Je sais, voir cet album chroniqué sur des pages concernant le metal peut sembler assez bizarre. Mais remettons les choses dans leur contexte : à l'instar d'autres artistes ayant réalisé des œuvres hors de leur genre privilégié (on pensera à Liv Kristine, ou Anneke Van Giersbergen), Kari Rueslåtten est aussi ancrée pour beaucoup dans la culture de notre style musical préféré. Souvenez-vous donc de The 3rd and the Mortal, l'un des précurseurs du « metal gothique à chant féminin ». Voilà, cela fait tilt dans votre esprit ? Parfait. Notre chanteuse norvégienne, désormais bien lancée en solo et n'ayant pas à rougir de la qualité de ses œuvres, a fait une pause de dix longues années entre sa précédente réalisation longue durée (Other People's Stories) et sa nouvelle offrande, Time to Tell. Pochette sobre montrant une femme aux traits plus matures, changement de label, que nous réserve cette cuvée 2014 ?
L'opus est, évidemment, très centré autour du chant de Kari Rueslåtten. Ce qui semble tout à fait légitime depuis que la vocaliste scandinave s'est décidée à voler de ses propres ailes. Et, pour obtenir la recette du succès et charmer de son timbre angélique, l'artiste nous offre un cadre intimiste et relaxant, porté surtout par une musique acoustique. Comprenez ici que la sobriété, la simplicité sont les maîtres mots qui définissent le cadre dans lequel l'auditeur sera plongé en lançant l'écoute de Time to Tell. Amoureux du metal, des grosses guitares et du chant guttural, n'attendez pas une seule seconde à voir l'héritage de la somptueuse nordique ressortir pour vous chatouiller les oreilles. Le style est pop, doux, et vos oreilles seront caressées par la légère brise matinale. Cela dit, un peu d'ouverture d'esprit et le tour est joué : le chant de notre frontwoman fera le reste, tant il est charmeur. Les capacités vocales de Kari ne sont plus à prouver depuis belle lurette et, une fois de plus, l'interprétation de la dame est un ravissement pour les oreilles, tant elle chante avec sensibilité, démontrant sa forte capacité à transmettre des émotions et à nous faire voyager.
Ceci dit, j'avoue avoir légèrement menti. Le passé de l'époque The 3rd and the Mortal est bien présent dans Time to Tell, se traduisant par une version épurée de « Why So Lonely? », tirée de l'excellent Tears Laid in Earth, interprétée de surcroît avec l'accompagnement au piano de Tuomas Holopainen (Nightwish). Le morceau est identifiable tout de suite, par sa mélodie qui n'a rien perdu de sa qualité d'antan. Cette nouvelle version reste fidèle à l'originale, et ne dénote nullement. C'est léger, c'est planant, tout ce que l'on attend de Kari y est. Maintenant, la seule présence de cette piste ne suffit pas à dire que la livraison vaut la chandelle. Ni même le timbre de la chanteuse. Ce serait beaucoup trop simple de résumer toute l'offrande à ce fait. Les mélodies sont elles suffisamment accrocheuses pour en faire un disque d'anthologie ? Les pistes fonctionnent elles aussi bien que cela indépendamment les unes des autres ?
Une artiste Karismatique.
Malheureusement non. Time to Tell a beau posséder un charme qui lui est propre et une atmosphère agréable, le disque ne sera pas non plus exceptionnel et reste marqué par quelques défauts gênants. Si les titres sont bien écrits, on ne peut que déplorer une certaine homogénéité qui nuit cruellement à l'immersion. En réalité, une bonne partie des airs s'oublient aussi vite qu'ils ont été écoutés suite à cet encombrement peu réjouissant. Certes, l'ensemble est mignon et rafraîchissant, mais toutes les pistes ne sont pas mémorables. On écoutera avec plaisir la trop courte « Time to Tell » (qui aurait bien mérité quelques minutes supplémentaires), « Paint the Rainbow Grey », la bien connue « Why So Lonely » ou la perle du disque « Wintersong », qui constituent de véritables moments forts. A part cela ? Ce n'est pas ennuyeux, mais les autres titres manquent de cette étincelle qui transforme une mélopée sympathique en moment de grâce. Conséquence de cela, la mouture s'écoute non sans plaisir, mais on ne reviendra pas forcément dessus tous les jours, sauf en sélectionnant soigneusement les morceaux.
Kari Rueslåtten nous offre un beau moment de détente mais qui aurait mérité peut-être un peu plus de soins, surtout après dix années d'absence discographique. Cela dit, les amateurs de chansons calmes et reposantes peuvent se précipiter sur les meilleurs moments de ce disque, qui reste finalement agréable. Et entendre la belle voix de la chanteuse norvégienne est toujours plaisant, au fond. On attendra seulement plus d'efforts la prochaine fois.
Note finale : 6,5/10