Machine à remonter le temps
Mon collègue Sanguine_sky n'a pas manqué de vous parler des deux premières réalisations des marseillais de Whispering Tales, pointant du doigt une qualité de composition évidente mais également une production décevante. Forcément, vu le résumé, j'étais plutôt impatiente de poser une oreille sur ce Mechanism, deuxième album du combo après l'EP Ad Abolendam. Et une fois de plus, les musiciens s'entourent d'un véritable concept, plutôt original qui plus est : les années 1920. La formation prend même le temps de soigner son apparence pour offrir une imagerie en accord avec la thématique du disque, un point qui est à souligner et que je félicite tout particulièrement.
Et du côté musical, ce n'est certainement pas la déception qui est le sentiment premier dominant à l'écoute de cet opus. J'avoue volontiers ne plus prendre autant de plaisir qu'il y a des années à écouter du metal symphonique, et pourtant l'offrande des français passe comme une lettre à la poste. Rien que l'ouverture "Shattered" augure le meilleur, ne serait-ce que par la dynamique de ce morceau, qui, après une introduction de très bon aloi, démarre sur les chapeaux de roue en proposant un refrain efficace, auquel on adhère immédiatement. Un tube en puissance, qui dure plus de six minutes il est vrai, mais dont la durée se fait à peine remarquer.
Les progrès accomplis par le groupe par rapport aux précédents essais sont à souligner. Déjà, la production est à présent bien plus professionnelle et laisse enfin chaque instrument s'exprimer, ce qui est une excellente chose et permet ainsi au clavier, notamment, de trouver sa place. Ensuite, la voix de Lucie Vétélé, chanteuse de la formation, est encore plus maîtrisée. La frontwoman semble plus à l'aise que jamais dans les différents registres qu'elle utilise, et principalement dans l'approche lyrique, qui est désormais dominante dans Mechanism. On constate donc que le quintette ne cesse de gagner en niveau technique mais n'oublie pas non plus de soigner l'écriture des pistes afin de proposer une œuvre bien plus mature que par le passé.
Les titres sont bien plus longs, mais n'en restent pas moins captivants. Avoisinant souvent les six ou sept minutes, plus encore sur "To Come Full Circle" et "Tempus Fugit", le combo réussit malgré tout à nous tenir en haleine. Le secret d'une telle réussite vient de la diversification des atmosphères, ce qui n'est pas toujours gagné quand des musiciens proposent un concept album. En évitant de tomber dans le piège de l'uniformité absolue, Whispering Tales maintient le cap sans ennuyer, pas forcément évident quand on propose une heure de musique. Ce qui est un peu plus surprenant, en revanche, c'est que le seul titre décevant est également le plus court, à savoir "The Descartes Syndrome". Manquant d'accroche, la piste parvient à plaire mais manque tout de même son objectif principal. Enfin, n'allons pas jusqu'à parler de raté, ce serait exagéré.
Mechanism est ponctué de réussites, qui font très rapidement oublier ce petit échec. "Incomplete" et "The Code", à titre d'exemple, sont des pièces maîtresses de ce disque, où la vigueur maintenue par le groupe ne faiblit jamais. Prenant le temps de développer le morceau, les cinq musiciens savent quand il est temps de conclure et évitent toutes longueurs indésirables. Dosées avec justesse, les compositions possèdent également une durée de vie conséquente, et la foison de petits détails donnent envie d'écouter l'album à nouveau. Peu de formations peuvent se vanter, à l'heure actuelle, d'arriver à un tel résultat. Si je devais mentionner un titre qui tire son épingle du jeu, ma sélection se porterait sur le superbe "To Die a Second Time". L'ambiance s'y fait plus intimiste et mélancolique, et le chant de Lucie se voit épaulé par une voix masculine convaincante. Néanmoins, le morceau offre une réelle montée en puissance et une progression très intéressante, pour un résultat final envoûtant. Le travail abattu par le clavier et la section rythmique est superbe, et mérite réellement des félicitations.
Mechanism est donc une sacrée surprise dans le paysage metal français. Les cinq musiciens de Whispering Tales ont sans doute travaillé dur pour aboutir à un tel résultat mais leurs efforts se révèlent payants. L'offrande est bien ficelée, cohérente du début à la fin et remplie de moments forts, qui font de ce disque un album à ne pas manquer, en particulier si le metal symphonique est votre genre de prédilection. Je suis curieuse d'entendre la prochaine aventure musicale des marseillais, et de savoir dans quel univers ceux-ci vont nous entraîner. Quant à savoir si la qualité sera au rendez-vous ou non, je n'ai aucune crainte à ce sujet.
La Folle Fougère