"Roam... Roam... Roam...!"
Oui, bourlinguons sur les mers, au loin... Chantons tous en choeur, compagnons de galère, et délectons-nous de ce nouvel opus des prog/power/folk metalleux danois de Wuthering Heights. "Salt", galette salée et délicatement relevée d'embruns, est sortie le 12 avril dernier en Europe chez Scarlet Records. Et croyez-moi, point besoin d'aller au hara pour apprécier la nouvelle production des amateurs d'Emily Brontë (ou de Kate Bush, allez savoir où ils ont pêché leur nom) et se laisser emporter par le vent...
Cavalcades épiques, côté prog bien digéré, essence folk aux parfums d'orient ou d'outre mer... Pirates, vikings, marains d'eau douce ou vieux loups de mer : cet album saurait être l'hymne de vos traversées les plus tumultueuses ! Entre énergie et passion, la musique de Wuthering Heights nous ravage telle une lame de fond surgit des profondeurs les plus abyssales.
En tout cas, abyssale de vide les compositions ne le sont point. Très chargé, ce brûlot nourrit sa cargaison à coups de riffs et de mélodies imparables, tout en menant sa barque tel un fier drakkar fendant l'air poussé par la voix parfaite d'un Nils Patrik Johansson éolien (en mode Ronnie James Dio survitaminé). Imparable, mais peut-être parfois indigeste, le mal de mer peut vous guetter à certains moments tant les structures pourraient désorienter le plus expérimenté des capitaines.
J'en veux pour preuve ce "The Mad Sailor" entre loufoque et chef d'oeuvre, dont on ne sait si on doit tirer dessus à boulets rouge ou s'il faut baisser pavillon devant sa grandeur. En tous les cas, aucun Jolly Roger ne saurait l'effrayer, tant il semble fier et inamovible.
Les qualités de cet album neptunesque façonnent ainsi ses défauts. Peu d'escale pour reprendre son souffle, tout s'enchaîne sans répit transformant ainsi une traversée que nous aurions parfois aimé paisible en une acharnée Route du Rhum. "The Desperate Poet" et son quasi-thème western donne ainsi l'effet d'une poudre à canon en ébulition répendant sa traînée tout au long de cette livraison surpuissante.
C'est donc en apnée, toute voile dehors, que nous bravons les éléments. Et lorsqu'on nous croyons atteindre des eaux plus calmes avec les premières notes de "Weather the Storm", la suite vient balayer nos espoirs de tranquillité et c'est sabre à la main que nous concluons cette nouvelle pépite.
Vous l'aurez compris, "Salt" est un monument, un vrai coffre fort ruisselant de richesses, mais encore faut-il trouver la clef et ne pas se laisser éblouir par ses trésors. Ainsi, malgré l'incrédulité d'une telle découverte, on ne peut que s'agenouiller devant telle puissance, telle majestée.
Attention, je ne saurais dire si ce voyage surpasse les tourments Styxien de "The Shadow Cabinet" ou les magnificiances de "Far From the Madding Crowd" (qui reste encore à ce jour leur référence ultime selon moi), leurs deux précédents opus déjà salués par la critique. Ce "Salt" est sévèrement corsé, mais sait s'apprécier de différentes manières si on s'applique à mettre tous nos sens sur le pont. Pour preuve, sa terrifiante conclusion "Lost at Sea", de plus de 16 minutes et qui pourrait vous télétransporter en moins de temps qu'il ne faut pour le dire jusqu'au Triangle des Bermudes de l'hébétement...
Ces danois nous aurons en tout cas fait voir du pays, et nul doute que cette folle livrée saura encore révéler de multiples mystères et merveilles au fil des prochains embarquements ! Car Wuthering Heights nous a ici proposé un périple sans fin, bien difficile aujourd'hui à décrire lorsqu'on pose pied sur la Terre ferme d'une simple chronique qui n'est au final que bien peu de chose... Car comme ils le disent si bien dans leur épopée finale : "Life is a beautiful ship but I am lost at sea !" ... "Salt is a beautiful album but I am (sometimes a bit) lost at its listening !"
Ma note : 8.5/10
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