Metal fantomatique
Tom G. Warrior est de retour avec Triptykon et sort son deuxième album avec ce groupe : Melana Chasmata. Finement arrangé et composé avec génie, ce disque plonge l’auditeur dans une ambiance sombre et fantomatique. Cependant, le groupe arrive à faire varier les déplaisirs en un peu plus d’une heure et offre ainsi un disque cohérent, fin et relance l’intérêt à chaque piste. Du grand art.
Enfin, Triptykon est de retour. Il a fallu quatre ans aux Suisses pour sortir le successeur d’Eparistera Daimones, album marquant et marqué par l’identité musicale de Tom G. Warrior qui a su mener la barque avec talent après avoir laissé tomber Celtic Frost, légendaire groupe de metal extrême avec lequel il a eu de nombreux succès et inspiré de nombreux successeurs, dont Obituary et Therion (entre autres).
C’est donc au printemps 2014 que le sombre et inspiré Melana Chasmata voit le jour. Situé dans la lignée du premier album, il n’est pas une suite bête et méchante. En effet, Triptykon a eu l’intelligence de varier les ambiances et les émotions au fil des neuf titres. On retrouve ainsi une ambiance occulte sur "Altar of Deceit" et "Demon Pact" pour passer à l’agressivité pure sur "Breathing", avant de planer avec "Aurorae" et de se recueillir sur l’endeuillée "In the Sleep of Death".
Les émotions varient, mais cela ne veut pas dire pour autant que l’album est un patchwork incohérent de titres piochés au hasard. Tom G. Warrior décrit cet ensemble comme "un déroulement naturel qui a un sens". Le fil conducteur est formé par les ténèbres qui traversent le disque de part et d’autre. Déclinées en neuf variations, elles sont toujours présentes et constituent une ambiance très immersive pour qui veut bien s’y aventurer. Cependant, l’album nécessite une écoute attentive et une mise en situation particulière pour être pleinement apprécié.
En effet, si l’ambiance ne rend pas l’ensemble facile d’accès, le groupe prend aussi un malin plaisir à finement arranger ses compos. Les deux guitares de Tom G. Warrior et V. Santura se superposent, dialoguent et se complètent à merveille. Aucun des deux ne cherche à briller, chaque solo, chaque phrase, chaque note est pensée pour servir le propos. La basse lourde et rugueuse de Vanja Slajh donne du corps à l’ensemble pendant que Norman Lonhard fait résonner ses toms avec force et finesse, et offre ainsi une variation intéressante de rythmes.
Si Tom G. Warrior a l’habitude de fonctionner avec une deuxième voix depuis Celtic Frost, il se retrouve ici avec une troisième, celle de Vanja Slajh, qui vient poser son timbre fragile sur "Boleskine House" et "Waiting". Ce ménage à trois offre de nouvelles possibilités au groupe et une certaine profondeur à l’ensemble. L’interprétation de chacun est réglée au cordeau. Tom G. Warrior, toujours le chanteur principal, sait se montrer rageur, inquiétant, solennel ou triste, surtout sur "In the Sleep of Death", où V. Santura sait faire éclater sa colère en lui répondant.
A la croisée des genres et des mouvances extrèmes, quelque part entre le doom, le death, le black et le thrash, Triptykon suit son propre chemin, faisant fi de toute ambition et de modes et livre ainsi un album sincère et soigné. Son ambiance sombre sans concession et ses compositions aux structures inhabituelles pourront en rebuter certains, mais sauront convaincre ceux qui ont l’esprit aventureux. Une œuvre complète et intègre.