Me voici avec la nouvelle mouture du groupe Semblant entre mes mains. L'équipe des chroniqueurs de La Grosse Radio regorgeant de plaisantins, j'avais bien l'opportunité de demander à l'un(e) d'eux de trouver un savoureux jeu de mot comprenant le nom de la formation faisant l'objet de cet article. Mais, hélas, j'ai pris la décision de vous dispenser de l'humour Ô combien raffiné de mes collègues, afin de me concentrer davantage sur l'aspect musical de ce Lunar Manifesto, second opus de cette bande en provenance du Brésil. La pochette, il est vrai, ne donne pas très envie d'en découvrir le contenu, et, cela reste tout à fait subjectif, mais affublé d'un nom comme celui dont il est question, les pires clichés du metal gothico-symphonique à chanteuse défilaient déjà dans mon esprit. Bref, ce n'était pas gagné. Mais qu'en est-il réellement?
Ce patronyme mis à part, l'autre élément remarquable de la musique délivrée par le combo brésilien est son professionnalisme. De la production à l'écriture des compositions en passant par les voix des deux vocalistes, l'ensemble sonne mature et résolument travaillé. Il est vrai que quatre années séparent cette nouvelle réalisation de la précédente sortie Last Night of Mortality mais les progrès accomplis par les musiciens sont nets. Ainsi, Semblant possède déjà les bases pour laisser une empreinte parmi le genre musical dans lequel il officie, à condition de ne pas être rebuté par les incursions extrêmes que les sept membres n'hésitent pas à ajouter, afin de distiller dans la formule proposée une touche plus sombre et agressive qui sied à ravir au groupe. Le propos est savamment équilibré entre des moments plus mélodiques, portés bien souvent par le chant féminin ou la voix claire masculine, et des interventions plus musclées où le growl s'en donne à cœur joie. On pensera parfois à un Epica récent quant à cette répartition des tâches mais le groupe sud-américain laisse de côté la grandiloquence symphonique pour un univers pour obscur et oppressant, rappelant de temps en temps Cradle of Filth.
Ces évocations ne tournent heureusement pas à la copie conforme. Certes, il est évident que les influences sont présentes mais les sept brésiliens ne se limitent pas à puiser parmi les plus grands pour former leur mixture. Le travail délivré sur ce Lunar Manifesto est cohérent, et possède tout de même une certaine personnalité. Ainsi, suivant une ligne directrice bien définie mais loin d'être rigide, l'album possède des morceaux ancrés souvent dans un registre similaire, capables cependant de se démarquer les uns des autres afin d'éviter tout sentiment de linéarité, l'un des pièges à éviter absolument lorsque l'on officie dans un tel registre. De ce fait, plusieurs pistes parviennent à tirer leur épingle du jeu et à faire mouche dès les premières écoutes : l'opener « Incinerate », à titre d'exemple, synthétise parfaitement le propos de Semblant. Oscillant entre des tournures rapides et incisives où le chant extrême domine et un refrain où les voix claires font leur apparition, cette piste offre une entrée en matière idéale pour se faire une idée quant à la teneur de ce disque. Ce départ est agréable mais la traversée, ponctuée par la prenante « What Lies Ahead », la sombre et intrigante « Bursting Open », ou la dévastatrice « Scarlet Heritage (Legacy of Blood Part. III) », ne cesse de surprendre et de plaire à l'auditoire. Le travail abattu par la formation est conséquent et cette volonté de laisser chaque piste convaincre est définitivement à souligner.
On a l'air méchant et on fait pas semblant.
Le combo peut également compter sur Mizuho Lin, qui se révèle en tant que frontwoman accomplie. La jeune femme possède un grain de voix tout à fait intéressant, plus grave et chaleureux qu'une majeure partie des chanteuses officiant sur cette scène, mais ne se prive jamais de moduler son chant afin de donner à l'auditeur une prestation variée montrant que ses capacités sont loin d'être limitées. Sergio Mazul, de son côté, ne fera certainement pas l'unanimité, tant ses hurlement peuvent se comparer parfois à une version améliorée de Dani Filth, mais celui-ci possède tout de même plus d'une corde à son arc grâce à un chant clair de qualité. Les interventions du duo sont loin d'être stéréotypées, et ne relèguent pas la douceur à la chanteuse, et les parties plus puissantes au chanteur. Le plan vocal se révèle donc très satisfaisant chez Semblant mais il reste à féliciter le groupe pour son sens de la mélodie, réussissant à offrir onze pistes parmi lesquelles les moments moins convaincants sont rares.
Offrant ainsi une seconde galette au goût savoureux, Semblant possède toutes les cartes en main pour se faire une place au soleil dans l'univers du ''gothic metal''. Les voix des divers protagonistes sont très bien intégrées à une musique diversifiée et soignée, qui ne possède que peu de longueurs. Bien sûr, si le propos n'est pas le plus original, on ne peut tout de même que féliciter avec enthousiasme ces jeunes musiciens pour le travail abattu. La suite devra confirmer tous les espoirs placés en eux, mais rien ne vous empêche d'apprécier Lunar Manifesto à sa juste valeur. Finalement, et si la relève venait d'Amérique du Sud?