La brutalité au service du mal
Les Autrichiens de Belphegor sortent leur dixième album, intitulé Conjuring the Dead. De ce disque dégage une très forte odeur de soufre, tant l’ensemble est brutal et agressif. Cependant, la musique présentée est loin d’être primaire et le groupe arrive à servir en à peine plus d’une demi-heure un album dense et assez varié, avec un travail remarquable sur les arrangements. De quoi donner envie de faire un voyage express vers l’enfer.
Brutal. C’est le premier mot qui vient à l’esprit à l’écoute de Conjuring the Dead. Belphegor n’est pas connu pour faire dans la dentelle, mais le groupe va ici encore plus loin dans l’agressivité que Blood Magik Necromance. Et l’auditeur est direct propulsé dans le vif du sujet avec le morceau d’ouverture "Gasmask Terror", qui donne un coup de trique dès la première seconde sans crier gare.
Le ton est donc donné. Marthyn s’en donne à cœur-joie en martyrisant sa batterie avec une grande rapidité d’exécution pendant qu’Helmut et Schoft s’excitent sur leurs guitares, balançant riffs dévastateurs et solos apocalyptiques que n’aurait pas reniés Kerry King (Slayer) pendant que Serpenth lie le tout avec des lignes de basses qui suivent la lancée. Mélangeant black et death metal à la perfection, Belphegor bourrine à tout-va.
Mais l’agressivité n’est pas la seule qualité des Autrichiens. Car on décèle derrière cette avalanche de décibels une écriture soignée, avec un grand sens de la transition, ce qui fait que l’ensemble reste fluide et toujours cohérent. Les changements de rythme sont donc évidents, et ce malgré le fait qu’ils soient nombreux, notamment sur "Rex Tremendae Majestatis". Les structures changent aussi en fonction des besoins des chansons et peuvent parfois tromper l’auditeur, notamment sur "Flesh, Bones and Blood".
Les dix morceaux qui composent l’album se suivent, mais ne se ressemblent pas. Si la brutalité est de mise sur la très rapide "Black Winged Torment", les mid-tempos comme "Conjuring the Dead" et "In Death" ne sont pas en reste. Belphegor laisse même respirer l’auditeur avec l’instrumental mélodique "The Eyes" et quelques arrangements acoustiques bien sentis. Il arrive aussi à l’achever avec le dyptique "Lucifer, Take Her!" / "Pactum in Aeternum", à l’ambiance riche et macabre.
Si l’ensemble est le plus extrême possible, le groupe ne manque pas non plus de placer des refrains reconnaissables, notamment sur "Legions of Destruction", où Helmut est aidé par Glen Benton (Deicide) et Attila (Mayhem). Le hurleur déverse toute sa rage sur l’ensemble des chansons et se montre très crédible, avec un registre vocal qui couvre le chant black et le chant death, toujours utilisé de manière juste.
Avec Conjuring the Dead, Belphegor délivre un album concis et complet. Si le metal extrême vocifère sa haine depuis bientôt 30 ans, ses partisans sont toujours créatifs et arrivent à repousser leurs limites en termes de brutalité, sans jamais oublier de soigner leur œuvre et de l’orner d’arrangements de qualité, sans jamais perdre de vue le propos principal. Un album habile et diablement accrocheur.