent est bien là, malgré les problèmes de son qui se font ressentir en début de concert, notamment avec la guitare de Ian Chains, qui se rattrape ensuite avec des solos finement exécutés. A droite de la scène, le bassiste Jason Decay fait aussi galoper ses doigts sur les rythmiques effreinés des compos en posant sa voix fragile mais cohérente avec le reste de la musique. Au fond de la scène, Myles Meck bat la mesure énergiquement, sans faire de fioritures.
Le public, moins fourni qu’à Volture, adopte le même comportement qu’au concert précédent. Calme pendant les trois premières chansons, il explose sur l’épique "Fight for Day" avec un pit assez violent par rapport à la musique plus fine du trio. Cette ferveur ne fera que s’intensifier au fur et à mesure que le concert avance, si bien que le groupe est forcé de faire un rappel, au cours duquel il reprend "Die Hard" de Venom, bien suivie par l’assistance.
Deux groupes rares en France ont pu offrir deux visions différentes du heavy metal ce soir à la Miroiterie, l’un direct et urgent, l’autre plus fin et mystique. Cependant, les deux ont fait preuve d’une belle énergie et d’une hargne sur scène, renforcée par la rage d’un public heureux et bien agressif. Une soirée qui montre que la scène heavy en a encore sous le capot.
Setlist :
End of Time
Midnite Hour
Restless
Fight for Day
Rapid City
Tomorrow's Lost
Burning Fortune
Digital Bitch [reprise de Black Sabbath]
Nitebreaker
All or Nothing
Rappel :
Die Hard [Reprise de Venom]
Photos : ©2014 Sofie Von Kelen / Toute reproduction interdite sans l'autorisation du photographe.