Le trône de King Fu Manchu en danger?
Il me semble désormais inutile de vous présenter Fu Manchu, tout simplement car la réputation de ce combo américain n'est plus à faire aujourd'hui. Devenu un pilier de la scène stoner, véritable inspiration d'une partie des groupes issus de cette mouvance, le quatuor sort désormais ses galettes avec un public toujours au rendez-vous. Fait normal, il est vrai, car la qualité des sorties du combo américain est assez constante. Du coup, la déception est rare, mais l'effet de surprise également, et il est souvent reproché aux quatre musiciens de faire toujours la même chose, sans changer la recette d'un iota et d'appliquer systématiquement des éléments trop similaires. Ne reste plus qu'à Gigantoid la lourde tâche de faire taire ces mauvaises langues.
Mais ces colporteurs de vilains ragots ont finalement raison, semblerait-il. En effet, livrant la marchandise de manière on ne peut plus classique, il est difficile d'affirmer que ce coup-ci, on sera véritablement surpris par le groupe. La formule est effectivement encore et toujours la même, avec une fois de plus cette emprunte personnelle à la formation que l'on retrouve avec plaisir, mais pour les nouveautés réelles, on peut concrètement aller se faire voir. Appliquant un stoner rock énergique semblant provenir tout droit des années 70, l'effet machine à remonter dans le temps fonctionne toujours bien qu'on en vienne à avoir de sérieuses craintes quant à un épuisement plus ou moins rapide de cette recette. Maintenant, il reste tout de même de bonnes nouvelles : si le renouvellement est quasi-inexistant et que les compositions peuvent apparaître comme prévisibles, le quatuor est en forme et fait de son mieux pour nous envoyer en pleine figure des titres solides, qui accrochent l'oreille rapidement. Et devinez quoi? C'est une réussite de ce côté là.
Toujours emmené par un Scott Hill en forme au chant, les amateurs de stoner se plairont à découvrir une piste atteignant presque huit minutes, « The Last Question », qui vient conclure ce Gigantoid avec succès. Garantie sans longueurs gênantes ni mollesse, la pièce finale se paye le luxe de développer une ambiance calme aux sonorités spatiales, qui nous permet de terminer ce voyage apaisé. Le combo ne manque pas d'idées, et se permet d'inclure également des morceaux très courts à ce disque. Ainsi, « No Warning » est une mixture stoner / punk de bonne facture, là où « Triplanetary » évoque le Fu Manchu connu de tous, mais n'hésitant pas à offrir une belle débauche d'énergie. L'une des forces de cette mouture est de ne proposer aucun titre faiblard, garantissant ainsi une écoute bien tranquille, mais manquant d'emballer pleinement à cause de cet aspect vu, revu et déjà entendu. Le recyclage des bonnes idées permet à la formation de sortir la tête de l'eau pour le moment et de s'assurer une crédibilité dans le milieu, mais quand la créativité passera à la trappe, la chute n'en sera certainement que plus dure.
On attend la prochaine manche.
Gigantoid est donc une œuvre de plus au compteur de Fu Manchu, dont ce nouvel opus mérite l'écoute par sa qualité et ses morceaux bien ficelés (« Dimension Shifter », « Invaders on My Back », « The Last Question », …). Seulement, à force d'user les mêmes composants, la formule pourrait devenir éculée un jour ou l'autre, et si le quatuor américain se montre actuellement toujours en forme, le fait de ne s'appliquer qu'à refaire la même chose sans chercher plus loin amènera inévitablement une dose de lassitude. Ne reste plus qu'à voir si, pour sa prochaine sortie, le combo d'outre-Atlantique nous prendra par surprise... mais j'ai comme un doute là-dessus. Pas vous?
