Nicolas Chapel, créateur de Demians

C'est avec grand plaisir que j'ai pu interviewer l'artiste français Nicolas Chapel, cerveau principal et unique de l'original projet Demians, un mois avant la sortie chez InsideOut du 2nd album intitulé "Mute". Une occasion unique de discuter avec un homme orchestre de grand talent et qui sait où il va...

Ju de Melon : Tout d'abord bonjour et merci de répondre à nos questions. Comment te sens-tu "nerveusement" pile un mois avant la sortie de "Mute" ?

Nicolas Chapel : Nerveusement très bien, je suis pas mal content du résultat de l'album car il me représente vraiment très bien. C'est un peu une situation rêvée... Le premier album avait mis un peu de temps à sortir, je m'en étais un peu "éloigné", or là je suis très confiant et j'ai très hâte.

Demians

Ju de Melon : Il est fort intéressant de remarquer que tu as une nouvelle fois réalisé cet album seul. Beaucoup de personnes pensaient que tu allais faire de Demians un véritable groupe à plusieurs membres après la tournée, mais tu as une nouvelle fois décidé de te débrouiller seul au niveau de la musique. Est-ce un choix volontaire de ta part ?

Nicolas Chapel : Bah disons que je n'ai pas l'impression de choisir quoique ce soit, je fais un peu mes albums comme je le sens, je sais exactement comment les chansons vont sonner alors autant le faire moi-même. Il y a tout de même deux invités sur "Mute", un ami à moi qui s'appelle Le Polaire et qui est venu s'occuper de quelques parties électroniques sur un morceau, ainsi que mon batteur live qui a joué avec moi un duo de batterie sur deux titres. Tout s'est fait vraiment au feeling en fait, et comme je sais ce que je veux : je préfère tout faire seul !

Ju de Melon : Penses-tu que ce sera toujours ainsi ? Demians restera-t-il le projet d'un seul et unique homme ?

Nicolas Chapel : Je ne suis fermé à rien du tout mais je pense que c'est parti pour être comme ça... On me parle beaucoup de cette situation, ça a l'air de pas mal intéresser les gens de voir que je me débrouille tout seul, mais bon voilà c'est comme ça que ça se passe : je laisse les choses arriver. Pour l'instant je suis seul avec moi-même car ce sont mes rêves, mes émotions, que j'exprime en musique... C'est une démarche personnelle, je ne fais pas qu'écrire des chansons, je les réalise aussi et j'apprends beaucoup en le faisant. Du coup autant faire l'interprétation et la production moi-même...

Ju de Melon : Parlons un plus précisément de ce nouvel album. D'abord, comment t'es venue l'idée de l'intituler ainsi ? Le choix d'un titre d'album n'étant pas toujours aisé...

Nicolas Chapel : J'avais un titre de travail lorsque j'ai commencé à faire l'album mais il n'était pas vraiment approprié, mais je remarque surtout que le choix du titre "Mute" est avant tout lié à la façon dont j'ai décidé de faire ce disque... Le premier album avait mis pas mal de temps à sortir : j'avais passé 6 ans à le composer, donc quand il est sorti j'étais un peu "loin". Puis entre ce 1er et 2nd album, il s'est passé beaucoup de choses, notamment cette expérience en tournée avec le groupe live... J'ai dépensé pas mal d'énergie et j'ai dû gérer pas mal de conflits avec des gens qui gravitaient autour de moi dont certains avec de mauvaises intentions, je n'avais pas vraiment l'habitude de tout ça et ça m'a vraiment rappelé pourquoi je voulais faire de la musique seul et sans cette pression, tous ces égos mêlés... Moi ce qui m'intéresse ce sont les chansons, pas ce remue-ménage ! Au final j'avais fait cette musique pour m'ouvrir et ça commençait à avoir l'effet inverse sur moi, je commençais à me refermer sur moi-même suite à cette expérience... Donc j'ai décidé de couper les ponts une fois la tournée de promotion terminée, j'ai eu besoin de redécouvrir les raisons pour lesquelles je fais de la musique à la base, de réapprendre à jouer, d'expérimenter, de chercher autre chose. Je me suis un peu coupé du monde et me suis inspiré de tous les conflits qui ont eu lieu après la création de "Building an Empire". Je me suis à la fois nourri de ces conflits et des personnes agréables que j'ai pu rencontrer en tournée, donc du négatif et du positif, j'ai eu envie de créer cet album pour que pendant 50mn les gens écoutent et se disent que j'ai été sincère avec eux. Du coup il s'intitule "Mute" parce que c'est un album que vous écoutez en mettant votre casque, la porte fermée à clef, en vous laissant aller pendant un peu moins d'une heure sans penser à rien d'autre. Et ainsi redécouvrir ce qu'est l'honnêteté, la sincérité, et d'autres émotions plutôt pures on va dire...

