Un règne menacé ?
En ce 4 juillet, on peut le dire, le Zénith de Paris était majoritairement rempli de vrais fanatiques de métal : nous étions un soir de match de coupe du monde, et de notre équipe nationale qui plus est ! Par ailleurs, deux des trois groupes présents sur l’affiche s’étaient produits la veille à moins de deux cents kilomètres au Main Square Festival. Toujours pas de nouvel album pour Slayer, les rois de la branche extrême du thrash métal, et le concert commençait bien tôt pour les malchanceux qui n’étaient pas en vacances.
Ajoutez à cela l’annulation de Anthrax (et des invités inconnus mentionnés sur certains billets mis en vente) et vous obtenez un concert qui n’a probablement pas eu le succès commercial escompté, malgré toutes les promesses qu’il donnait sur le papier. Qu’importe, c’est Slayer, n’est-ce pas ?
Ghost
A 18 heures pétantes donc, Ghost investissait la scène du Zénith. Véritable coqueluche de la scène métal depuis un peu plus d’un an, les masqués étaient de retour à la capitale après un premier passage à Paris en ouverture d’In Flames en 2011. On entend donc avec plaisir la mystique et incantatoire « Masked Ball » de Jocelyn Pook, un choix de goût et idéal pour installer une ambiance adéquate avant l’arrivée des goules sur scène.
Malheureusement, dès « Year Zero », on se rend compte que le son manque sérieusement de netteté. Il y a manifestement trop de basse, particulièrement pour la grosse caisse de la batterie qui vient littéralement marcher sur les plates bandes des guitares, quel dommage. Heureusement, Ghost compense avec un show bien théâtral, et une musique qui reste bien accrocheuse, malgré une mise en son ratée. Le public est d’ailleurs chaud bouillant d’entrée de jeu, ce que Papa Emeritus II accueille avec plaisir, d’un accent faussement exagéré plutôt amusant à entendre. Comme au Main Square hier, le set est axé sur les tubes du premier album du groupe, ce qui n’aura pas manqué de décevoir les amateurs d’Infestissumam.
« If You Have Ghosts » de Roky Erickson est l’exemple parfait de la reprise qu’un groupe s’approprie totalement. C’est bien simple, on croirait que la chanson a été écrite par Ghost, alors qu’en écoutant l’originale, on aurait bien du mal à associer les deux morceaux sans savoir que l’un est une reprise de l’autre. Après un « Ritual » bien tubesque, les goules masquées nous disent déjà au revoir, sur ce qui est désormais le final obligatoire de tout concert de Ghost : « Monstrance Clock ». Comme le dit Papa Emeritus lui-même, les paroles sont stupidement simples, mais c’est là justement la force de la chanson, associée à des arrangements qui sont taillés pour les concerts. Ghost aura donc prouvé le potentiel qu’il a en live, même un meilleur son aurait sans doute permis d’apprécier encore plus ce concert.
Setlist :
Year Zero
Con Clavi Con Dio
Elizabeth
Prime Mover
Stand by Him
If You Have Ghosts (cover)
Ritual
Monstrance Clock
Mastodon
La salle n’est pas beaucoup plus remplie lorsque le combo d’Atlanta démarre son set, mais les musiciens n’en ont cure, et démarrent sur les chapeaux de roue avec « Black Tongue », tirée de l’excellent album The Hunter. Heureusement pour eux et pour nous, le son est bien meilleur. Pas impeccable, mais il permet de comprendre ce qu’on écoute. Et c’est le plus important, particulièrement avec un groupe à la musique fouillée comme Mastodon.
« Divination » nous révèle Brent Hinds et Troy Sanders meilleurs qu’ils n’ont jamais été au chant. Certes, en concert, ils reviennent de loin, mais c’est vraiment agréable de les voir enfin maîtriser l’organe en concert, alors que c’est probablement la principale critique qu’a essuyé le groupe depuis le début de sa carrière. Mastodon n’oublie pas non plus de nous interpréter quelques chansons de son répertoire plus technique et alambiqué, comme l’instrumental « Bladecatcher », avec un Brann Dailor toujours impérial à la batterie, ou « Capillarian Crest ».
