"Il y a des qualités que tu tiens à garder quand tu composes"
Avec Light of Dawn, Unisonic montre que ce n'est pas un groupe d'un seul album, mais un projet sérieux. Pour promouvoir cet album, Michael Kiske (chanteur) et Dennis Ward (bassiste) ont parlé de l'évolution du groupe, des thèmes évoqués ainsi que de leurs projets d'avenir, dans une bonne humeur palpable, preuve que l'ambiance est au beau fixe dans le groupe.
Bonsoir Michael et Dennis et merci de nous accorder cette interview. Parlez-nous du titre de l’album, Light of Dawn.
Dennis Ward : A la base, c’était le titre de la chanson "Throne of the Dawn". Ensuite, quand on nous a montré la pochette de l’album, Michael a eu l’idée de mettre le soleil en arrière-plan pour intensifier le tout. L’aube [dawn en anglais] est quelque chose de positif, c’est un départ frais, du coup on a voulu utiliser cette idée. Ça correspond bien à l’ensemble de l’album, c’est pour cela qu’on l’a choisi.
Du coup, de quoi parle la chanson "Throne of the Dawn" ?
Dennis : La chanson évoque le fait que Jésus et Lucifer étaient utilisés à deux moments différents dans la bible pour représenter l’étoile du matin. On en a fait une fiction où ils combattent et j’en ai tiré quelques métaphores.
Parlons de l’imagerie futuriste de la pochette.
Dennis : Ça a commencé au moment où l’un d’entre nous a lancé l’idée du steampunk. Je n’avais aucune idée de ce que c’était, mais je me suis rendu compte que j’en avais vu toute ma vie sans jamais l’identifier. Ensuite on a eu l’idée de faire un ovni en U [comme Unisonic et UFO en anglais] et ça nous a plu.
Musicalement, l’album sonne plus metal, est-ce voulu ?
Dennis : Non, J’ai juste écrit comme je le sentais et c’est arrivé comme ça ! [rires]
Michael Kiske : Il a quand même fait quelques recherches. J’ai dit que j’étais plus à l’aise vocalement avec les mélodies épiques et qu’il y avait aussi des trucs que je n’aimais pas, comme les trucs rapides et monotones. Je préfère les chansons classiques avec des mélodies importantes. Du coup, il s’est mis à écouter les albums sur lesquels j’ai chanté, comme les albums d’Helloween, notamment les deux Keeper of the Seven Keys, mes albums solos, les albums d’Avantasia… Et il a écrit toutes ces chansons, beaucoup pensent que c’est Kai Hansen [guitariste], mais il n’a rien écrit, il était trop pris par l’album de Gamma Ray. J’en ai écrit trois dans mon propre style et Dennis a écrit 70 à 80% de l’album.
Dennis : 300% ! Mandy Meyer [guitariste] a aussi écrit un peu, Kai a juste ajouté quelques idées çà et là, mais il n’a pas eu le temps d’en faire plus.
On remarque malgré ça une envie de ne pas se répéter.
Dennis : Il y a des qualités que tu tiens à garder quand tu composes. Tu peux chercher à savoir comment et pourquoi, mais on écrit nos chansons et voilà ce qui en sort. J’ai fait des recherches sur la voix de Michael, ce qu’il a fait, ce qu’il a traversé et je m’en suis servi pour faire les meilleures chansons possibles.
Michael : Et ça a payé !
Parlons de la production de l’album.
Dennis : J’ai fait le gros du travail. Ce n’était pas un gros challenge, puisque c’est mon métier, cette fois je suis aussi compositeur et interprète dans le disque, mais ce n’est pas énorme, j’ai accompli la tâche comme il fallait. Kai n’a pas eu le temps de s’impliquer autant qu’avec le premier, où il était co-producteur, mais ça a été.
