La rédemption attendra
Après avoir signé son épitaphe, Judas Priest demande le salut de son âme. Logique imparable, qui aurait fonctionné si le nouvel album était bon. Les fans avaient de quoi espérer, mais on retrouve un groupe pataud qui a eu du mal à mettre en valeur ses bonnes idées et à séparer le bon grain de l’ivraie. On se retrouve donc avec un disque loin d’être réjouissant.
Cela faisait six ans que Judas Priest n’avait pas sorti d’album. Après Nostradamus, concept album osé qui, avec une direction que le groupe n’avait jamais prise jusqu’alors, avait divisé les fans, les Anglais ont fait marche arrière pour accoucher de Redeemer of Souls, album de classique heavy proche d’un Angel of Retribution, qui lorgnait lui-même du côté de Painkiller. La direction est posée, faire du fan-service en tentant de réunir ce que le groupe a fait de mieux.
Malheureusement, on en est loin. En effet, avec plus d’une heure au compteur, le groupe aligne 13 chansons qui sont loin d’être les plus mémorables de son répertoire. Si les bonnes idées sont présentes, elles sont mal dégrossies et sont noyées parmi des riffs patauds et des rythmiques peu imaginatives. Judas Priest brillait autrefois avec des refrains fédérateurs et accrocheurs, malheureusement ces derniers sont le point faible du disque, faisant retomber le soufflé que le groupe préparait, à l’exception de "Halls of Valhalla" et "Battle Cry", et aussi "Crossfire" si on est d’humeur indulgente.
De fait, les morceaux solides de bout en bout sont très rares sur Redeemer of Souls. Et ce ne sont pas les clins d’œil aux précédents succès du groupe qui relèvent le niveau. Le morceau-titre rappelle furieusement "Hell Patrol" dans la montée vocale, "March of the Dead" emboîte le pas de "Metal Gods", "Hell & Back" démarre comme "Blood Red Skies" sans jamais attendre ses hauteurs et "Cold Blooded" rappelle "When the Night Comes Down". Mention spéciale à "Crossfire", qui pompe allègrement l'intro du morceau "I" de Black Sabbath.
Il serait facile de tout mettre sur le dos du petit nouveau, Richie Faulkner. Si son talent de guitariste est indéniable, preuve en a été faite lors de la tournée Epitaph, le remplaçant de K.K. Downing se montre moins fin et travaillé dans ses interventions, ce qui a tendance à jurer avec les solos appliqués (mais pas toujours inspirés) de Glen Tipton. On aurait préféré une interprétation plus soignée de sa part.
Côté vocal, on voit que Rob Halford est quelque peu à la peine. Si Nostradamus se prêtait plus à l’émotion qu’aux envolées puissantes, ce n’est pas l’ambition de Redeemer of Souls, sur lequel le chanteur semble bridé. Les célèbres screams sont toujours présents, mais les effets vocaux aussi, ce qui peut inquiéter sur les performances du chanteur. Malgré ses limites, ce qu’on peut comprendre étant donné son âge, le Metal God sait se montrer resplendissant et chanter comme si sa vie en dépendait sur certains passages de bravoure comme le pont de "Cold Blooded" ou les couplets de "Battle Cry".
Pas forcément victime du changement, Judas Priest semble victime de gourmandise. Avec un album trop rempli et trop vite écrit, le groupe n’a pas su mettre en avant ses bonnes idées et supprimer les passages (ou chansons) qui n’allaient pas. Du coup, Redeemers of Souls est décevant, non seulement pour son lest, mais aussi parce qu’on ne peut s’empêcher de penser qu’il aurait pu être meilleur, car l’inspiration ne semble pas totalement éteinte.