Ju de Melon : 9 chansons viennent émailler ce nouvel opus. Et le son semble quelque peu différent comparé à "Building an Empire", on sent que c'est un peu moins épique disons, et plus direct, parfois plus "simple" mais avec encore plus d'émotion. Comment expliques-tu cette légère différence ?

Nicolas Chapel : Si tu me poses la question à moi je te dirais que le son est en fait complètement différent du premier album. Certains trouvent ce nouvel opus plus direct, d'autres plus tortueux, voire plus difficile d'accès... C'est vraiment en fonction du ressenti des gens. Pour moi le son n'a rien à voir en effet, le premier album a été enregistré dans ma piaule avec ma guitare, quelques micros, une batterie empruntée, et pas mal de samples... Sur ce deuxième album, les micros ont été placés dans la pièce et le son a été pris comme il a été enregistré. Je n'ai pas essayé de me cacher derrière quoique ce soit, "Mute" est vraiment le premier album qui me ressemble niveau prod, il sonne exactement comme je voulais qu'il sonne... Chaque instrument est à sa place, et c'est clairement la plus grosse différence qu'il y a par rapport au premier CD : le son !

Ju de Melon : Comment se sont passés le processus d'écriture et d'enregistrement ? Est-ce que ça t'a pris pas mal de temps ou les idées et l'assemblage sont venus assez vites ?

Nicolas Chapel : Je suis toujours en train de noter des idées dans ma tête... Après le premier album, il m'a fallu gérer le groupe live et la tournée, j'ai donc pris des décisions et je n'ai pas pu enregistrer pendant presque deux ans la moindre idée par faute de moyens, je n'avais même pas d'endroit à moi... C'était une période de transition ! Mais globalement ensuite ça m'a pris plus de temps pour finir l'album que de le commencer... Un ami m'a conseillé de m'installer un peu en bord de mer et il m'a fallu même pas un après-midi pour que je commence à composer, j'ai eu énormément d'idées, il y avait un piano sur lequel j'ai pu composer... C'est venu donc très vite ! C'est plus à la fin de l'album que je me suis posé des questions, sur sa sortie, son éventuelle tournée après... Je veux refaire du live mais ça veut dire qu'il faut que je retrouve des gens pour et que je revive certains moments que je ne veux plus trop vivre. Bref, ça m'a un peu stressé, ce qui est loin d'être le cas de la composition... Il y a beaucoup de "premières prises" sur l'album, un titre comme "Black Over Gold" par exemple : je ne l'ai joué qu'une fois dans ma vie donc tu vois... on peut pas faire plus direct et spontané (rires) !

Ju de Melon : Pour la production et le mixing, t'es-tu entouré de gens de confiance ou bien as-tu assumé ça toi-même ?

Nicolas Chapel : Non j'ai vraiment tout fait sur ce disque, même la pochette. Je me suis occupé du mixage et j'ai fait le mastering avec le batteur qui est venu participer sur deux titres, à part ça j'ai tout fait de A à Z... Je ne voulais pas que la production prenne le pas sur mes chansons, je voulais qu'elle représente mon son ! Tout ce que tu entends sur ce CD a été enregistré comme ça, il n'y a pas d'égalisation sur les guitares, la batterie sonne naturelle... Même les effets sur le chant ont été fait au moment où j'ai chanté, en tenant le micro de telle ou telle façon, en mettant ma main sur le côté pour créer un effet de distortion, tout a été décidé sur le moment. La moitié des morceaux n'ont même pas de deuxième prise niveau chant, je ne me laissais aucun droit à l'erreur, il fallait que ça soit spontané et direct. Tout ça pour que je puisse me confronter à qui je suis, sans artifice... Donc la prod est minime, c'est juste une question de placement de micros pour bien capter le son et l'atmosphère de la pièce au moment où je composais.

Demians - Mute

Ju de Melon : Ca ressemble un peu à ce qu'a fait Pain of Salvation sur leur nouvel album "Road Salt One"...