Michael : Je pense que ça l’a soulagé d’entendre la qualité du résultat. Parce que ça met la pression de devoir finir un album alors qu’il y a un autre groupe important pour toi qui travaille sur un disque. On a fait quelques interviews ensemble en Allemagne et il a trouvé Light of Dawn meilleur que le premier, malgré le fait qu’il n’y ait pas trop participé. La prochaine fois, il sera impliqué à 100% et ce sera encore mieux.
Dennis : Par contre, il a bien enregistré toutes ses parties. Ce n’était pas évident de s’accorder, car il avait une tournée à assurer. Du coup, il a enregistré deux titres avant de partir, "For the Kingdom" et "You come Undone", pour l’EP et quand il est revenu, il a tout enregistré, ce qui représentait beaucoup de travail d’un coup, mais on a réussi à le faire !
Unisonic contenait des paroles assez sérieuses, comme "No One Ever Sees Me". Cela semble être le cas ici aussi, avec notamment Night of the Long Knives.
Dennis : Oui, ça parle de Hitler qui tue les gens autour de lui, c’est en voyant un documentaire dessus que j’ai été inspiré. Je suis un fan d’histoire, de sciences aussi. La chanson était déjà écrite, la thématique était différente, mais "Night of the Long Knives" correspondait parfaitement au refrain et le sujet était très intéressant, j’aurais pu écrire des heures dessus. Du coup, j’ai demandé aux gars s’ils avaient un problème avec ce thème, c’est un peu touchy…
Michael : Ça dépend toujours de la manière dont on en parle. Tant qu’on n’en dit pas du bien mais qu’on fait que décrire ce qu’il s’est passé pour qu’on puisse en apprendre quelque chose, là on voit à quel point les gens peuvent devenir fanatiques après un lavage de cerveau. Peut-on imaginer ce qui serait arrivé si Hitler n’avait pas été renversé ? Imagine une nouvelle génération élevée de cette manière. Des petits enfants dont on lave le cerveau dès le début, c’est le cas dans certains pays. On se retrouve avec une génération entière de fanatiques.
Quels sont les autres thèmes que vous évoquez dans les paroles ?
Dennis : Il y a "Exceptionnal", qui parle d’une personne qui devient ce qu’elle veut. Quand tu idéalises quelqu’un, il est tout ce que tu veux pour toi. Il y a aussi "When the Deed is Done", que j’aime beaucoup et que j’ai aussi écrite après avoir regardé un documentaire, elle parle d’un bourreau.
Michael : Oui, un très bon sujet, comment tu te sens quand exécuter des gens est ton travail ? On se met à sa place, ce n’est pas nécessairement une mauvaise personne. C’est horrible, certains le font, la question n’est pas de savoir si tuer des gens comme ça est bon ou mauvais, mais il l’a écrite en se mettant à la place d’une personne qui doit le faire.
Dennis : Bien dit ! Je dis à un moment : "Pull the lever that can be pulled by anyone" [trad : tire le levier que n’importe-qui peut tirer]. Le travail est fait, mais comment il se sent, est-ce que ça le travaille ? J’en ai fait une histoire qui m’a beaucoup plu. On va partout avec nos paroles, on n’a pas de direction définie.
