Blues Pills – Blues Pills

J'en suis convaincu, le phénomène Blues Pills est certainement déjà arrivé à vos oreilles d'une manière ou d'une autre. Dans une conversation sur les nouveaux groupes à écouter d'urgence, ou encore (et je l'espère!) sur les ondes de La Grosse Radio, qui sait. Cette formation basée en Suède, et composée de musiciens suédois / américains / français (comprenant par ailleurs d'anciens membres de Radio Moscow) a fait son bout de chemin à base de démos, d'EPs, de diverses représentations dans des festivals en Europe … pour atterrir, avant même la sortie d'un premier album, sur la maison de disque Nuclear Blast. Voilà donc une opportunité de taille pour ce combo, qui peut y voir ici une façon d'accéder à une importante popularité de manière bien plus conséquente. Encore faut-il que le format physique tienne la route pour notre jeune quatuor car, si les prestations scéniques sont à la hauteur (et notamment au Hellfest 2014), il est bien connu qu'il existe des groupes fédérateurs en concert mais paradoxalement incapables de tenir la route en studio (par de noms, histoire de ne froisser aucune sensibilité). Blues Pills est-il de cette catégorie?

En jetant un coup d’œil à la tracklist de cet opus éponyme, on se rend compte qu'une grande partie des morceaux proviennent des précédentes réalisations. Le combo suédois serait-il adepte du recyclage? Heureusement, tous ont été, pour l'occasion, revisités afin d'offrir aux auditeurs une version différente de celle qu'ils ont pu découvrir auparavant. Ainsi, la mouture comprend trois pistes écrites spécifiquement pour cette galette, six anciennes pièces déterrées et retravaillées, parfois même rebaptisées (« Bliss » devenant « Jupiter », par exemple) ainsi qu'une reprise de Chubby Checker, « Gypsy ». Démarrant sur « High Class Woman », le quatuor reprend là où on l'avait laissé avec l'EP Devil Man, dans une veine blues / rock aux accents psychédéliques toujours aussi maîtrisée et prenante. C'est le ton général qui sera donné tout au long de l'offrande. Les musiciens effectuent là un véritable voyage dans le temps et remontent jusqu'aux années 60 / 70, un style qui recommence à connaître un engouement conséquent mais force est de constater que, dans la masse des groupes retro, on tient là une formation bien au-dessus du lot, se démarquant très nettement.

Blues Pills

Blues Pills, keep on shining.

Cette ouverture pose les bases : structure variée, montée en puissance sur le refrain, break atmosphérique puis reprise de l'énergie sur la fin, la recette est simple mais efficace et surtout terriblement bien composée. Et, surtout, la piste permet à la jeune frontwoman Elin Larsson de conforter sa place en tant que véritable figure de proue de la formation. Sa voix, véritablement habitée, fait mouche immédiatement tant la puissance qu'elle lâche y est jouissive et montre des capacités vocales surprenantes. Les comparaisons flatteuses avec Janis Joplin ne cesseront pas après une telle performance. Placer toute la réussite sur les épaules de la jeune femme ne rendrait cependant pas justice aux autres membres de la formation qui contribuent à créer un disque où chaque morceau, ou presque, parvient à tirer son épingle du jeu et à se révéler comme indispensable.

Le seul moment de faiblesse de l'opus viendra de … « Devil Man ». Érigé comme l'hymne incontournable de Blues Pills grâce à l'EP du même nom, le remaniement proposé ici est sympathique, mais presque terne par rapport à la version antérieure. Amputée de son intro a capella qui mettait tout le monde d'accord quant aux capacités d'Elin, la piste se veut plus directe, plus accrocheuse avec des riffs plus denses, mais bien que l'on reste en présence d'un titre bien écrit, il manque un point d'orgue pour faire adhérer complètement l'auditoire, et ce en dépit de la superbe voix de la chanteuse qui se déchaîne, ainsi que d'un solo inspiré de Dorian Sorriaux. Ce regret mis à part, force est de constater que les ambiances plus intimistes, aériennes aux inspirations blues marquées réussissent aussi bien au groupe que leurs compositions portées sur des riffs plus imposants  : que ce soit « No Hope Left For Me » qui évoque plus que jamais Janis Joplin, « Black Smoke » agrémentée, cette fois-ci, de guitares sur son refrain afin d'offrir plus de pêche au morceau, « Astralplane » qui porte son nom à merveille ou encore la conclusion « Little Sun », rafraîchie elle aussi dans une version ballade émouvante, chaque piste trouve sa place, offre un équilibre dans le disque, trouve des influences variées et ni l'effet de lassitude, ni la linéarité ne viendront gâcher la fête.

Alternant donc entre des moments rythmés et entêtants (« Ain't No Change », « Jupiter », « Gypsy ») et des incursions délicates et chaleureuses, maîtrisant son propos dans un cas comme dans l'autre, cette offrande éponyme est un succès tant au niveau de l'interprétation de ses créateurs que dans l'écriture des pièces composant ce premier album. Avec un tel talent, nul doute que les Blues Pills parviendront à faire parler d'eux pendant quelques temps encore, et ce dans des termes plus qu'élogieux. Voilà donc une formation qui confirme toutes les promesses et les espoirs placés en elle, et dont le futur sera surveillé avec le plus grand intérêt. Un opus de grande classe.

Note finale : 8,5/10

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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