Le metal gothique est un genre courant à sa perte, dans lesquels les groupes ont bien du mal à être crédible de nos jours. Une raison ? La multiplication des formations commerciales à souhait se lançant dans ce genre pour se faire de l'argent de poche avec une chanteuse jolie mais sans charisme ni personnalité. Les fans de metal gothique commencent à se faire de plus en plus rares, et c'est dans ce contexte que Mandrake, l'un des pionniers de cette scène, car ayant commencé en 1995, livre le 14 Mai 2010 son 5ème album, « Innocence Weakness », sur Soulfood Music Distribution. Dur pour nos allemands de trouver un public. Mais que vaut cet album ? Encore un de ces groupes commerciaux sans intérêt ?
La réponse est non. Les compositions de Mandrake sont sincères et touchantes, tendant bien souvent vers le doom. La rythmique est lente, l'ambiance cultivée triste, sombre, pour donner cette sensation de solitude, comme l'illustre la très belle pochette. D'ailleurs, chacune d'entre elles se révèle efficaces par leur diversité et sa façon de faire passer l'émotion de manière si simple, sans utiliser quelconque effet électronique pullulant dans le genre. C'est d'ailleurs ce genre de sensations oubliées que veux réveiller Mandrake, et le pari est réussi, puisque l'on prend un réel plaisir à écouter une musique si touchante. Le combo joue en effet beaucoup sur les doubles sensations, créant à la fois une atmosphère glaciale et oppressante par des guitares lourdes et un chant black ténébreux mêlée avec le chant aérien et rassurant de Birgit, couplé aux claviers plus lumineux. Le titre « Coma » illustre parfaitement cette ambiance qui nous prend aux tripes.
La production en revanche est le bémol de cet album, puisqu'elle n'est pas parfaitement à la hauteur. Assez brouillon par moment et ne mettant pas en valeur parfaitement les instrumentations, elle renforce paradoxalement encore plus le côté émotionnel des allemands, du fait qu'ils réussissent à atteindre leur objectif et ce même avec un son imparfait, et par conséquent notre admiration pour eux s'en voit décuplée.
Notons également que le final, « Weakness », se termine exactement comme a commencé l'introduction, « Prelude », en bien plus long et lancinant, ce qui donne encore un aspect mystérieux, comme si tout finissait par le commencement.
Le chant est en grande partie l'une des raisons de la réussite de cet album. Birgit Lau, si elle n'est pas parfaite car commetant parfois quelques erreurs avec des fausses notes par endroits, possède une voix qui lui est propre, se démarquant par sa personnalité, et l'utilise toujours à bon escient. Sans jamais tenté d'aller atteindre des notes qui lui sont impossibles, elle réussit d'une bien belle manière à véhiculer beaucoup d'émotion, qui semble être le maître-mot de Mandrake. Elle est souvent accompagnée d'une voix black, qui est même dominante sur certains titres, notamment « Save Us From Ourselves », renforçant davantage le côté sombre de cet opus. Le titre « Among The Demons » est poignant, l'appel de Birgit lancé par ses « Where Are You Now » nous touche en plein coeur.
Si tous les groupes étaient aussi sincères que Mandrake, le metal gothique se porterait on ne peut mieux. Malheureusement, l'appel de l'argent a fait décliner cette scène, et le combo d'outre-Rhin veut avec ce « Innocence Weakness » nous montrer que certains refusent de se laisser aller à une musique easy-listening et préfèrent continuer à produire une musique faite avec le coeur. Et si en plus de ça, c'est réussi, alors on ne peut que féliciter ce nouvel effort de Mandrake. Même si vous n'êtes pas un fan du genre, attardez-vous dessus, car ils le méritent. En tout cas, ce bel effort mérite récompense, et cette formation possède un atout que les autres semblent avoir perdu : l'émotion pure, sans effets ni pleurnicheries.
Note finale : 9/10