Michael : j’ai écrit une chanson, "Blood", à laquelle j’ai pensé après une bagarre avec mon frère. Je l’aime beaucoup, mais des fois, ça arrive. Cela n’a pas duré longtemps, mais c’était intense. La chanson n’a pas nécessairement de lien direct avec ce qu’il s’est passé, on a une relation spirituelle, mais j’y émets l’idée que le fait d’avoir le même sang ne veut pas dire qu’on s’aime. Il y a des familles dans lesquelles les membres se détestent entre eux. L’amour se pose à des degrés différents. Tu peux avoir une amitié claire entre deux hommes, sans référence sexuelle. Nous vivons dans une époque où, si on veut s’aimer, il faut oublier les liens du sang. Il faut oublier le racisme, les nationalités, et se voir comme des êtres humains et trouver une relation spirituelle entre nous. Ça doit être un des fondamentaux de notre futur. Bien sûr que les hommes politiques doivent s’occuper de leur pays, c’est même bien d’être fier de son propre pays et de sa culture, mais il ne faut pas se dresser contre les autres, qui sont humains comme toi et moi. C’est arrivé en Allemagne, un pays uniquement centré sur lui-même et ça n’a rien de bon. Ce que j’aime avec mon métier, c’est que j’ai commencé à voyager dans le monde entier à 18 ans. J’ai constaté qu’on était tous les mêmes. Nous avons des différences, certes, mais elles sont belles. Ce ne sont que des couleurs culturelles, mais la base reste la même, avec les mêmes aspirations et les mêmes craintes. Je ne veux pas qu’on soit tous les mêmes, mais on ne doit jamais s’isoler et exploiter les autres, qui ont les mêmes droits. Je suis d’ailleurs pour l’Europe sur le principe, il faut s’occuper d’un pays qui va mal et trouver des solutions, pas uniquement sur l’aspect politique et financier, mais à d’autres niveaux. La mondialisation économique est dangereuse, mais la mondialisation morale est spirituelle me plait. C’est de ça que parle "For the Kingdom". Ce monde est notre royaume. Il faut l’accepter et agir dans cette direction. Je pense que les pays devraient en finir avec les guerres, qu’ils arrêtent de s’entretuer. On veut tous être intelligents, appliquons cela !
Parlant de "For the Kingdom", avez-vous décidé vous-même de la mettre en avant ?
Dennis : Oui, on a décidé très tôt de la sortir en EP. Je ne sais pas, on peut dire qu’elle représente bien l’album et l’évolution d’Unisonic.
Parlez-nous de vos prochaines tournées.
Dennis : Les tournées avec Edguy ont déjà été annoncées, on va jouer avec eux en Allemagne, au Japon aussi, où on sera deux têtes d’affiche. Et si tout va bien avec les ventes et ces dates, on compte faire une bonne tournée en tête d’affiche début 2015.
Michael : Edguy a de nombreux albums et tournées derrière lui, avec une fanbase établie. Ils ont une position forte. On aurait pu faire une tournée en tête d’affiche aussi, mais c’est mieux de commencer doucement, avec un groupe comme Edguy qui a un bon public et on pense que c’est une bonne combinaison.
Parlons de vos autres projets, vous avez notamment sorti un nouvel album avec Place Vendome en 2013.
Michael : J’ai accepté de le faire juste pour mettre fin au contrat. Je dois à Serafino Perugino [fondateur du projet et président de Frontiers Records] un autre album solo. Je l’aime bien, on peut accomplir de grandes choses avec lui et il est toujours réglo, mais quand je sors un album, ils le publient et c’est tout. Je veux faire un autre projet solo avec un ami, bien meilleur que ce que j’ai fait avant et totalement différent d’Unisonic, ce sera assez ouvert, pas metal cependant.
Dennis : Je dois faire un autre album avec Khymera, que je compte bien finir, sinon je suis à fond avec Unisonic en ce moment.
Au point où vous en êtes dans vos carrières respectives, qu’est-ce que ça fait de se dire qu’on commence un tout nouveau groupe ?
Michael : Au début, je n’étais pas sûr de moi, si j’allais être bien reçu sur scène, si ça me plairait, parce que ça faisait longtemps que je n’étais pas monté sur scène. Il y avait donc beaucoup de pression, mais ça a très bien marché et maintenant tout va comme sur des roulettes. Et le public est génial, ça aide beaucoup.
Dennis : C’était magnifique, ça faisait un moment que je n’étais pas monté sur scène aussi. Je me souviens de notre concert devant 10 000 personnes à Loud Park (Tokyo) après avoir intégré Kai Hansen, et je me sentais comme dans un film. C’était notre premier concert avec Kai, du coup, c’était encore plus spécial.
Photos : ©2014 Fanny Storck.
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