Un groupe signé en droite provenance de cette contrée qu'est le Liban, c'est un événement si rare qu'il doit être souligné. Ce petit état à la situation géopolitique instable héberge pourtant quelques petites formations, dont Kimaera, évoluant dans un doom/death et signant son second effort sur Stygian Crypt Productions, pour le mois de Juillet 2010. Sous le patronyme de « Solitary Impact », que nous réserve cette aventure en terres inconnues ?
Et bien, dans tous les cas, Kimaera marque par des compositions à la frontière de l'occultisme, très énigmatiques et renfermant de nombreuses richesses, à délecter avec un plaisir malsain, tant des sentiments noirs tels la colère ou la tristesse sont véhiculés d'un bout à l'autre, sans pourtant nous faire lâcher l'oreille de cet album. Ainsi, ce voyage sera peuplé de diverses destinations, « In the Shade of Nephilim », pièce extrêmement intéressante par ses ambiances et son flot d'émotion, nous laisse directement imaginer une entrée dans des catacombes orientales, par ses mélopées typiques des pays de l'Asie de l'Ouest où ses cris féminins hurlant de douleur, de terreur, qui ne vous laisseront pas insensible.
La formation libanaise aime parfois hausser le ton et accélérer le rythme, aller dans des expérimentations plus heavy à la manière de l'introduction d'« All That I Am », conservant néanmoins ce côté exotique, par l'utilisation des complaintes fantomatiques au chant clair également, de toute beauté, et « The Garden Tomb », par son côté film d'époque, comme un vieux projecteur tournant des images de malheur, de désolation, sur une musique qui nous semble toute droit sortie des terres d'Égypte, ainsi que cette voix de femme, exprimant une douleur perceptible, puis ce violon qui lui joue une mélodie plus irlandaise, l'ambiance est un point fort du combo.
Le problème, c'est qu'il est parfois dur d'écouter d'un seul trait la galette tant elle fourmille de détails et d'aspects à explorer. Et l'un des défauts est d'être par moment monolithique, les ressemblances entre divers pièces assez fort marquées. Ainsi, les 3 premiers morceaux ne présentent qu'un intérêt moindre, dommage. Quant à la musique, j'avoue parfois pouvoir facilement la comparer par certains aspects à d'autres formations officiant dans le genre. Dans un style global, les morceaux vont lorgner quelques fois vers un Swallow The Sun, où moult points communs sont notables, bien que peu dérangeant. Lorsqu'une très belle voix féminine apparaît, là une ressemblance avec Distorted (rapprochement également par l'aspect oriental) frappe assez, ou encore l'usage d'un violon assez similaire à celui des croates d'Ashes You Leave. Il faudra trouver une marque de fabrique propre à Kimaera pour permettre vraiment de qualifier leur musique d'unique, bien que pourtant déjà très réussie.
Côté production, bien que pas parfaite, elle n'est quand même pas désastreuse et le plaisir de l'écoute n'est pas gâché. Bien que, c'est vrai, un son plus limpide et moins compressé donne une sensation plus agréable. Cependant, je ne préfère pas blâmer nos libanais là-dessus.
Le chant de Jean-Pierre Haddad, lui, évolue dans un registre death fort classique certes, mais se place comme un chanteur capable de varier sa voix caverneuse et de l'utiliser à bon escient, sans empiéter sur le reste et délivrant ainsi un flot d'émotions non négligeables, un excellent point car parfois il est art difficile que celui de réussir à transporter par une voix comme la sienne. Seulement, elle pourra faire preuve parfois de relâchement et nous laisser de marbre lorsque les pistes, elles, ne seront pas ciselées comme elles le devraient. C'est de ce problème que souffrent les trois premiers titres, sans conteste les moins intéressants du brûlot.
« Solitary Impact » est un voyage que l'on ne regrettera pas d'avoir effectué. La richesse des morceaux et leur intensité nous transporte, et les libanais de Kimaera se placent désormais comme un groupe dans lequel on peut placer beaucoup d'espoirs. Quelques points sont à améliorer pour contribuer à se démarquer de leurs ainés, mais l'effort est considérable et la bonne note méritée. Comme quoi, le metal de qualité n'a pas de frontières.
Note finale : 7,5/10