DragonForce, l’album de la maturité ?
Voilà, la question qu’on pouvait se poser en découvrant la 6ème offrande des britanniques. Après une carrière démarrée sur les chapeaux de roues avec l’épique Valley Of The Damned, le groupe s’était petit à petit perdu dans les abysses insondables de la démonstration technique avant de trouver un second souffle avec The Power Within en 2012 et l’arrivée du chanteur Marc Hudson en remplacement de ZP Theart. Un album plutôt prometteur, mélange entre technique et sensibilité qui présageait d’une évolution positive pour le combo, pour atteindre une véritable maturation de sa musique.
Le problème, c’est que ce ne sera pas pour cette fois. Curieusement, l’évolution de DragonForce est à l’opposé de son style musical : très lente à se mettre en place. Soyons clair, Maximum Overload n’est pas mauvais, mais bien trop inégal, plombé par des chansons sans réelle inspiration. C’est d’autant plus dommage qu’il contient certainement les chansons les plus intéressantes proposées par le groupe depuis très longtemps.
Encore une fois de façon assez curieuse, alors que dans la plupart des albums les chansons un peu moins inspirées se placent en fin d’écoute, on les trouve ici dès le début. Les trois premières chansons ont en effet de quoi rebuter toute personne peu familière ou tout simplement en surdose de la musique estampillée DragonForce. C’est technique, rapide, supersonique, mais… C’est tout. Si l’opener "The Game" est potable, notamment grâce à l’intervention de Matt Heafy qui ajoute une variation appréciable, le passable "Tomorow’s King" commence à inquiéter puis le catastrophique "No More" provoque vraies interrogations et envies de fuite. Mais après plus de 10 minutes passées au même tempo, les rythmes se diversifient et les bonnes idées commencent à arriver.
Et des bonnes idées, il y en a à foison, rendant la suite de l’album plus que plaisante à écouter. "Three Hammers" évoque à première vue un Sabaton repris à la sauce DragonForce avec un refrain qui reste en tête longtemps après l’écoute, avant de basculer dans une partie épique au moyen d’un break étonnant, limite thrash metal. Le groupe ose, teste de nouveaux éléments en les mixant toujours avec ce qui a fait sa renommée, le son de guitare caractéristique, à la frontière avec le jeu vidéo (filiation assumée avec humour dans le break groovy d’"Extraction Zone") et les solos toujours aussi endiablés d’Herman Li et Sam Totman. Et que dire de la reprise improbable de "Ring Of Fire" de Johnny Cash, à déconseiller absolument à tout puriste de l’homme en noir, tant la chanson est modifiée, accélérée et retouchée. Si certains crieront au blasphème, DragonForce a au moins le mérite d’être allé au bout du bout de sa démarche sur ce titre qui clôt l’album.
Globalement, les musiciens assurent le boulot sans révolutionner leur savoir-faire, mention spéciale à Vadim Pruzhanov et Fred Leclercq, le premier dont les nappes de clavier surplombent le tout sans en faire trop et le second qui continue d’impressionner par son jeu de basse complet. Le chanteur Marc Hudson, très critiqué depuis son intégration, offre ici une prestation plus mature, bien que pas totalement maitrisée. On sent en tout cas sa volonté de varier les registres. Malgré tout, on se demande pourquoi s’obstiner à monter dans des aigus parfois pas indispensables quand on y sent le frontman à la peine (ceux de "Three Hammers" en sont l’exemple le plus flagrant…) alors qu’il est bien plus à l’aise sur les mediums où sa voix propose une palette assez large et agréable pour ne pas ennuyer, à l’image du potentiel qu’on avait pu apercevoir sur "Seasons", de l’album précédent.
Agréable aussi, le travail de composition plus soigné qu’auparavant, avec des hommages un peu partout (à Rhapsody sur "Symphony of the Night" par exemple) et une longueur des chansons repensée. Si le groupe a toujours tendance à les réduire, il revient parfois ici à des titres frôlant les 7 minutes et qui pourtant n’ennuient jamais, au contraire de certaines chansons plus courtes mais loin d’être transcendantes comme la plutôt passe-partout "City Of Gold".
L’importance prise par Fred Leclercq dans ce processus semble faire un bien fou à DragonForce. Le français est d’ailleurs à l’origine de "The Sun Is Dead", qui reste le point fort de cet album et la preuve que le combo est capable de pondre des chansons avec du feeling et des variations. Les britanniques montrent là une facette étonnante de leur musique qui gagnerait à être explorée plus en profondeur, car elle révèle une alchimie de groupe qu’on sent peu habituellement dans leurs titres. Ce qui laisse (encore) augurer le meilleur pour la suite.
Cet album n’est donc toujours pas l’album de la confirmation pour la nouvelle direction musicale de DragonForce, trop inégal et parfois poussif, mais il contient cependant certaines de leurs meilleures chansons. S’ils parviennent enfin à éliminer les titres anodins qui semblent composés à la chaine sur le même tempo, on peut donc légitimement espérer une nouvelle fois le meilleur pour le prochain album du groupe. Cette fois ils n’auront plus d’excuses.