Toi, là, qui chasse le pangolin au fin fond de la Malaisie, arrête tout ! Viens plutôt par ici, on va parler de metal symphonique. Forcément, là, t'as envie d'en savoir plus. Normal, quand on parle de gros chœurs, de voix féminines envoûtantes, de sonorités épiques, ça fait rêver. Alors maintenant que t'as l'eau à la bouche, cher lecteur, laisse-moi te présenter Silent Opera. Oui, rien qu'au nom, on devinait déjà vers quoi la musique allait s'orienter. Faut dire qu'on s'attendait pas non plus à du grindcore mais c'est un détail. Seconde sortie de ce groupe français (oui, ils viennent de chez nous en plus), il aura fallu quatre années pour obtenir une suite à Act One, très apprécié dans nos pages. Mais ce délai est justifié par une marque de reconnaissance qu'est la signature sur le label allemand Massacre Records ! Tu veux en savoir plus sur Reflections et son contenu ? La suite des aventures se trouve quelques lignes en dessous !
La formation hexagonale peut se targuer de proposer des compositions complexes, qui demandent de nombreuses écoutes et un approfondissement nécessaire afin d'en saisir toutes les nuances et toute la richesse. Bref, c'est pas du vite torché, mal foutu cette histoire. On y découvre un groupe qui travaille énormément ses morceaux. Une grosse mention spéciale par ailleurs à la guitare, dont le travail est impeccable, très varié et n'hésitant pas à asséner des riffs bien plus puissants qu'à l'accoutumée pour que le résultat n'en soit que plus énergique. Une façon d'appréhender la musique qui n'est pas sans rappeler les dernières moutures des néerlandais d'Epica, tenor du genre et inspiration pour de moult petits nouveaux. Évidemment, les similitudes avec ce grand nom sont palpables sur certains aspects : alternance chant féminin et growl, écriture de pièces plutôt longues, certaines mélodies de Silent Opera n'auraient pas été reniées par la bande à Simone et Mark. Pour autant, nous serons loin de parler de plagiat ou de copie, car le combo affiche des différences qui évitent de tomber dans ce piège si facile mais Ô combien tentant. Pas de chœurs, pas de côté pompeux, l'aspect plus progressif des bayonnais leur permet de se construire un univers.
Pour autant, l'enthousiasme est mitigé car, en dépit de toutes ces belles qualités, Reflections n'est pas non plus un chef d’œuvre. Le groupe est plein de bonnes intentions et les idées sont présentes, mais l'exécution ne suit pas toujours. Preuve en est par le morceau d'ouverture « Nightmare Circus », se voulant riche, mais sur lequel les plans successifs ne s'accordent pas très joyeusement entre eux. On se retrouve donc en présence d'un résultat en demi-teinte, où se côtoient de très belles choses et d'autres qui méritent d'être retravaillées. Si ces apports en complexité ne sont pas mauvais, ils desservent parfois des morceaux qui gagneraient bien plus à s'épurer et à faire preuve de plus de simplicité. « Fight or Drift », par exemple, est garnie d'un jeu de guitare intéressant, de claviers discrets mais néanmoins essentiels, mais, surtout, d'un côté syncopé qui rend la composition désespérément plate. Tous les ingrédients sont là pour que l'ensemble décolle, seulement, il ne suffit pas de tous les mélanger et d'attendre que le produit final soit bon. Il faut savoir les préparer, et sur ce point, c'est un échec cuisant. Le point de non-retour est atteint sur la ballade « Chronicles of an Infinite Sadness », écrasante de platitude, et constituant de loin le moins bon moment de l'album.
Quand le groupe applique mes conseils (voyez comme je suis modeste ?), le résultat y est bien meilleur ! « Dawn of the Fool » est un morceau de choix, où le refrain est entêtant, les instruments maniés comme il le faut, en y apportant cette touche technique qui prouve le bon niveau de Silent Opera ET cette efficacité tant attendue. De plus, le duel que se livrent Laure et Steven est bien exploité dans le cas présent. Car sur ce point, les français restent parfois un peu trop prévisibles. Les ficelles sont presque systématiques quant à l'utilisation des voix, entre le calme réservé à la chanteuse, et les parties agressives, où le growl fait son affaire. Plus d'audace, que diable ! Il y a pourtant des capacités vocales de la part de chacun des intervenants.
Reflections contient de bons moments (« Dorian, « Dawn of the Fool » et l'intense « Sailor, Siren and Bitterness » dotée de onze longues minutes), mais les bonnes idées ne sont pas encore suffisamment bien exploitées. Tout est dans les mains de Silent Opera pour réaliser un très bon disque, qui dévasterait tout sur son passage, et donnerait même des cheveux blancs à une certaine rousse que beaucoup ont intronisée comme reine du milieu. Mais il y a encore du travail à accomplir pour que toutes les bonnes choses soient bien agencées, et la formation incontournable. Gageons qu'à la prochaine tentative, les six français auront appris de leurs erreurs et que la baffe monumentale arrivera !