Conquering Dystopia – Conquering Dystopia

Dystopia est conquise !
 

Parmi les nombreux débats enflammés qui tournent autour de la musique, on en retrouve souvent un où on oppose la technique à l’émotion. L’émotion est d’ailleurs souvent remplacée par un terme fourre-tout qui ne désigne pas grand-chose : le  « feeling ». Ainsi, en musique, une musique technique serait nécessairement sans émotion et vice versa, comme si les deux aspects n'étaient pas compatibles ! De toute évidence, ceux qui avancent ce genre d’arguments n’ont jamais écouté avec attention Jason Becker, Allan Holdsworth, (la liste est longue) ou encore Jeff Loomis.

Justement, c’est ce dernier qui nous intéresse ici, puisqu’il revient avec un nouveau groupe appelé Conquering Dystopia et un album instrumental.  « L’instru’, c’est chiant ! » ? Essayons d’aller plus loin que ce jugement trop hâtif !

Sur le papier, Conquering Dystopia a tout d’un supergroupe bien « markété » comme il faut. On retrouve des musiciens de référence de la scène métal extrême, qui ont tous à leur actif un nombre incalculable de cervicales pulvérisées : Jeff Loomis (ex-Nevermore) à la guitare solo, Alex Webster à la basse (Cannibal Corpse, Blotted Science), Alex Rudinger à la batterie (The Faceless) et Keith Merrow à la guitare rythmique, qui s’est lui illustré avec ses albums solo. Au programme des festivités, un album de métal instrumental sévèrement burné, mélangeant habilement les parcours et influences musicales de chacun des instrumentistes. Les quatre gus sont des tueurs, et ça joue terriblement bien, comme par exemple sur l’implacable « Thetys ».

On peut noter d’entrée de jeu une certaine fraîcheur dans les compositions. Les riffs sont puissants, les mélodies accrocheuses, et enfin, le tout est assez accessible, détail important ! En effet, vous n’êtes pas en face d’un Machinations of Dementia (Blotted Science) ou d’un Zero Order Phase (Jeff Loomis) très denses, bourrés de rythmiques complexes et de gammes biscornues. Non, ce Conquering Dystopia s’apprivoise et s’apprécie beaucoup plus facilement ! A l’écoute, on sent vraiment que les gars se sont avant tout fait plaisir, avec une spontanéité musicale plutôt appréciable, comme sur l’orientalisante « Kufra at Dusk », à mi-chemin entre Nile et Behemoth.
 

Conquering Dystopia, 2014,

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Au niveau de la production, vous vous en doutez, ça ne fait pas un pli, il semblerait donc que la sortie du projet en indépendant n’ait eu aucune conséquence dommageable sur le son de l’album. Les puristes pourront toujours pester sur le fait que l’album n’est, pour l’instant, disponible qu’en digital, ou encore sur le son très moderne de la guitare rythmique assurée par Keith Merrow. Loomis de l’autre côté reste sur la signature sonore qu’il s’est forgé depuis vingt ans, avec  des solos d’une efficacité redoutable et un sens aigu de la mélodie. La section rythmique tenue par les deux Alex est une machine de guerre très bien huilée, même si on peut tout de même regretter que la basse de Webster ne soit pas plus mise en avant dans le mixage ! C’est bien un album de guitaristes ! (sic)

L’accessibilité de l’album est sans doute à la fois sa grande force et sa principale faiblesse. Ainsi, Conquering Dystopia ne propose rien de vraiment nouveau ou surprenant dans son approche musicale, comme le fait Blotted Science par exemple. Mais d’un autre côté, l’album n’a pas cet aspect intello et surchargé qu’on retrouve souvent dans ce genre de métal instrumental et technique. Chaque musicien a marqué cet album de son empreinte, et on n’en retire aucune réelle surprise, car on reconnaît clairement leur patte. Mais Conquering Dystopia reste un album très solide, avec aucune chanson faible ou bâclée. On vous a même concocté une belle ballade avec l’explicite « Lachrymose » et les petits interludes que sont « Doomsday Clock » et « Ressurection in Black » vous reposeront les cervicales entre le reste des chansons plus agressives.   
 

Conquering Dystopia, 2014, chronique, 2014,


En conclusion, on peut dire que Conquering Dystopia a réussi son pari, et d’une manière inattendue en délivrant un album finalement assez léger par rapport à ce qu’on aurait pu attendre d’une telle association. Cet album marque aussi le grand retour de Jeff Loomis, après un Plains of Oblivion en demi-teinte malgré son casting de rêve ! Gageons que cet album plaira aux bons vieux amateurs de guitare instru’ qui ont usé leurs vinyles de Cacophony, mais qu’il pourrait également être une excellente introduction au métal instrumental pour ceux qui souhaiteraient s’initier ! On peut se mettre à rêver, et espérer que le groupe tournera, ce qui paraît difficilement réalisable vu l’emploi du temps chargé de ces musiciens !

Chronique par Tfaaon
 

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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