Encore une formation très attendue par un membre de la rédaction au moins. Witch Mountain, combo de doom metal en provenance de Portland, reste sur une note positive dans nos pages après la prestation convaincante du Hellfest 2014. Et surtout, question discographie, le dernier effort en date, Cauldron of the Wild, est une belle réussite plaçant le quatuor (devenu trio) parmi les groupes les plus prometteurs du genre. Deux années plus tard, voilà donc Mobile of Angels, à la pochette toujours aussi laide, mais l'habit ne fait pas le moine et surtout dans le style concerné. Les quatre musiciens vont donc devoir faire honneur à leur réputation. Pari réussi, ou échec cuisant? C'est ce que nous allons découvrir en lançant l'écoute de cette œuvre.
Première déception : le nombre réduit de pistes constituant la galette. Cinq morceaux seulement se présentent à l'auditeur, dont un titre éponyme qui constitue davantage une interlude plutôt qu'une véritable composition. Bon, tout est relatif quand on sait dans quel registre Witch Mountain évolue. Fidèles à eux mêmes, les Américains offrent des pièces d'une durée tout à fait conséquente, pouvant facilement dépasser les dix minutes au compteur. La liste des points négatifs s'arrêtera ici, tant la qualité d'écriture n'est pas en berne, loin de là. On reste sur une recette plutôt similaire, une identité bien creusée par la formation depuis quelques temps, une véritable marque de fabrique en réalité. Oh, bien sûr, le côté gros riffs lourds et ambiances sombres et oppressantes n'est pas une nouveauté dans l'univers du doom, et en ce sens, même avec son apport psychédélique, le propos délivré par les musiciens ici présent n'est pas le plus original qui soit. Mais son exécution est impeccable et permet d'accoucher de pièces prenantes. Loin d'ennuyer, cet album gagne en force et en intensité au fur et à mesure des écoutes. La formation possède également un atout dans sa manche, qui est en fait la véritable patte personnelle du combo.
Cette carte maîtresse est une jeune femme, répondant au doux nom d'Uta Plotkin. Et celle-ci illumine constamment l'offrande de son fantastique talent. Sa voix est à mille lieues des standards imposés par le style pratiqué. Proche d'une chanteuse de soul, la frontwoman évolue dans un registre souvent bien plus aigu que nombre de consœurs, mais aussi et surtout plus versatile. Sa capacité à passer de tons graves à des notes perchées dans les hauteurs est remarquable, mais la variété de son timbre et les facettes qu'elle est à même d'utiliser sont une force que Witch Mountain a bien raison d'employer. Il suffit d'entendre le titre final, « The Shape Truth Takes », pour y découvrir une Uta rayonnante, au registre sensuel et mélancolique. Jouant la carte de l'émotion sur un titre aux allures de mid-tempo, le combo séduit immédiatement par la qualité d'écriture du morceau mais aussi et surtout d'interprétation de la chanteuse. Et celle-ci est à sa place sur chaque piste, ses lignes vocales permettant de guider l'auditoire au travers des compositions des Américains.
Le talent individuel de chaque membre est à prendre en compte pour parler de la qualité globale de Mobile of Angels. Si le final se démarque en s'éloignant un peu des racines doom, les autres morceaux ne manquent pas non plus de bons moments. L'opener « Psycho Animundi », très saccadé, est le titre le plus difficile à appréhender mais captive par son ambiance mystérieuse et la voix d'Uta qui déploie moult combines pour nous faire entrer dans l'univers dense et enfumé de Witch Mountain. Pour faire simple, chaque piste trouve un argument imparable pour passer le contrôle de qualité avec succès. Même « Your Corrupt Ways (Sour the Hymn) », plus longue que les autres pièces, défile sans que la durée ne se fasse ressentir. Les dix minutes sont captivantes grâce à la section rythmique, qui s'évertue à apporter une atmosphère envoûtante, avec le chant comme cerise sur le gâteau, démontrant encore une fois toute la polyvalence d'une frontwoman investie, possédée par ce qu'elle déclame et restant toujours dans un juste dosage. Jamais elle n'en fait trop, ne tombe à côté de la plaque et n'apparaît comme maniérée. Tout se déroule naturellement, avec aisance et fluidité.
Je parlais d'un Witch Mountain actuellement en l'état de trio, et il y a une raison à cela : au moment où j'écris ces lignes, la voix du groupe, Uta Plotkin, annonce son départ, préférant rester dans l'underground, loin du succès actuel du combo, plutôt que de se retrouver médiatisée en masse. La formation partira à la recherche d'une nouvelle figure de proue après sa tournée américaine, mais il sera difficile de prendre la relève après le passage d'une telle frontwoman. En attendant, ce Mobile of Angels, dernier disque avec Uta, est un franc succès, bien que l'on aurait préféré une durée plus importante. Quoi qu'il en soit, sans temps morts ni longueurs, cet opus compte parmi les sorties de doom les plus réussies de cette année, et Witch Mountain peut réellement se targuer d'être une formation privilégiant la qualité avant toute chose.