Henrik Danhage, guitariste de Death Destruction

"Ce qu’on a voulu faire, c’est vraiment quelque chose d’honnête pour nos fans et pour nous"

Fraichement de retour dans les bacs avec II, Death Destruction vient apporter un peu de groove à ce printemps 2014 riche en albums. A cette occasion Henrik Danhage, guitariste de la formation, s'est prêté au jeu de l'interview et nous a présenté son dernier bébé. L'occasion d'en savoir un peu plus sur cette formation suédoise qui fête déjà ses dix ans, mais aussi sur sa vision de la musique et bien d'autres choses...

Merci Henrik pour cette interview. On va commencer avec une question très simple. A quelques jours de la sortie de II, comment te sens-tu ?

Bien, très bien, aujourd’hui c’est une belle journée, pas de pluie, j’adore Paris quand il y a du soleil (rires). Et à propos de l’album, depuis qu’il est terminé et qu’on connaît sa date de sortie, je vais toujours bien !

C’est un peu pour ça que je te pose cette question. Votre premier single "Money, Blood, Crusifixius" a été révélé en mai 2013 et en même temps, vous avez annoncé la sortie de l’album pour octobre 2013. Il sort finalement en avril 2014

Ouais, ouais… ça traduit un peu le genre d’idiot que je peux être. Quand tu composes un nouvel album, que tu travailles plusieurs heures par jour, que tu fais tout pour le sortir vite... Ouais c’est ça le plus drôle, on a tout fait pour le faire naître rapidement et finalement on a pas arrêté de le repousser. Et puis il y a ton vaisseau mère qui te regarde, ton label, Sony, auprès duquel tu t’es engagé. Quand tu fais un album avec un esprit rock’n’roll comme le notre t’as envie que ça aille vite, mais quand un label comme Sony te soutient, alors tu dois aussi t’engager et prendre ton temps. Notre premier album  a fait "boom" et nous a ouvert de nouvelles portes et là tu te dis "allez on y va". Mais bon, je suis soulagé que ce putain d’album sorte enfin. Après être resté presque un an derrière un ordinateur à s’occuper du mix, je me sens beaucoup mieux aujourd’hui et les autres gars aussi.

Henrik Danhage, Death Destruction, II, Groove Metal

A propos de tes confrères, il s’agit du premier album avec Tony « JJ » au chant, arrivé en 2012. Aucun regret ?

Non, absolument aucun. Je l’avais rencontré lors d’un voyage mais je ne saurai plus te dire quand et c’est devenu un excellent ami, il n’y a eu aucun problème pour le faire venir et aujourd’hui, il n’y a pas d’inquiétudes à avoir par rapport à son investissement. En fait c’est repenser au moment on a eu besoin de lui qui me dérange, je veux dire, on est quatre, on a fait un bon album à quatre, on a envie de continuer et on ne peut pas se permettre de perdre du temps parce qu’un des gars s’est barré et que ce gars nous a fait annuler plusieurs dates. Pour recruter Tony, ça s’est fait tout naturellement. On a eu la chance de recevoir plusieurs candidatures, beaucoup de chanteurs ont envoyé leurs démos ou  leurs clips sur Youtube mais après trois-quatre chansons avec lui, on s’est rendu compte qu’on voulait Tony et personne d’autre.  Il nous a permis de faire ce que l’on voulait faire : évoluer par rapport à notre premier album. Il apporte quelque chose de beaucoup plus puissant dans le chant que par le passé. On avait besoin de quelque chose d’autre pour II, d’une sorte d’impact.

Tu sembles garder une certaines rancœur envers Jimmie Strimell qui a préféré se concentrer sur Dead By April, groupe qu’il a quitté un an plus tard… Que s’est-il passé ?

C’est pas vraiment de la rancœur. Jimmie a pris de mauvaises décisions. On était amis depuis longtemps, on savait qui il était, son caractère… On a tous nos problèmes personnels, c’est humain. Mais il y a un moment où on attend quelque chose de toi. Au début de l’été 2012 on a fait deux festivals qui se sont très mal passés. Jimmie n’était pas du tout grand, il n’était pas du tout bon dans son comportement, on a laissé tomber. Je ne vais pas m’étendre sur les détails c’est le passé et honnêtement ce qui s’est passé avec Dead By April, je m’en fous c’est leur problème. Mais c’est dommage pour Jimmie, il n’était pas comme ça avant, c’est un excellent growler tu sais et on doit lui souhaiter de bonnes choses pour l’avenir.

Bon allez, assez parlé du passé, parlons du présent. Confirmation, évolution ? Que représente  II pour toi?

