L'évolution perpétuelle
24 ans après son précédent album, le groupe de heavy metal américain Sanctuary revient avec The year the Sun Died. Entretemps, beaucoup de choses se sont passées, notamment pour Warrel Dane et Jim Sheppard, qui ont conquis le monde avec le groupe de thrash moderne Nevermore. Et une telle conquête, ça laisse des traces, qui forgent la personnalité de ce nouveau disque.
Le monde du metal moderne avait presque oublié Sanctuary. Après deux albums prometteurs à cheval entre les années 80 et 90, le groupe avait implosé à cause de changements de line-up pour donner naissance à Nevermore, groupe de thrash formé par les membres fondateurs Warrel Dane et Jim Sheppard, ainsi que par le petit nouveau Jeff Loomis, guitariste de génie responsable d'une grande parties des compositions de Nevermore.
Cependant, Nevermore n'étant plus suite au départ brutal de Jeff Loomis et Van Williams, les deux membres restant peuvent reprendre Sanctuary, fraichement reformé, à plein temps. Après des concerts prometteurs, notamment au Wacken en 2012, la nouvelle tombe et le troisième album s'intitule The Year the Sun Died et sort 24 ans après Into the Mirror Black, qui s'écartait un peu du heavy classique de Refuge Denied pour laisser parler des ambiances plus torturées.
Mais Sanctuary a décidé de ne pas tomber dans le passéisme et de faire un album actuel, avec un son moderne et un niveau technique revu à la hausse. L'écart entre Into the Mirror Black et The Year the Sun Died, en plus d'être long, est profond. Car entretemps, Nevermore est passé par là et a marqué la vision de la musique de chacun. L'aura du groupe de thrash technique traverse le disque de part en part, avec des ambiances lourdes et malsaines, ses rythmiques rapides, ses paroles acides et ce son froid et moderne.
Les ténèbres traversent l'album dans toute sa longueur. Le désespoir d'un monde qui se fane et les délires de l'espèce humaine, thèmes chers à Warrel Dane, parcourent aussi bien la musique que les paroles. Mais l'ensemble est varié et le disque jouit d'avoir de la pertinence dans chacun de ses titres, que ce soit l'accrocheur "Arise and Purify", le direct "Question Existence Fading", le progressif "I am Low" ou la ballade finale magistrale "The Year the Sun Died".
Les guitaristes Lenny Ruthedge et Brad Hull ne cherchent pas à imiter le style de Jeff Loomis, froid et technique, mais leurs riffs sont plus facilement associables aux travaux de Nevermore qu'à ceux de Sanctuary. Cependant l'ombre de Nevermore plane sur tout le disque, qui semble habité par ce groupe.
En effet, comment ne pas penser à la période Dead Heart in a Dead World à l'écoute du riff de "Question Existence Fading", ou au miel vicieux du groupe à l'écoute du torturé "Exitium (Anthem of the Living)" ? Comment ne pas voir les fruits du travail vocal que Warrel Dane a exercé pendant toute sa carrière, en grande partie avec ses lignes de chant dignes de Nevermore ? Comment ne pas entendre cette production massive est froide ?
Mais peut-on en vouloir à Warrel Dane de reprendre les choses là où ils les a laissées, non pas en 1991, mais en 2010 ? The Year the Sun Died révèle l'aspect humain de son leader, qui fait profiter l'évolution de sa vision du metal à son groupe. Sanctuary devient donc à la fois l'avant et l'après Nevermore, sans envie de singer ce dernier, mais avec cette envie d'avancer plutôt que de rester à regarder derrière soi. Les musiciens qui suivent leurs envies et le cours du temps, sans se soucier du nom de leur projet. En cela, Sanctuary est plus cohérent que jamais.