Parfois, les groupes les plus surprenants se trouvent aux endroits où on penserait le moins à chercher, comme si le hasard nous avait porté vers eux, et qu'une découverte est capable d'illuminer votre journée, voir votre semaine, ça peut dépendre. Ou alors, un proche aura fait la découverte et vous aura confier ce précieux objet, se passant de mains en mains uniquement dans un petit cercle d'initiés. C'est pour cette raison que je tiens à partager ce trésor avec toi, lecteur. La formation que je vais vous présenter, elle nous vient de Corée du Sud et se nomme Ophelia, évoluant dans un doom atmosphérique basé sur les ambiances et les émotions. Cœurs de pierres s'abstenir, « Do Sympathy with Your Fantasy » est sorti en Avril 2010 sur Jusin Productions.
Et les asiatiques nous entrainent dans un univers où le mot sensation est au centre de leur monde, la règle d'or, c'est de fermer les yeux et de se laisser bercer par les douces mélopées peuplant l'album. Point de violence, point d'excès de guitares, ni même de passages extrêmes (sauf quelques uns, mais rien de bien méchant, c'est pas du black metal non plus), Ophelia exacerbe ce qui est au fond de nous. Un voyage pour nos sens qui durera plus d'une heure, bercé par une exquise voix féminine, des guitares lourdes mais ni incisives, ni agressives, une guitare acoustique jouant ses délicieux accords et quelques passages avec une voix masculine, discrète cependant (elle accompagnera la belle voix de Yui sur « Body-May, Water Deep », probablement l'une des pièces les plus touchantes du brûlot). Et bing, alors que la peur que l'ennui s'installe est présente lorsque l'on écoute pour la première fois la galette, les coréens nous surprennent en changeant le ton et variant avec brio entre les morceaux. Ainsi, « Body-June, Chant of the Night » use d'une accélération de rythme inattendue, d'un piano enivrant, de voix masculines agressives et de chœurs très mélodieux. Le régal est à son comble, et il est difficile de trouver un titre qui ferait défaut à l'ensemble. Allez, peut-être que certains ne seront pas emballés par « Introduction-April, Objet Petit A », longue ballade acoustique dont la voix est quasi-absente. Ou encore le chant féminin qui repoussera les uns, et charmera les autres, par sa douceur et son timbre, qui est peut-être la marque la moins originale du combo, sa voix me faisant venir à l'esprit plusieurs autres chanteuses de doom, notamment Alice Persell (Nox Aurea) ou Carline Van Roos (Aythis, Lethian Dreams, Remembrance).
Bon, pour trouver quelque chose qui cloche, « Body-July, Floating, and Drowning » ne possède pas vraiment cette aura qui illuminait les autres morceaux, et ce situera un cran en dessous. Le charme n'opère qu'à moitié, un morceau en demi-teinte, donc.
Pour le chant, Yui, chanteuse de son état, est le lien qui prendra les émotions de la musique et les retranscrira à votre cœur, pour un résultat plus poignant encore que ce que vous pourriez imaginer. La jeune femme chante en douceur, des intonations parfois à la Liv Kristine sans pour autant avoir un timbre similaire et, contrairement à la norvégienne, se vautrer en des envolées mielleuses et navrantes, dégoulinant de sirop de framboise et sucre d'orge. Ici, on parle d'émotions sincères, sans artifices ni effets quelconques, c'est ça qui fait le charme de l'album, de la voix de la jolie demoiselle et qui nous fera lui pardonner quelques écarts (notes pas toujours justes, variations insuffisantes, mais après tout, elle atteint son but, ces impairs en deviennent superficiels). Car le charme de ce « Do Sympathy with Your Fantasy » réside en sa capacité à la transmission des sentiments.
Notons en plus l'excellente production de l'album, chose aussi appréciable que, d'habitude, les formations de cette provenance arrivent avec un opus au son brouillon le faisant directement passer à la poubelle illico.
Et c'est en tout cela que finalement, ce premier essai d'Ophelia devient un chef d'œuvre du genre. Ajoutez à cela une vraie originalité (passages progs, chant dans la langue natale) et vous obtiendrez l'un des albums qui va rejoindre les incontournables de l'année. Après Mandrake et Nox Aurea, Ophelia vient s'ajouter dans la catégorie « je fais du doom sans trucages et que c'est beau ». Et l'année n'est pas finie, d'autres se font attendre ! En attendant, dégustez-bien cette délicate friandise, vos sens vous remercieront !
Note finale : 9/10