Earth – Primitive and Deadly

Quand la promo du nouvel effort d'Earth est arrivée à la rédaction, difficile pour votre serviteur d'attendre de l'entendre. J'étais prêt à interrompre n'importe quel artiste à ce moment là, à persuader mon collègue Tfaaon de décrocher un peu de son addiction à Dead Can Dance pour se plonger dans ce disque fraîchement reçu. Pourtant, il est bon de garder en mémoire que notre charmant trio est resté sur deux opus ayant laissé une partie de leurs fans sur le carreau, tant ceux-ci étaient dépouillés. Une approche qui n'a pas été de bon goût pour tout le monde, alors forcément, certaines craintes commençaient à ressurgir avant d'entamer l'écoute. Porté par Dylan Carlson depuis 1990, ce groupe est devenu un véritable porte-étendard du doom, et il était grand temps pour eux de le hisser à nouveau avec Primitive and Deadly.

Nul besoin de s'attendre à un changement radical concernant le propos d'Earth. La formation possède son empreinte depuis bien longtemps, et ne joue pas vraiment sur l'effet de surprise avec cette offrande. Conservant cette identité creusée depuis des années, le combo américain n'est pas décidé à incorporer d'abracadabrantesques éléments qui perturberaient les fans les plus fidèles. Pourtant, il est bon de retrouver une musique à l'aspect lourd, plombé, un charme dont la formation ne se priverait nullement. Les riffs sont lents, répétitifs, mais parviennent à construire une atmosphère envoûtante, et les compositions proposées par la bande de Dylan Carlson touchent leur cible grâce à cette section rythmique qui s'évertue sans difficulté à former une ambiance immersive.  Dès la première piste de l'album, « Torn by the Fox of the Crescent Moon », la personnalité du groupe est reconnaissable entre milles. Là où le combo fait fort, c'est que l'impression d'avoir affaire à un éventuel copier-coller de leur passé est absente, et cet opener entièrement instrumental permet de démarrer l'écoute sous les meilleures auspices.

Deux pistes, en effet, ne présentent aucune trace de chant, laissant l'auditoire seul face à la musique, sans ce guide que constitue la voix. Ce premier morceau, tout comme « Even Hell Has Its Heroes », compte avant tout sur l'ambiance instaurée par les instruments uniquement pour convaincre. Dans un cas comme l'autre, la réussite y est, et les efforts d'Earth à saluer. Il est nécessaire de tenter l'expérience plus d'une fois afin de se laisser submerger mais ces deux pistes se révèlent et enchantent au fur et à mesure. Le groupe brillerait-il davantage sans frontman?

Détrompez-vous, car une pièce surclasse toutes les autres. Sur « From the Zodiacal Light », le trio confie le micro à la jeune Rabia Shaheen Qazi, frontwoman de la formation rock psychédélique Rose Windows. Et là, le charme opère totalement. Le timbre de l'artiste évoquera à certains une autre américaine, Jex Thoth. Le groupe opte pour une voie plus aérienne, délicate sans pour autant oublier sa lourdeur typique du doom, et le chant de Rabia fascine, touche, captive, transcende. La collaboration entre Earth et la chanteuse est fantastique, et ce morceau l'un des meilleurs de la discographie du trio d'outre-Atlantique. Le charme opère instantanément et l'ambiance qui se dégage de la piste est enivrante. Tant et si bien que le reste de la galette pourrait presque être éclipsé par cette réussite de taille, mais les autres titres ont bien leur mot à dire, et le final « Rooks Across the Gate », avec la présence du chanteur Mark Lanegan, est également très beau. S'il fallait citer un morceau moins remarquable, « There is a Serpent Coming » remporterait ce malheureux trophée. La composition est intéressante, il ne faut pas s'y tromper, mais l'alchimie entre Mark et les musiciens n'est pas aussi prenante que sur la seconde pièce qui lui est offerte.

Earth

Earth, les pieds sur terre.
 

Au moment de faire le bilan de Primitive and Deadly, on se rend bien vite compte que nous sommes en face d'une véritable réussite. Peu de moments faiblards pour une expérience globale prenante, cela aurait pu être bien pire mais force est de constater qu'Earth est réellement en grande forme, bien plus que sur Angels of Darkness, Demons of Light I & II. Dylan Carlson et ses compagnons nous proposent à nouveau une splendide offrande qui devrait ravir les amateurs de doom, ainsi que les plus curieux d'entre vous. A découvrir sans plus attendre.

Note finale : 8,5/10

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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