Rangez vos grand-mères, les Belges d'Aborted sont de retour avec un manifeste qui s'annonce sanglant. Deux ans après Global Flatline, la bande de Sven de Caluwé (désormais seul membre d'origine de la formation) revient asséner son Death Grind aux fans du genre avec la puissance d'un buldozer.
La violence de la pochette illustre ici à merveille le propos de nos voisins du Plat Pays, annonçant un choc auditif qui ne laissera personne de marbre.
L'album s'ouvre sur un bruit de pelle en train de creuser une tombe, accompagné d'une musique malsaine ("Six Feet of Foreplay") plongeant immédiatement l'auditeur dans l'univers du combo, musicalement proche d'un Benighted, bien que les textes arborent une thématique plus axée sur le gore. Dès les premières mesures de "The Extirpation Agenda" Aborted nous montre de quelle violence il est capable, assénant des riffs d'une puissance monstrueuse, portés par la voix porcine de Sven. Le martèlement de la batterie est d'une précision chirurgicale, bien que les trigs soient trop marqués par moments.
La force de cet album est qu'Aborted réussit ici à composer des chansons (sans que ce terme soit péjoratif) et évite plutôt bien le fourre-tout, piège inhérent à ce type de musique. Les riffs se succèdent intelligemment entrecoupés de soli remarquablement exécutés ("An Enumeration of Cadavers", "The Davidian Deceit", "Chronicles of Detruncation"). Danny Tunker et Mendel Bij de Leij, les deux guitaristes du combo, font preuve d'inventivité et sortent les grands gagnants de ces 42 mn de brutalité, sachant allier mélodies (oui oui, le brutal death peut être mélodique) et technique.
Au contraire de la guitare, il est dommage de ne pas entendre mieux la basse de JB Van Der Wal, en permanence recouverte par la batterie et le chant de Sven. Les interludes sous forme de dialogue entre les morceaux permettent d'aérer un peu le propos, tout en évoquant une trame narrative malsaine, avant d'asséner une couche supplémentaire de blast et de violence (l'introduction de "Your Entitlement Means Nothing" risque d'en faire bondir plus d'un). Aborted ralentit rarement le tempo, excepté sur l'unique titre en flamand "Die Verzweiflung", sur lequel les guitares jouent sur une rythmique basée sur des harmoniques artificielles. Ce titre étonnant permet de faire une légère pause et de rompre la monotonie. Malheureusement, le chant de Sven reste essentiellement dans les même registres (là où Julien Truchan de Benighted parvient à varier le propos) et peut s'avérer fatiguant à la longue, de même que les parties de batterie trigguées qui sonnent trop artificielles.
Il est certain qu'un tel disque est taillé pour la scène et risque de faire des blessés dans les fosses, surtout sur les titres les plus courts et directs ("Purity of Perversion", "Necrotic Manifesto") à l'efficacité redoutable. On imagine déjà les circle pits sans pitié sur des morceaux qui ne feront pas tache à coté de ceux de Goremageddon (l'album le plus plébiscité par les fans du groupe).
Aborted a su composer un album efficace et de qualité, malgré des choix de production discutable (trigg de batterie trop marqués, voix monocorde et sur-mixée). Les 42 minutes que durent ce Necrotic Manifesto nécessitent de nombreuses écoutes pour comprendre les structures des compositions de l'album. Il aurait peut-être été judicieux de réduire le nombre de morceaux afin de ne pas lasser l'auditeur, qui après près de trois quart d'heure d'une telle violence, risque de ne pas se relever. On vous aura prévenu!
Note : 8,5/10