Vendredi 20 juin, 2h00 – Valley
De la bonne chair fraîche
Les imprévus font partie intégrante du rock n’ roll. Caprices de divas, problèmes de drogue, matériel volé… Autant de véritables tranches de vie qui viennent alimenter les légendes du genre, et Satan sait que le métal a son lot d’histoires drôles, parfois pathétiques ou dramatiques. L’histoire de Godflesh au Hellfest 2014 a bien failli devenir un drame. Quelques jours avant le festival, le groupe avait annoncé avoir perdu son chauffeur pour le Hellfest, et avait lancé une annonce en urgence sur les réseaux sociaux pour tenter de remédier au problème. Ils avaient finalement réussi à retrouver un chauffeur, mais cela n’a pas suffit à faire que le groupe arrive à l’heure sur scène. A l’heure prévue, il était donc annoncé que les musiciens de Godflesh étaient en retard, mais qu’ils joueraient tout de même, après Electric Wizard, à deux heures du matin. Après avoir pris une grosse mandale au concert de Kvelertak, il était donc temps d’aller finir la soirée, sur les rotules, devant Godflesh sous la Valley.
Godflesh a une relation toute particulière avec le Hellfest, puisque c’est à l’édition 2010 qu’avait lieu le concert de reformation du groupe, après sa séparation en 2002. Un concert qui d'ailleurs, malgré son caractère unique et providentiel, avait eu lui aussi son lot de mésaventures. En cette soirée, ils étaient donc de retour, avec un excellent nouvel EP sous le bras, le premier enregistrement studio du duo depuis l’album Hymns. Et Godflesh crée la surprise d’entrée de jeu, en interprétant « New Dark Ages », une chanson inédite et non présente sur l’EP Decline and Fall. On constate instantanément que la rage, la puissance et la lourdeur qui ont fait la légende de Godflesh sont toujours bien présents aujourd’hui. Le son est massif, et pourtant parfaitement équilibré entre basse, guitare, machines et voix. Parlons-en d’ailleurs, de la voix. Justin Broadrick est impeccable en growl comme dans les rares moments en chant clair, avec une intonation qui n’est pas sans rappeler Jaz Coleman de Killing Joke sur « Ringer ».
Ils ne sont pas légions, les groupes n’ayant pas de batteur sur scène comme en studio, et a fortiori dans le métal, genre dans lequel l’instrument a un rôle si prépondérant. D’ailleurs, certains de ces groupes ont parfois du mal à compenser l’apport visuel indéniable d’un batteur martelant son kit à une prestation scénique. Godflesh n’est pas de ceux-là. Justin et Ben se suffisent à eux même, avec tout de même l’ajout d’un écran sur lequel sont projetées des images psychédéliques, et un jeu de lumières extrêmement intelligent et visuellement agréable. Le reste du set est axé sur le premier album du groupe, qui n’a pas pris une ride malgré ses 25 ans d’âge, et passe toujours aussi brillamment l’étape du live avec « Chrisbait Rising », « Like Rats » et la chanson titre « Streetcleaner ». Rien n’est à jeter dans ce set qui en plus d’être maîtrisé à la perfection, a ce petit goût de privilège, étant donné la rareté des apparitions du combo anglais, et plus particulièrement en France.
Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin, et les horaires du personnel technique du Hellfest en font partie. Le concert se termine donc au bout d’une grosse demi-heure, devant une poignée de zélotes médusés, à la fois par la fatigue et par la performance qui vient d’être délivrée sous leurs yeux. Les aficionados pourront toujours regretter que le concert ait été amputé, mais il eut été bien pire qu’il soit complètement annulé. Remercions donc toutes les personnes ayant fait des heures supplémentaires pour que ce concert unique puisse avoir lieu. De quoi faire le plein de souvenirs qui aideront à attendre patiemment le nouvel album de Godflesh, dont la sortie est normalement prévue pour cette année. Une prestation qui devrait servir de modèle à d'autres.
Setlist :
New Dark Ages
Ringer
Like Rats
Christbait Rising
Streetcleaner
Crush My Soul
Reportage par Tfaaon