Nous avions eu le plaisir de nous entretenir l'an passé avec le légendaire Vinnie Paul ; cette année, c'était au tour du chanteur Chad Gray de venir nous rendre une petite visite dans la capitale, et de nous faire ses confessions. Avec un nouvel album sous le coude pour le clan Hellyeah, le screamer à l'attitude punk et authentique nous explique pourquoi ses comparses & lui, en plus d'être "fucking hostile", veulent à présent du sang pour du sang ! Mon acolyte Vyuuse et moi-même avons mené l'enquête.
Vyuuse : Chad, merci de nous accorder cette interview ! Hellyeah s’apprête à sortir son nouvel album, et il s’intitule Blood For Blood. Tout d’abord, pourquoi ce titre ?
Chad : C’est en allusion au bon vieux principe de la Bible (Exode 21, l’Ancien Testament) : « œil pour œil, dent pour dent ». Et ça ne vaut pas que pour le business, mais également dans ma vie personnelle. Il y a toujours eu quelqu’un pour vouloir tirer avantage de moi. Ca me fatigue, et particulièrement les gens qui te heurtent puis s’éloignent de toi, sans réaliser ce qu’ils ont pu te prendre. Il y a toujours un prix à payer dans cette vie, et pour ma part je ne veux pas d’argent en compensation, ni d’excuses. Je veux du sang – métaphoriquement, que le gars paye pour ce qu’il m’a pris. J’ai toujours été mis-à-terre ; que ce soit par la famille, le business, la politique, les banques… J’ai aussi constaté, avec les années, que certains individus étaient assez puissants pour se permettre de littéralement acheter les gens. Et ils se fichent de la notion de famille, ils se fichent de villes entières. C’est bien souvent un tout petit groupe de gens, ironiquement ...
Carmyn : Qui font ça pour le pouvoir, pour créer un vortex de pouvoir.
Chad : Il y en a beaucoup des comme ça… Et ma vengeance à moi – le "blood for blood" – ne me donnera pas forcément satisfaction, mais ce sera un juste retour des choses. "Tu m’as pris quelque chose, alors je te prends à présent aussi, et nous sommes à égalité", je marche comme ça. Il y a beaucoup de colère, d’angoisse, et un côté très heavy sur ce disque. Et ce n’est pas une question de vitesse, mais de lourdeur, réellement. De pesanteur dans les émotions. « Moth », « Hush » ou « Black December » sont certes plus mid-tempo, mais l’album dans sa totalité sonne très heavy. J’aime écrire en main-libre ; je pense que l’art est une extension de soi, et il faut ainsi se protéger parfois. Tu dois jouer assez franc-jeu pour que ton auditeur puisse tirer de tes chansons ce qu’il a envie d’en tirer, mais tout en conservant ton voile à toi. Et la musique, c’est magique pour ça. Je me souviens, lorsque James Hetfield chantait « Kill’em All », je me suis approprié la chanson, car elle s’appliquait tellement à ma propre vie … Je l’ai prise et ai comblé mon manque à moi, afin de me sentir mieux. Et pour une raison que j’ignore, elle a compensé cette faille et a amélioré les choses.
Carmyn : C’est comme lorsqu’on dit que la musique, et l’art en général, ne t’apportent pas nécessairement de réponses, mais du moins des questions. Et les questions peuvent t’aider à trouver tes réponses, où la voie qui y mène.
Chad : ça te fait te poser les bonnes questions, en fait, je pense. Ca te fait certainement te poser une question que tu n’aurais même pas pensé à te poser sinon. La chanson est d’abord pour toi, puis tu la fais sortir de ta tête pour la partager avec quelqu’un d’autre, et elle devient ainsi nôtre. Nous en possédons tous une pièce, et savons les assembler les unes aux autres. Et vous savez quoi ? Je me fous complètement de savoir comment ce disque sera reçu. Je ne vais pas vous faire le coup du : « ah, c’est notre meilleur album ! » Je l’ai déjà dit plein de fois par le passé, et je me suis planté !
Carmyn : Tu as parlé de « Hush » et de « Moth » tout à l’heure. Elles me font penser à du Mudvayne, aussi je voulais te demander qu’elle avait été ta part d’implication à toi dans la composition de cet album ?
Chad : J’ai écrit toutes les paroles de toutes les chansons sur lesquelles j’ai jamais chanté. Il faut que vous sachiez que lorsque nous avons commencé ce groupe, nous n’avons jamais voulu ressembler ni à Mudvayne, ni à Pantera, ni à Damage Plan. C’est simple : sur le disque 1, nous ne nous connaissions pas ; alors nous avons tenté de faire l’album le plus punchy possible. Sur le 2, j’étais dans Mudvayne, aussi Hellyeah était l’opportunité de produire des chansons qui n’auraient pas pu s’inscrire dans le cadre extrême et torturé de Mudvayne. Nous avons démarré, et avons laissé le chemin se dérouler devant nous. Le 3 était très heavy, et ça faisait plaisir de pouvoir juste jouer des chansons heavy avec l’un de mes batteurs préférés de tous les temps. Le 4 est la confirmation de tout ça. Je pense que nous sommes, au fil de ces albums, arrivés à un stade où nous sommes las de jouer dans le garage, en quelque sorte. Nous avons tous connu des heures plus glorieuses, particulièrement Vinnie Paul qui a été über-successful avec Pantera évidemment, mais nous savons également ce que ça fait que de jouer dans des endroits et conditions plus modestes. Notre musique, et ce nouveau disque donc, représentent bien tout cela, je crois.
Vyuuse : Qu'en est-il du choix de la production ? Qui s’en est chargé ?
Chad : Vinnie s’est chargé de nos trois premiers, et il est un producteur fantastique, je dois le dire. Maintenant, il faut savoir que nous mettons tous la main à la patte, et donc sommes tous en coproduction de nos disques. Kevin Churko est venu nous prêter main-forte sur la production de celui-ci, et son rôle a été déterminant. Car il a une vraie oreille extérieure, et comprend parfaitement toutes les notions de tons, de nuances. Il a été important d’avoir quelqu’un de confiance qui nous « pousse », également. J’en ai eu besoin, personnellement, au chant. Mais il a su me ménager aussi, et me laisser du temps pour moi, pour mon loisir personnel, etc… Il m’a fait confiance, m’a laissé mon espace vital, ce qui fait que lorsqu’il s’agissait de venir travailler au studio, je le faisais toujours avec engouement, et me suis avéré très productif finalement.
Vyuuse : Est-ce que Greg Tribett (ex-guitariste du groupe, donc, à présent) a écrit l’album avec vous ?
Chad : Non, il a quitté le groupe avant. C’était très chaud pour moi à vivre, car ça faisait dix huit ans que je bossais avec lui. Mais tout arrive pour une raison précise, j’y crois.
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