Tu pensais en avoir ton compte avec le metal symphonique, petit lecteur innocent ? Que j'allais te lâcher la grappe aussi vite ? Que tu es naïf, j'aime cela. Mais est-ce ma faute si les sorties se multiplient dans le genre et qu'il y a toujours matière à en parler ? En bien, ou mieux encore, en mal, parce que c'est plus drôle de faire des chroniques négatives. Autant dire que, parfois, ça ne me fait pas rire du tout d'écrire. Trêves de plaisanteries. Assieds-toi bien confortablement, et écoute donc Herons, nouvel album des petits italiens d'Evenoire. Oui, au nom, on ne dirait pas que ce sont des mangeurs de pizzas et de spaghettis bolognaises. Et pourtant ! Le disque, donc, de son petit nom d'oiseau (notez le trait d'humour), va avoir la très lourde tâche d'imposer notre combo comme un acteur crédible de la scène. Mission impossible, qu'on me souffle dans l'oreillette ? Ne jugez donc pas avant d'avoir écouté, mes braves. Qui sait de quoi ils sont capables.
Laissez au placard vos petites mines déconfites et vos airs blasés. Le genre musical qui nous intéresse ne se résume pas uniquement à Nightwish et à ses clones, et ces cinq petits troubadours nous le prouvent dès la première (vraie) piste d'Herons, nommée « Drops of Amber ». Et que dire, si ce n'est que le morceau est rafraîchissant ? La composition est énergique, très justement dosée entre la testostérone des guitares et la douceur d'une flûte mêlée à des sonorités orientales légères. Et ce titre, couillu sans trop l'être, folk juste ce qu'il faut, est embelli par le chant de Lisy Stefanoni qui sort des carcans lyriques ou pop que l'on connaît si bien. Oui, il faut bien reconnaître que cette entrée en matière nous laisse sur une excellente impression. Purée, tiendrait-on enfin une formation qui vaut la peine d'être suivie et encouragée ?
Mais comme il est de bon ton de critiquer un peu lorsqu'on écrit une chronique, passons d'emblée vers les quelques défauts qui parsèment cette œuvre. Et l'un d'eux concerne la personnalité d'Evenoire, qui commence à trouver ses marques grâce à la puissance de sa musique et aux apports folks très intéressants, mais se doit encore d'être creusée. Car sur certains points, tranchant des grattes notamment, il n'est pas difficile de penser à feu After Forever. Vouloir reprendre le flambeau laissé par l'un des meilleurs groupes du metal symphonique n'est pas forcément une mauvaise idée mais les italiens vont devoir fournir encore quelques efforts supplémentaires pour s'en démarquer. D'autant plus que la couleur du chant de Lisy est très proche de celle de Floor, tout en faisant heureusement attention de ne pas copier celle qui est sûrement une inspiration majeure pour la demoiselle. Ensuite, un morceau est légèrement moins bon que les autres : « When the Sun Sets », où la ligne de chant est un peu hachée sur les couplets et ainsi perd en harmonie avec le titre, qui tente de se développer mais reste un poil mou du genou. Les idées sont là mais il est difficile d'être captivé car tout ça reste un peu trop brouillon pour convaincre.
Mais ne partez pas suite à ce paragraphe, chers amis ! Non, car Herons reste tout de même de bonne facture, loin des clichés du genre, combinant puissance et douceur dans des pièces très réussies. Prenez « Tears of Medusa », par exemple. Une invitée de choix (Linnéa Vikström de Therion) à la voix s'accordant parfaitement avec la frontwoman d'Evenoire, une construction bien fignolée laissant une belle place à la puissance sur le refrain, il en faut peu et pourtant, tout fonctionne à merveille ! Ce qui n'est pas un exploit vu que cette prouesse (sans guest, en revanche) est répétée plusieurs fois. « Love Enslaves », par exemple, est un peu différente, jouant plutôt sur une atmosphère intrigante pendant six minutes qui ne se perdent jamais en longueur. Les idées sont bien en place, le groupe a voulu délivrer un morceau un peu plus recherché et il faut bien admettre que c'est très réussi. Sur « Season of Decay », Lisy n'hésite pas à pousser sur son chant pour montrer qu'elle possède de la puissance et du coffre. On ne peut que l'encourager à se lancer davantage dans cette voie où elle possède un véritable potentiel qui ne demande qu'à être maximisé ! La jeune chanteuse sait nuancer son interprétation comme il faut, ce qui rend « The Lady of the Game » très agréable à l'écoute.
Une piste un peu faiblarde pour un second opus qui place la barre haut, voilà ce que l'on pensera de ce Herons ! Evenoire est une formation possédant du talent et de la patate, qui ne demande qu'à approfondir certaines qualités pour se démarquer pleinement et sortir de l'ombre d'After Forever. Grâce à un rythme soutenu, des apports folk offrant un petit vent de fraîcheur, une lady polyvalente et à la maîtrise technique bien présente, le combo italien a plus d'un atout à faire valoir ! Amateurs du genre ou curieux de passage, ne laissez pas filer cette offrande qui vaut le détour.
En définitif, Herons est prometteur. Sans parler d'originalité, une vraie indentité se construit autour de ce groupe. Sans compter le guest prestigieux que le quintette a fait apparaitre sur cette modeste galette, Evenoire promet de faire parler de lui pour encore quelques années.
Tracklist
01. Herons
02. Drops Of Amber
03. Season Of Decay
04. Love Enslaves
05. The Newborn Spring
06. When The Sun Sets
07. Tears Of Medusa (feat. Linnéa Vikström)
08. Devil's Signs
09. The Lady Of The Game
10. Wild Females
Sortie : 15 Avril 2014