Une belle partie de foulard
Pas de vacances pour les amateurs de décibels extrêmes. Et pour cause : Suffocation était de retour en France, et avec une belle surprise au micro ! Cerise sur le gâteau, l'affiche était embellie par les belles pousses que sont Havok et Skeletonwitch. Retour sur une soirée bien éprouvante pour les cervicales.
Seita
Pour entamer cette soirée extrême, c’était à Seita, groupe de death/thrash moderne hollandais d’ouvrir les hostilités. Malheureusement, on est vite déçu par le son, qui manque beaucoup de précision, malgré un volume très élevé. Difficile de profiter de la performance dans ces conditions.
On a donc droit à un mélange de death et de thrash classique, avec pourtant une tentative d’approche moderne, comme en atteste la guitare 8 cordes du soliste. Pablo Minoli est d’ailleurs le seul des guitaristes à être vraiment audible, et il se débrouille plutôt bien, même si ses solos bluesy dénote vraiment avec l’ambiance plombée que tente de tisser Seita.
Malheureusement, les compositions manquent vraiment de mordant, d’originalité. Leur musique vient vraiment taper dans le bon vieux cliché du métal agressif, mais qui reste sans réel effet sur l’audience. Cette dernière semble sortir de son apparente torpeur sur le dernier morceau du set, mais une bonne chanson ne suffit pas pour faire un bon concert, malheureusement, a fortiori quand le son n’est pas bon.
Havok
Les deuxièmes à entrer dans l’arène sont Havok, du thrash américain infusé old school. Et c’est diablement efficace !. Ils mettent le feu dès leur arrivée sur scène, avec le chanteur/guitariste David Sanchez qui pousse la foule au mosh.
Le son est heureusement meilleur, quoique perfectible, et on peut regretter que la voix ne soit pas plus mise en avant dans le mix. David réclamera d’ailleurs plusieurs fois à l’ingé-son d’être monté dans les retours. Eh oui, difficile de jouer quand on ne s’entend pas. Mais ça n’empêche pas la machine Havok de tourner à plein régime, et de mouliner allègrement les cervicales du public. Entre deux riffs qui évoquent à la fois Megadeth et Annihilator, Reece Scruggs distille de très bons solos véloces et accrocheurs, exactement ce qu’il faut. Ajoutez à cela une section rythmique basse/batterie bien groovy et extrêmement bien en place, et le concert a très peu de chances de mal se conclure.
Avec le recul, le concert aurait vraiment gagné à avoir un son plus précis, mais le public n’en a cure, et prends son pied, avec moult pogos et headbanging à la clé. C’est d’ailleurs dans une salle chauffée à blanc que Havok quitte déjà la scène ! On regarde la montre, et on constate que le groupe a joué à peine plus de trente minutes. Voilà l’inconvénient d’affiches avec au moins quatre groupes : la durée des concerts en est souvent directement affectée. Dommage. Havok est sur la bonne voie, en tout cas.
Skeletonwitch
Malgré une orientation clairement extrême, cette affiche nous aura fait voir de tout, puisque la première partie n’est autre que Skeletonwitch, qui joue un thrash très direct, fusionné avec une rage black metal assez irrésistible. Même si les balances ont visiblement été réalisées pendant le changement de plateau, le son reste assez bon pour rendre le concert appréciable. On a donc droit à une belle décharge d’adrénaline, avec un chanteur qui a tout de l’attitude et de la voix du bon vieux chanteur de black. Chance Garnette est très en voix ce soir, et comme ses compères, est en bonne forme.
A l’écoute, on pourrait en fait penser que Skeletonwitch est le pendant américain de Kvelertak, avec un groove rock n’roll des plus appréciables. L’équilibre entre agressivité et mélodie est parfaitement pesé. Les musiciens sont, de plus, excellents et très bien mis en place, ça ne fait pas un pli. Il n’y a pas beaucoup de solos, et quand il y en a, ils sont peu démonstratifs. C’est clairement dans le riff qu’on trouve la substantifique moelle du squelette.
Chance adapte sa voix à la musique jouée, et peut passer de la voix black au growl death sans aucuns problèmes. De son côté, le public est conquis, les vociférations ne cessent de se faire entendre, et le mosh pit est toujours ouvert ! C’est donc le carton plein pour Skeletonwitch, qui arrive pleinement à convaincre sur scène. Encore une fois, le temps de jeu aurait mérité d’être plus long, mais n’oublions pas que c’est au tour de la légende de jouer.
Suffocation
Ce concert a tout de l’évènement pour les aficionados de Suffocation. Pourquoi ? Mais parce que Frank Mullen est de retour derrière le micro pardi ! Il avait arrêté les tournées depuis quelques années, jugeant l’exercice trop harassant et pas assez lucratif. Mais comme on dit chez nous : « il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis », et c’est avec plaisir qu’on accueille ce retournement de veste.
Dès les premières secondes du concert, Suffocation impressionne. Quelle puissance, boudiou ! Et quel son !! Incontestablement le meilleur de la soirée, et d’une précision chirurgicale. Les riffs forgés par Guy Marchais et Terrance Hobbs sont autant de coups de massue administrés au public. On passe à deux doigts du drame lorsque l’ampli de Terrance surchauffe. Aïe, c’est la panne, et elle arrive pendant une chanson. C’est d’ailleurs l’occasion pour remarquer que Suffocation garde toute sa puissance avec un seul guitariste ! Un mot : respect.
Pendant que les roadies s’escriment à résoudre le problème, Frank s’excuse pour ce contretemps, et déclare à l’audience qu’il est prêt à faire un mot d’excuse à tous les fans qui doivent travailler le lendemain. Il d éclare également être très heureux d’être de retour sur scène avec son groupe, et remercie les fans pour leur compréhension quant à son absence. Le problème d’ampli est résolu, et la furie repart de plus belle ! Tudieu, Frank n’a rien perdu de ses capacités vocales, qui sont toujours très impressionnantes. Et le bougre a une sacrée présence scénique, en plus de chanter avec un sourire quasi-permanent et une bonne humeur communicative. Côté setlist, nous sommes gâtés, avec le meilleur du répertoire de la longue carrière des pionniers américains, mention spéciale à « Funeral Inception » et son riff destructeur.
Le public est complètement happé par la performance de Suffocation, et il serait peine perdue de compter les slams et circle pits qui s’agitent en permanence ! Si la production du dernier album du groupe pouvait décevoir, c’est une toute autre affaire en concert. Ainsi, les titres de The Pinnacle of Bedlam arrivent bien plus à convaincre en live, notamment « As Grace Descends »
Entre les chansons, Frank Mullen tente de maintenir l’ambiance malsaine décrite par ses paroles avec des narrations morbides, mais elles ont du mal à vraiment convaincre. Qu’importe, quand la musique repart, la bévue est déjà complètement oubliée ! Cette grosse heure de set passe à la vitesse de l’éclair, et on arrive déjà à la conclusion avec « Infecting The Crypts », ultime chance pour tout le monde de prendre une dernière claque dans la poire. A vingt ans de carrière et à l’origine d’un bel héritage musical pour le death metal ; Suffocation se maintient comme un fer de lance du genre.
Reportage par Tfaaon
Photos : © 2014 Fanny Storck
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