C’est tellement ce que l’on voulait. Même avant que Tony arrive, on voulait aller plus loin, avant même de le composer on savait qu’on allait modifier plein de choses. Un truc plus mature, plus percutant, plus groovy, plus lourd, plus profond… un deuxième album quoi (rires)! Et on s’est tellement éclaté à le composer, du début à la fin c’était fun. C’est ça qu’il représente : du plaisir.

Henrik Danhage, Death Destruction, II, Groove Metal

C'est ce que l'on peut se dire après la première écoute : beaucoup plus lourd, beaucoup plus groovy avec bien plus de morceaux en mid tempo que sur Death Destruction?

Tout à fait. On a voulu aller vers une musique peut-être un peu moins speed et violente avec quelque chose de plus fondamental, plus rock’n’roll, plus ambiant. Avec l’expérience qu’on a derrière nous et l'investissement de Tony, l’écriture a été facile. Ce qui était un peu moins facile, c’était d’enregistrer les treize morceaux. Quand on est arrivé en studio avec nos démos, et il fallait encore poser la batterie sur certains sons, et cette volonté de vouloir aller vite, on a vu que les choses allaient être un peu plus différentes que celles prévues. Ouais, le record a été la partie la moins facile et la moins fun. Mais ce qui était cool c’était de voir nos compos évoluer. On s’est rendu compte que nous avions du temps et on l’a mis à parti pour bien finaliser notre travail et développer encore plus cette ambiance que nous voulions apporter. Pour résumer, nous n’avons pas cherché à faire des musiques parfaites, avec des growls ou des riffs parfaits, la perfection je crois que ça n’intéresse personne. Non, ce qu’on a voulu faire c’est vraiment quelque chose d’honnête pour nos fans et pour nous.

Tu parles de l’écriture. Comment travaillez vous pour écrire votre musique ? Tous ensembles ou y a-t-il une tête pensante… Toi par exemple ?

C’est un peu tout ça. On marche surtout au coup de cœur. Pour la majorité des titres de II c’est Jonas Ekdahl (batterie) et moi-même qui avons composé. On reste assez classique, quand j’ai une idée, j’allume mon ampli, je joue, j’enregistre et on voit comment caller la basse et la batterie. Personnellement, je n’ai absolument pas la patience de rester assis et d’attendre que vienne l’inspiration. Je déteste ça. Je veux que l'on soit tous ensembles le plus souvent possible. Les idées viennent en jouant et en s’entrainant, pas en restant assis.

Du coup il n’y a rien de mieux qu’être en studio et jammer pour composer ? Ou est-ce que tu privilégies d’autres périodes, durant une tournée par exemple ?

Tous les moments et les environnements sont bons et différents. Dans mon cas et durant ces deux dernières années, c’était surtout lorsque je ne faisais pas de musique que les idées me venaient, lorsque je me reposais. Les idées me viennent, j’essaye de les ranger dans ma tête et c’est difficile (rires). Et après il faut que j’aille vite ! Je me pose avec mon ampli et j’essaye de retranscrire ce que j’ai dans ma tête. Parfois avec un peu de chance, j’ai la composition entière qui m’est venue, mais sinon ce sont des passages, des ébauches que Fredrik (basse) et Jonas viennent compléter. Et quand chacun se dit "allez c’est cool, on essaye tous ensemble", que c’est facile et que ça vient tout seul, il n’y a rien de meilleur. Mais rappelle-toi, nous avons un esprit rock’n’roll et groove metal, on a rien de construit et de planifier. Tu as entendu le jeu de batterie de Jonas ? Tu crois vraiment qu’on va lui mettre un putain de métronome pour qu’il se calle et nous on va suivre ? Non, c’est pas groovy, c’est pas rock’n’roll du tout. Il y a des façons tellement plus cool de composer. Je trouve que beaucoup trop de genre de metal requièrent une approche trop carré ou "tac tac tac" où tu suis un rythme imposé. Regarde un groupe comme Meshuggah ces mecs sont des malades, avec un esprit rock et un peu anarchique, ils groove à mort, c’est incroyable ce qu’ils font. Et je ne crois pas qu’un mec comme Thomas Haake soit du genre à bosser au clique quand il compose (rires).

De toute façon Thomas Haake n’est pas humain…

Non, définitivement non (rires)!

Henrik Danhage, Death Destruction, II, Groove Metal

Parlons un peu de la prod, vous travaillez depuis le début avec Roberto Laghi, connu pour être aussi le producteur d’In Flames. Ça se passe bien ?

Oui très bien , c'est effectivement le deuxième album que l'on fait avec lui. Enfin, le troisième enregistrement si tu comptes notre premier EP Fuck Yeah, que nous avons enregistré 100% en live à l'époque. On a des rapports très amicaux avec lui. Death Destruction est un groupe très important à ses yeux, il n'a pas l'habitude de produire des artistes de groove metal et ça a vraiment de l'importance pour lui de diversifier ses collaborations. Il produit beaucoup de groupe suédois dont In Flames effectivement et on voulait absolument travailler avec lui, on avait besoin de travailler avec lui. Quand il touche à un groupe tu as beaucoup de chance pour que ça fasse "boom". Et c'est le genre de producteur très impliqué qui te montre du respect et ça tu en as besoin.

