Les filles mènent la danse !
Qu'on le veuille ou non, le Japon possède aussi son « metal à chanteuse » : Onmyo-Za, Blood Stain Child, Eleanor, Destrose, Magistina Saga, Aldious, Liv Moon, Doll$Boxx, Head Phones President, Gacharic Spin, Area51, Light Bringer, Fruitpochette, Ancient Myth et les indémodables Babymetal, pour ne citer que ça … ce qui fait déjà beaucoup, c'est à dire assez pour vous cultiver et vous intéresser à tout cela. Et dans cette masse, j'oublie bien sûr l'un de mes préférés : Cyntia. Cinq jeunes filles semblant trop petites pour porter leurs instruments, mais qui manient pourtant ceux-ci comme il faut ! Leurs deux précédents opus sont là pour en témoigner par leur qualité. Travailleuses, les musiciennes reviennent cette année avec leur troisième album en l'espace de … trois ans. Quand on vous disait que le Japon était un terreau fertile aux musiciens productifs.
Qu'est-ce qui permet donc à ces jeunes femmes de sortir du lot ?
Un sens inné de la composition accrocheuse. C'est une composante qui paraît toute simple aux premiers abords, mais arriver à doser les ingrédients avec assez de justesse pour obtenir un mélange assez savoureux sans devenir indigeste n'est pas à la portée de tout le monde. Assurément, bien des cuisiniers peinent ainsi à s'offrir une crédibilité en échouant dans un exercice qui est pourtant crucial. Après tout, quoi de pire que de servir une galette fade, sans goût, sans rien d'excitant ? Même les plats aux saveurs les plus infectes marquent davantage la mémoire que ceux-ci, c'est pour dire ! Hors, les japonaises sont de véritables petits cordons bleus. Elles ont le secret de l'assaisonnement, et, grâce à cette expérience, mijotent des amuses-bouches qui font envie. C'est, justement, à ces petites touches simples, mais tellement inventives, que l'on peut séparer le bon grain de l'ivraie. Quelle est la recette miracle de Cyntia, qui donne un arôme si attirant que l'on souhaite y goûter à chaque fois avec plus de plaisir ?
Sans doute cette cohésion qui offre cette texture ferme aux compositions.
Pas une seule fois, on ne va s'ennuyer avec Limit Break. L'enrobage est crémeux, doux, et à la fois très épicé, ce qui surprend au premier abord. Ces cuisinières nous font des mélanges sucré-salé auquel on y rajoute un peu de piquant. Le power metal des nippones est souvent composé d'un même atout qui détonne en bouche : celui-ci se nomme refrain percutant. Les pistes restent en tête grâce à la puissance de ces pierres angulaires, toutes mieux préparées les unes que les autres. Dès « Senkou Strings », on sait que l'opus nous réservera de très bonnes surprises. Ce titre est un très bon exemple pour savoir ce qui nous attend. Section rythmique carrée, énergie débordante, mélodie imparable, et, bien sûr, point d'orgue parfait.
Sans doute cette voix si généreuse.
Il est bien beau de savoir faire du refrain qui déménage, encore faut-il que ceux-ci soient interprétés de la meilleure façon possible. C'est chose faite avec Saki, la frontwoman charismatique, ingrédient à la saveur modulable selon la température de cuisson. Quand vous la préparez avec du piment à six cordes ferme et au goût puissant, elle adapte parfaitement son registre à celui de ses consœurs végétales, pour que votre soupe soit bien relevée. En revanche, couplée à du chocolat comme sur « Plant » ou « Shion », il en résulte un petit goût de miel de fleur très agréable. Les risques sont pourtant élevés avec les pâtisseries sucrées, qui peuvent très vite écœurer. Mais les maîtres, eux, offrent un dosage impeccable, une combinaison remarquable. Quelques morceaux plus croquants donnent de la texture à « Shion ». Ces petites douceurs sont conseillées à la consommation, approuvée par un jury d'expert. Et tout cela grâce à Saki.
Sans doute cette façon de changer de formule.
Cyntia n'est pas une bande de petites apprenties amateurs, ce serait les sous-estimer. Ces maîtres des fourneaux sont capables de faire des plats simples comme gastronomiques, et régaler les palais difficiles. Pour faire preuve d'audace et d'inventivité, remporter un concours Top Chef en racontant une histoire plutôt que d'amuser la galerie en faisant seulement un bel enrobage pour un résultat décevant, les jeunes filles se lancent dans la création d'une œuvre de presque dix minutes, prouvant une chose : les charmantes japonaises sont tout à fait en mesure de tenir la route sur un titre de longue durée, et ne se contentent pas seulement d'un format single. Le talent est réel tant l'ensemble est stable et ne connaît aucun creux. « Limit Break » est une piste de haute volée, qui vole dans les plumes des détracteurs de girls-band dans le metal.
Une chose est sûre, Limit Break donne envie d'y retourner.
On retourne, on triture, on goûte, on se ressert, et on ne peut plus se passer de cette offrande. Contenant onze pistes d'excellente facture et pas loin d'une heure de pur plaisir, Cyntia se place parmi les meilleurs espoirs du Japon, tant la réussite est le maître mot pour qualifier cette nouvelle mouture. « Senkou Strings », « Karma », « Night Flight », tant de morceaux de choix, qui ne sont que quelques uns dans ce gâteau où chaque part a un goût exquis. Le quintette est un acteur plus que crédible de cette scène, et passer à côté à cause des préjugés serait une erreur monumentale. A découvrir sans plus tarder.
La Folle Fougère