Nicolas Chapel : Je ne suis pas très calé sur ce groupe mais je sais qu'énormément d'artistes se mettent à s'enregistrer eux-même et à chercher leur propre son. Parce que voilà, à un moment ce n'est pas parce que les machines sont plus perfectionnées ou plus chères que le groupe va mieux marcher... Moi j'aime bien entendre un groupe en live comme il sonnait sur leur album, quand je vais voir Neurosis en concert par exemple et bien ça sonne pareil car ils n'ont pas chercher à mettre plein de plug-in ou de reverb. C'est une démarche comme une autre, mais quand un groupe sait où il veut aller je pense que c'est une démarche saine... Et je suis persuadé que de plus en plus de monde fera comme ça !

Ju de Melon : Parmi les paroles ou autres titres des différentes chansons, quels sont en gros les thèmes abordés ? Y a-t-il quelques histoires disons récurrentes tout au long de l'album ?

Nicolas Chapel : Non disons que même pour le premier album, où certains thèmes musicaux revenaient, je n'ai jamais été branché par les concepts ou les histoires récurrentes. Pour moi chaque chanson se suffit à elle-même, donc à chaque fois un thème différent... Certaines ont des paroles un peu crues et directes, je me suis inspiré de ces conflits que j'ai mentionnés tout à l'heure, mais aussi de ce qui se passait dans les media comme la Loi Hadopi, la façon qu'ontles gens ont de communiquer entre eux... Alors oui, il y a un thème un peu récurrent c'est vrai mais ce n'est pas voulu. C'est quelque chose qui m'a assez obnubilé à ce moment-là...

Ju de Melon : Imaginons qu'un magicien maléfique décide d'effacer toutes les chansons de cet album du subconscient collectif... sauf une ! Laquelle choisirais-tu et pourquoi ? Désolé pour cette question horrible, mais c'est un peu ma façon de te demander quel est ton morceau préféré sur ce nouvel opus... (rires)

Nicolas Chapel : Ecoute, je vais aussi faire quelque chose d'horrible, car je vais te répondre (rires) ! D'habitude les gens ont tendance à dire qu'ils ne peuvent pas choisir entre leurs chansons, car ce sont leurs enfants etc... Je pourrais dire la même chose, surtout que je compose seul, et qu'elles ont toute un rôle important dans mon développement artistique... Mais je choisirais la 8ème chanson, "Hesitation Waltz", déjà parce que c'est la première sur laquelle j'ai collaboré avec un musicien, puisque je fais un duo avec un batteur sur la fin : un moment très important, car on était vraiment connectés musicalement ! Puis en plus elle sonne exactement comme je l'avais en tête dès le matin où j'ai eu l'idée, c'est une bonne raison pour la choisir elle plutôt qu'une autre.

Ju de Melon : Steven Wilson (Porcupine Tree) avait adoré ton premier album ! A-t-il écouté ce nouvel opus et si oui qu'en pense-t-il ?

Nicolas Chapel : Il n'a pas encore écouté l'album, mais je lui avais fait écouté deux titres en maquette pré-mix en novembre dernier. C'est une direction musicale qui est différente de la sienne mais qui semble lui parler. En fait, c'est assez étrange, car je m'entends très bien avec lui et c'est quelqu'un avec qui je peux discuter de tas de choses. On partage pas mal de goûts en commun mais on a une façon de travailler et de composer radicalement différente... Tout comme notre direction musicale ! En tout cas c'est quelqu'un de très intéressant, je lui enverrai l'album bientôt et j'attends son avis avec impatience même si ce n'est pas ça qui conditionnera quoique ce soit.

Ju de Melon : Malgré vos différences musicales, aimerais-tu travailler avec lui un jour sur une chanson voire même un projet ?

Nicolas Chapel : Franchement pourquoi pas ! On en a déjà discuté par exemple avec les gars d'Anathema pendant la tournée, car on s'entend très bien donc... En ce qui concerne Steven, je ne sais pas, ça peut certainement arriver même si on en a jamais vraiment parlé. C'est quelqu'un de très ouvert à ce sujet et qui laisse venir les choses, donc pourquoi pas...

Demians

Ju de Melon : Est-ce qu'un video clip est en préparation pour illustrer "Mute" ?

Nicolas Chapel : On doit tourner un clip en effet, j'en ai parlé avec mon équipe et c'est en discussion. Le problème c'est que je ne suis pas fan du vidéo clip sauf si on y met les moyens, pour l'instant ce n'est pas vraiment à ma portée mais on va voir ce qui est réalisable. Mais j'ai un autre problème : je n'aime pas me montrer ! Je pensais que ça s'améliorerait avec le temps mais en fait c'est de pire en pire, même sur les photos promos c'était un peu la croix et la bannière... Je n'aime pas trop utiliser mon image pour la musique, d'ailleurs j'apprécie beaucoup ces groupes comme Tool qui font bien cette distinction. J'ai encore besoin d'apprendre à ce niveau-là et de mieux me cerner...

