Les liens du Black Circle n’avaient rien d’une idée en l’air… Ihsahn dans une interview dira « j’ai entendu parler des incendies d’églises aux informations. Et puis, je suis allé voir Vikernes qui m’a dit : « tu as vu, j’ai brûlé une église ! » et il m’a montré les photos. Je ne sais pas s’il les a montrées à tout le monde, mais je ne crois pas qu’il soit resté très discret là-dessus. C’était impressionnant, c’était très mal d’avoir brûlé une église, si on réfléchit. Je pense que j’étais assez enthousiaste parce que j’étais assez attiré par des idées antichrétiennes dont on avait parlé. J’ai toujours des points de vue antichrétiens mais pour d’autres raisons. Je pense que c’est une évolution normale. » Et parlant de la scène Black Metal : tout le monde était très inspiré et pensait « moi aussi, je veux faire un truc comme ça ! »
Bien sûr l'album est dédié à la mémoire d'Euronymous de Mayhem, mort assassiné par l'unique membre de Burzum, Varg Vikernes. L'album est sorti le 21 février 1994 sous le label Candlelight Records.
Et lorsqu’on interroge Samoth « je crois que l’idée d’aller brûler des églises m’est venue grâce à une allusion qu’a faite Vikernes dans une lettre. C’était en 1992. Un peu plus tard, on m’a montré des photos de ruines d’élises brûlées au magasin Helvete. » Et plus loin un peu comme Varg il dit en parlant du christianisme « on ne peut contrôler la nature ! Nous ne sommes que de la poussière cosmique de l’univers… Le christianisme et les autres religions monothéistes sont des systèmes de croyance corrompus et destructeurs,… »
Avec In the Nighside Eclipse, Emperor rentre dans une autre dimension, il s’installe dans un trône majestueux. Complexité, symphonique et doté d’une production grandiloquente.
Richesse dans les titres, riffs multiples, diversité des ambiances, « I Am the Black Wizards » est doté de passages calmes et agressifs. Chaque titre est cinématographique, emportant ou plutôt dévastant tout ce qu’on avait connu jusqu’à présent. Le chant bien qu’agressif et haineux est travaillé avec intelligence et finesse, notamment sur les breaks, afin d’assoir son style. Emperor installe véritablement sa marque de fabrique avec cet album. Considérés comme les petits nouveaux de l’époque ils cassent les idées préconçues, explosent le côté simpliste et se lancent dans une course contre la montre dans la dextérité (« Inno a Satana ») où même des chants clairs font leur apparition dans cette musique redoutée. Il faut dire qu’Emperor possède cette facette progressive que ne quittera jamais Ihsahn tout au long de sa carrière. Théâtralisation, finesse des propos, calculs mathématiques, complexité, chaque note s’entraine dans des rouages complexes d’une musique agrégée de nappes de synthé qui structurent tel des chants lointains une implication douteuse vers le malin. La batterie de Faust s’emballe au-delà du raisonnable. Il n’a rien à envier à Hellammer (tiens encore lui) dans la complexité de son jeu.
Emperor c’est du solide, de la puissance, « Beyond the great vast forest » : des contre-rythmes, de la monté d’adrénaline, des virements de situation. Les musiciens nous bousculent, nous renversent dans une magnificence malsaine. C’est de l’art, qui n’a pas le droit à l’approximatif. Et ensuite les synthés, force d’accrochage à un déroulé de noirceur, marque de fabrique des norvégiens, riches de changements de tons, de rythmes et d’ambiances. La preuve : « Into the infinity of thoughts » a dû influencer toute la seconde vague du Black Metal à commencer par la retranscription pure et simple d’un esprit : celui que l’on retrouve dans les premiers Dimmu Borgir ou Cradle of Filth (ce dernier méritant encore d’être cité pour ses premières œuvres) mais malheureusement pour eux sans jamais pouvoir les égaler, si ce n’est justement par l’abus de l’utilisation des claviers.
« Cosmic keys to my creations & times » montre à nouveau le talent exponentiel des musiciens, qui ne se perdent pas en palabres et foncent vers les clés d’une solution que seuls eux maîtrisent et comprennent. Tels des étudiants devant un maître de conférence, on est rapidement lâché, subjugué, perdu et on n’anticipe pas encore la leçon qu’on devra relire, puis relire à nouveau. Une langue inconnue doit s’apprivoiser, se reconnaitre, se travailler. Quelle matière que le Black Metal !! Elle devrait être enseignée en Faculté.
Sur le break de « Majesty of the nightsky », la voix d’Ihsahn est travaillée dans sa façon d’accrocher chaque syllabe donnant plus de force au propos. Chose dont tous les groupes s’inspireront par la suite, suivront des riffs qui tombent comme des grêlons ou encore « The Burning Shadows of silence » encore plus violent, plus sombre alourdi par ses chœurs/ synthés.
« Towards the Pantheon » est majestueux : intro millimétrée, dessinant les contours de cette musique inégalable, décuplant chaque attaque par des riffs démesurés de Samoth et d’Ihsahn et déchirant le cosmos d’une voix poussée dans des retranchements suraigus…
Ce chef d’œuvre du Black Metal n’a rien perdu aujourd’hui de sa grandeur. Œuvre avant-gardiste réalisée par des musiciens de génie. Devaient-ils être possédés pour arriver à un tel savoir faire méticuleux où aucune aspérité dépasse de chaque note ?
Lionel / Born 666
© Certains propos sont tirés d’interviews du magazine Slayer, COTIM ou de l’ouvrage Les Seigneurs du chaos
PS : A retrouver dans deux mois au Hellfest pour un show spécial fêtant les 20 ans de cet opus !