Quand on l'a rencontré, on avait pas d'argent et lui trop peu pour produire notre premièr album. Et il nous a proposé un deal : "vous enregistrez gratuitement dans le studio d'In Flames et  vos bénéfices rembourseront ce temps en studio". C'était incroyablement gentil de sa part. C'est lui qui, par la suite, nous a présenté à Sony et voilà on en est. Aujourd'hui on se dit encore "putain mais que c'est-il passé?"

Un petit mot sur la pochette? Un crane et des squelettes de vautours... Death Destruction?

Belle théorie (rires)! Oui évidemment c'est pour mettre en avant le côté "la mort, la destruction". Mais d'une façon un peu drôle. Que tu peux porter sur un t-shirt. C'est simple mais après tout, pourquoi pas?

Henrik Danhage, Death Destruction, II, Groove Metal

Vous avez choisi de "Money, Blood, Crusifixus" et " Set The Sail" comme sinles, deux pièces bien lourdes et efficaces de ce II. Ces morceaux vous tenez à coeur?

"Money, Blood, Crusifixius" est la première compo que nous avons dévoilée car c'était la seule de prête. Mais ça a été le combo gagnant. C'est pour ça que j'ai insisté pour "Set the Sail" soit notre deuxième single. Le premier montre notre nouvelle direction musicale, le deuxième le confirme. Ce sont de bons ponts pour que ceux qui les apprécient se dirigent ensuite vers II.  Ils ont été bien accueillis, du moins en regardant les commentaires Youtube, et c'est très sécurisant. Je veux dire, ce sont deux sons qui expriment notre vision de la musique mais de deux façons différentes. Mais... Je ne pense pas que ces deux pistes soient les plus représentatives et les plus "heavy" de II... Enfin si peut-être... Ho merde, il y a treize chansons, faites votre choix (rires)!

Qu'essayez-vous d'apporter à votre public quand vous jouez en live? Je veux dire, votre musique est puissante et efficace, peut-être plus taillée pour la scène que pour un disque. Et désolé d'employer les mêmes qualificatifs à chaque fois que je parle de votre musique...

Ha non ne te gêne pas, j'adore! Ce que je veux c'est que les gens comprennent, non, pas qu'ils comprennent, qu'ils ressentent que le plus important quand tu joues en groupe c'est ta  vision de la  musique et ton état d'esprit. Je pense que si tu as les bons tatouages, des vêtements cools, la bonne posture ou peu importe, ce qu'il faut c'est que le public ressente cette osmose et cette entente que tu as avec tes potes musiciens. Les albums c'est ce qui nous a fait grandir en dix ans, mais la vie c'est le live. Je crois que ce que nous voulons le plus c'est montrer notre fierté, celle d'avoir fait de bonnes musiques et de les partager. Jonas est un putain de batteur, Friedrik un putain de bassiste, Tony un putain de chanteur. Que valent mes solos de gratte sans eux? C'est comme ça que ta musique sonne bien, quand tu as cette osmose et que les gens la comprenne. C'est ça ma vision du live, un partage, une évasion, du feeling...

Henrik Danhage, Death Destruction, II, Groove Metal

En parlant de concert, je me souviens de Death Destruction en première partie d'Hammerfall en 2011. Vous aviez commencé à jouer à peine dix minutes après l'ouverture des portes et devant à peine cinquante personnes...

Oui c'est vrai, mais au final tu sais on a peut-être apporté un peu de fun à cinquante personnes pendant 30 minutes. Après des moments comme celui ci, tu ne peux porter qu'un seul jugement sur toi-même et te dire "ok c'était pas terrible alors espérons que ça soit mieux la prochaine fois, mais que faire pour que ça soit mieux la prochaine fois?". Et faut voir le truc de façon positive, si chacun de ces cinquante mecs ramène un pote la prochaine fois, ils seront cent. Je pense que c'est comme ça que ça marche.

En parlant d'Hammerfall, ce n'est pas trop dur pour Fredrik de jongler entre DD et Hammerfall étant donné qu'il est également leur bassiste?

C'est pas forcément facile.  Je me pose parfois pas mal la question. Oui c'est surement difficile pour lui mais pour l'instant rien ne nous handicape. Disons qu'il donne tout ce qu'il a dans Death Destruction, dans Hammerfall et dans sa vie. Hammerfall c'est son job, Death Destruction aussi et moi mon job c'est aussi de dire "ok" et de respecter ses choix.