Ju de Melon : Musicalement, as-tu les mêmes inspirations et attirances aujourd'hui comparé à il y a deux ou trois ans lorsque tu as façonné "Building an Empire" ?

Nicolas Chapel : Ca c'est aussi une question à laquelle j'ai du mal à répondre car quand j'écoute mes chansons j'entends avant tout les émotions sur lesquelles je me suis basé ou les éléments du passé que j'ai vécus et qui ont inspirés ces morceaux-là. Je lis des chroniques ou des interviews où les gens pensent déceler des influences qui ne le sont pas pour moi... C'est d'ailleurs comme ça que j'ai découvert plein de groupes (rires) ! Non, je ne sais pas, j'écoute pas mal de musique orientale, mais aussi de la musique électronique... mais pas du tout de metal ou presque ! C'est avant tout les émotions que je repère dans mes chansons, après les influences musicales ce n'est pas vraiment à moi de juger.

Ju de Melon : Ce côté oriental on l'entend notamment sur la chanson "Overhead", même que j'avais pensé un peu à Orphaned Land sur le coup mais...

Nicolas Chapel : J'ai déjà entendu parler du groupe mais je n'ai pas encore écouté, donc je peux pas te dire. Mon attirance actuelle pour la musique orientale m'a sûrement un peu inspiré, j'ai pas mal joué là-dessus sur ce morceau avec même des instruments que j'ai fait importer d'Inde, ça a aussi pas mal influé sur les placements rythmiques ou du chant, c'est une musique très libre.

Ju de Melon : Quels sont tes héros dans la musique ou en dehors ? Ces groupes ou bpersonnes qui t'ont beaucoup apporté que ce soit musicalement ou humainement...

Nicolas Chapel : Je vais reprendre l'exemple de Steven Wilson. Car quand tu te lèves un matin et que tu découvres qu'une telle personne dit ça de ta musique, ça te touche profondément et ce même si tu ne te sens pas inspiré musicalement parce qu'il fait. C'est quand même un mec qui fait de la musique depuis une vingtaine d'années et qui se tient à son engagement ou à ses idées ! Ce style de personne gagne à être connu, et ce au-delà même de la musique... Ces gens qui font des choix et qui veulent s'y tenir, qui se tiennent à ce qu'ils font et qui n'en démordent pas. Après dans la musique, ça va de Radiohead à Tori Amos en passant par Sigur Rós... Cult of Luna ou Torche me parlent beaucoup en ce moment... Cette démarche "voilà on vous propose ce qu'on fait et si ça vous plait pas c'est pareil" me plait, tous ceux qui ne trichent pas en quelque sorte.

Ju de Melon : Que penses-tu de la scène rock/metal progressif ou plus généralement rock/metal en France ?

Nicolas Chapel : Je ne la suis pas vraiment à vrai dire. Je sais qu'il y a de bons groupes, j'en ai vu jouer et ils se défendent bien mais je ne saurai te dire de nom. Puis que ce soit rock, prog, metal, français ou irlandais... peu importe au final, ce n'est pas important. Si musicalement un groupe ou un artiste a quelque chose à apporter, c'est ce qui compte... Il ne faut pas complexer ni faire une gloire d'être français, c'est sans importance. De toute façon je ne me sens pas le mieux placer pour parler de ça.

Ju de Melon : Merci de nous avoir accordé cette entrevue. Quelques mots à rajouter pour les fans et les auditeurs de la radio ?

Nicolas Chapel : Je voudrais dire aux gens qui pensent connaître Demians qu'ils peuvent écouter le nouvel album sans préjugés car c'est vraiment autre chose, avec une énergie différente. Chaque album sera différent et j'espère encore être là pour un bon moment !

Ju de Melon : Nous aussi on espère que tu seras là pour longtemps. En tout cas bon courage pour la suite et à très vite ! En espérant te retrouver sur scène...

Nicolas Chapel : Pas de problème, tu seras le bienvenu ! A très bientôt !

Demians

Vous l'aurez donc compris, ce nouvel opus se veut assez différent de "Building an Empire" mais ne s'avère pas moins intéressant pour autant. Nicolas vous donne rendez-vous le 30 juin pour la sortie de "Mute", un album qui devrait faire parler de lui et dont nous reparlerons sur La Grosse Radio.



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