Bergen était plus connue pour son coté indépendant par rapport au reste de la Norvège, la ville natale de Kristian Vikernes (qui changera légalement de prénom en Varg quelques années plus tard, c’est sûr un prénom avec le mot christ dedans…). Après avoir quitté Old Funeral, il crée son propre groupe dans lequel il est le seul à jouer. Inspiré par les œuvres de J.R.R. Tolkien, il l’appellera d’abord Uruk-Hai en hommage à l’écrivain pour l’appeler ensuite Burzum, création de Tolkien signifiant les ténèbres.
En 1992, le Comte Grishnackh participa aux incendies criminels de plusieurs églises en bois-debout norvégiennes datant pour la plupart du Moyen Âge. Entre 45 et 60 églises seront incendiées dont 1/3 avaient un rapport avec la scène Black Metal (selon Sjur Helseth, chef du département de la direction de l’héritage culturel). C’est vrai que Varg a très souvent critiqué l’église chrétienne la prenant pour responsable d’avoir détruit ce qui constituait la véritable culture norvégienne, c'est-à-dire l’ère païenne.
Le premier album de Burzum sort donc chez DSP (maison de disque d’Euronymous) avec l’aide financier de Varg. Le EP suivant Aske sort au début de l’année 1993. C’est à ce moment que la relation entre le Comte et Euronymous devient tendue, ainsi qu’entre les groupes suédois et norvégiens officiant dans le cercle du Black Metal. Hvis Lyset Tar Oss (littéralement « Si La Lumière Nous Prend ») est le troisième album du groupe de Burzum. Il fut enregistré en septembre 1992, mais n'a été publié qu'en mai 1994. Sur la pochette est reproduit un dessin de l'artiste norvégien Theodor Kittelsen nommé Fattigmannen (« L'indigent »).
Jusqu’à ce que Varg soit accusé d’assassinat sur Øystein Aarseth (alias Euronymous) le 13 Août 1993 pour des raisons financières, pour une bataille de pouvoir de leadership sur la scène Black ou de légitime défense comme le prétendra Varg dans notre interview : « Excuse ma franchise, mais que sais-tu à ce sujet ? As-tu réalisé que peut-être ce que tu viens de dire n’est pas correct ? ».
Ici point de riffs maléfiques, de cornes ou de pentagramme, Varg joue des mélodes, de l’inspiration qui va au-delà de la violence. Tout n’est qu’ambiance tel un arrangeur du mal qui sait sur quelle mélodie jouer afin d’emmener son auditeur assez loin dans ses pensées, ses rêveries comme sur « Det Som en Gang Var » avant que la rythmique proche de l’Originel viennent ponctuer un passage fait de nappes de synthés. Répétitif mais envoutant, agressif mais mélancolique. Riffs puissants et voix à la limite du décrochage donnent cette violence, cette haine qui est caché au fond d’un Varg qui n’est pas encore passé à l’acte, puisque les titres ont été réalisés en 1992. Cette rage sort à chaque intervention quand il s’époumone jusqu’au sang. C’est simple et pourtant la mélodie du synthé lorgne avec une ritournelle maléfique et cauchemardesque dans un mid-tempo que l’on retrouvera très souvent par la suite dans les compositions classiques de tous les groupes jouant dans le Black Metal, il nous guide vers son univers ponctué de cris, de plainte, de souffrance. Un morceau devenant la pierre angulaire du Black Metal atmosphérique.
Le titre éponyme « Si la lumière nous prend » a ce riff aussi haut que les arbres qui recouvrent les forêts norvégiennes et martèle à l’infini ces riffs glacials, répétitifs, déchirant le peu d’âme qu’il nous reste perdu dans l’esprit du Comte. On reste un peu sonné après cela tout comme sur le rythme endiablé de « Inn i Slottet Fra Drømmen » poussé à son paroxysme.
Les titres se tiennent et se suivent comme une longue BO que l’on prend en pleine face au détour de scènes orchestrées qui s'enchainent dans de macabres découvertes guidées par la voix en souffrance du Count Grishnackh. La production est bien crade, et heureusement car la dépression ne mérite pas la lumière, ni de beauté ou de paillettes.
Non, ici le côté répétitif donne ce sentiment d’aliénation dans un monde de souffrance où la vie est parfois tellement répétitive qu’elle peut engendrer la folie, la dépression, notre perte jusqu’à la lobotomie de tout sens. Finissant par le vide, calme et reposant, les nappes de synthés donnent le ton, une élévation, peut-être une allégorie à la Mort, à la fin de l’être, notre fin. On décolle tout doucement, c’est liquide, aérien, limpide comme le froid, transparent comme la glace. Puis comme des gouttes d’eau qui tomberaient sur un clavier, ces petites notes nous font fermer les yeux dans un bien-être relaxant sur le chemin d’une vie cosmique perdue dans l’univers spectral.
Lionel / Born 666