Le groupe est toujours aussi peu loquace par rapport au public, mais qu’importe, la performance est là. « Naked Burn » ne fait d’ailleurs que le confirmer, et embrase littéralement le Zénith. De son côté, Bill Kelliher semble beaucoup plus enjoué que d’habitude, lui qui est normalement très réservé. Peut être est-ce l’annonce du fait que Once More 'Round The Sun est numéro un des charts rock aux USA au moment du concert qui le rend jouasse ? Nous n’en saurons pas plus. La setlist est quant à elle bien répartie sur l’ensemble des albums du groupe, à l’exception de Remission, qui est censuré ce soir. Les titres du nouvel album passent très bien le cap du concert, même si " Chimes At Midnight " manque peut être un peu de dynamisme pour l’exercice.
Mastodon aura donc parfaitement assuré son boulot ce soir-là. Le quatuor a réussi à bien chauffer la salle, alors que nous sommes en face de fans de Slayer, qui sont souvent bien difficiles à convaincre. Clairement, le groupe est au zénith de sa forme, et on ne peut que souhaiter que ça dure !
Setlist :
Black Tongue
Divinations
Capillarian Crest
Bladecatcher
Crystal Skull
Naked Burn
Megalodon
The Motherload
Blasteroid
Chimes at Midnight
High Road
Bedazzled Fingernails
Aqua Dementia
Slayer
Que reste-t-il de Slayer aujourd’hui ? Pas grand-chose sur le papier. La planète métal se remet doucement du décès d’un de ses architectes l’année dernière. Mais le groupe s’en remet-il lui ? Il est sans doute trop tôt pour le dire, compte tenu de l’impact de la disparition de Jeff Hanneman pour Slayer. Exit Dave Lombardo, re-bonjour Paul Bostaph, pourquoi pas ? Ce dernier est effectivement un très bon batteur, mais on aura beau dire, on aura beau faire, on sent clairement la différence lorsqu’il reprend les parties de Dave. Est-il complètement remis de la blessure qui l’avait empêché d’enregistrer avec Testament ? Difficile à dire.
Evidemment, Slayer tente le diable, en commençant le concert sur « Hell Awaits » enchaîné avec « The Antichrist », comme sur la tournée Decade of Agression il y a presque 23 ans. Et la setlist dans sa globalité a tout pour faire rêver le thrasher en herbe avec ses allures de best of the best de Slayer, si on enlève le morceau raté d’un album qui l’est tout autant, « Hate Worldwide ». Et c’est d’ailleurs là que se situe le débat. Aujourd’hui, le groupe vit, comme beaucoup de formations anciennes de la scène, sur son passé. A ceci près que le dernier bon album de Slayer a presque huit ans.
Qu’avons-nous vu ce soir ? Un public, certes, complètement acquis à la cause des américains, avec moult circle pits et pongos générateurs d’ecchymoses. Le son était bon, en étant pas trop rapproché de la scène, et les musiciens plutôt bons, notamment la paire d’artilleurs Kerry King/Gary Holt. Mais le tout est souvent ralenti... Et même si certaines chansons du groupe peuvent s'apprécier en étant jouées plus lentement, ce n'est pas le cas de la majorité de leur répertoire.
De son côté, Tom Araya a fait le service minimum pour la communication avec le public, se contentant de regarder le public en souriant, ponctué de quelques remerciements au public d’être venu malgré tout. Soyons clair, cela n’a pas d’importance, d’autant plus que le chanteur n’a jamais été un grand bavard, mais le problème est que l’on a en conséquence la désagréable impression d’être en face d’un groupe qui est monté sur scène, a enclenché le pilotage automatique, et advienne que pourra. Donc oui, Slayer reigne encore sur le thrash metal, mais c’est uniquement sa musique et son effet sur le public qui ont fait le boulot ce soir. La performance du groupe en elle-même ne présage rien de particulièrement brillant pour le groupe, propos confirmé par le dernier single du groupe, qui est cependant plus engageant que ce qu’on a eu sur World Painted Blood. Bref, si Slayer n’y prend pas garde, ce n’est plus uniquement à Jeff Hanneman qu’on dressera une bannière hommage « RIP », mais au groupe entier. Affaire à suivre.
Setlist :
Hell Awaits
The Antichrist
Necrophiliac
Mandatory Suicide
Captor of Sin
War Ensemble
Disciple
Postmortem
Hallowed Point
At Dawn They Sleep
Die by the Sword
Spirit in Black
Hate Worldwide
Seasons in the Abyss
Chemical Warfare
Dead Skin Mask
Raining Blood
Black Magic
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South of Heaven
Angel of Death
Reportage par Tfaaon
Photos : © 2014 Nidhal Marzouk / Yog photography
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