Cela fait dix ans que Death Destruction s'est monté. Qu'est ce que ça fait d'avoir dix ans? Et quel regard portes-tu sur votre carrière?

Deux mots:lent et rapide. Les premières années nous n'étions rien, de toute évidence. Mais c'est des bons souvenirs bien sûr. Il n'y avait pas de pression, juste du plaisir et moins d'ambition. Et puis il y a cette période où nous avons commencé les concerts et rencontré Roberto Laghi. Tu sais, je crois que c'est comme n'importe quel groupe, au début ce que tu fais n'intéresse personne et tu es le seul à y croire. Et arrive ton premier album qui fait que tout démarre. Mais tu sais, dix ans dans une vie c'est pas si énorme et l'âge n'est pas vraiment un problème pour moi. Du moment que je garde mes dix doigts et que je peux jouer sur ma guitare.

Après dix années, je me sens bien, je maitrise de plus en plus de choses. La pire des carrières qui soit, c'est celle de ces gamins qui font des trucs comme American Idol, tout va ultra vite pour eux, ils fument des joints, sont entourés de filles et enchainent les fêtes. Et à 30 ans ils sont rejetés et pleurent en disant "mais laissez moi ma chance"... Mec, tu l'as eu ta putain de chance, tu l'as eu pendant 2-3 ans mais tu as passé plus de temps à avoir l'air cool que de faire de la musique, à chanter et à travailler tes chansons. Et aujourd'hui personne ne veut de toi, tu as été remplacé. C'est que j'apprends au fur et à mesure des années: ne jamais tourner autour des choses.

Henrik Danhage, Death Destruction, II, Groove Metal

Alors ne tournons pas autour du pot. Vous êtes proches d'In Flames qui s'apprête à sortir leur nouvel album qu'ils "tease" joyeusement. Une chance de vous voir avec sur scène avec eux?

J'adorerais, j'adorerais vraiment.. Mais ce n'est pas moi qui décide. Et une chose, si vous aimez In Flames, vous allez adorez leur nouvel album, c'est énorme ce qu'ils ont fait.

Autre nouvelle moins réjouissante qui circule aujourd'hui, la possible retraite anticipée d'AC/DC suite aux problèmes de santé de Malcom Young. Tu en as entendu parler?

Merde! Non pas du tout... Sérieusement? C'est ce genre de groupe qui est à tes côtés depuis que tu aimes la musique. C'est un de mes plus vieux souvenirs de concerts. Pour moi ce n'est pas seulement une influence sur ma musique qu'à un type comme Malcom Young mais sur ma propre vie. Son frère et lui sont les meilleurs exemples de ce que je t'ai expliqué un peu avant, ils font vire leur musique et l'état d'esprit qu'ils véhiculent depuis des années. Cette personnalité et cette vélocité pourrait s'arrêter? C'est clair que je serai très triste.

NDLR: On se permet de vous rappeler que depuis le 15 avril, date de l'interview et des spéculations concernant AC/DC, cette rumeur a été réfutée par les membres du groupe.

Une dernière question, un peu personnelle, mais je ne pense pas me tromper en disant que Pantera est une de vos influences majeures. Cette année Far Beyond Driven fête ses 20 ans, il y a 10 ans Dimebag Darrell nous quittait. Que représente un groupe comme Pantera pour toi?

Comment te dire? Prends un carré: Pantera, Van Halen, Black Sabbath et The Who. Et pour moi, ces quatre groupes sont un point de départ et à l'arrivé tu as des dizaines et des dizaines d'autres groupes qui sont nés parce qu'ils ont essayé de faire comme eux. C'est comme ça que je vois Pantera qui est un groupe que j'aime et que j'admire. Far Beyond Driven est un des dix meilleurs albums jamais sortis. Et je mets The Great Southern Trendkill dans la même liste. Ce sont des mecs qui ont tout compris au terme "groovy" même si beaucoup parlent d'abore de leur côté super brutal. Oui c'est vrai, mais ils étaient tellement "chauds", il rendaient les gens tellement "fous". Quant à Dimebag, y a rien à dire sur un guitariste pareil à part que je suis et que je serai toujours attristé par son départ. Le genre de mec qui tu rêves de rencontrer mais tu ne le pourras jamais.

C'est le moment de te lâcher: un dernier mot pour les fans?

J'espère très sincèrement que II vous fera plaisir. Ecoutez le comme vous le voulez. Allez l'acheter, écoutez le sur internet et si vous venez nous voir en concert on essaiera de vous donner tout ce que vous ne pouvez pas ressentir avec un CD. Nous sommes un chanteur, un bassiste, un batteur et un guitariste mais c'est avec vous que nous trouvons nos vrais couleurs. Il est très important pour nous de partager ces moments avec vous.

Photos d'ambiance : Solal Korsec
 



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