"Second Nature reflète plus notre personnalité"
A l'occasion du concert de Flying Colors à L'Alhambra, Steve Morse, guitariste virtuose qui officie notamment chez Deep Purple, a accordé quelques minutes à La Grosse Radio pour évoquer la tournée et les difficultés qui vont avec, le processus de création de l'album Second Nature ainsi que ses opinions sur le monde de la musique en général.
Bonjour Steve et merci de nous accorder cette interview. Tu as beaucoup été sur les routes aujourd'hui, d'abord avec Deep Purple et maintenant avec Flying Colors, comment te sens-tu ?
Cela donne de quoi s'occuper ! [rires] Mais pour cette musique, ça vaut le coup. Avec le nouvel album de Flying Colors, il faut le présenter sur scène comme on peut. Comme on n'a que quelques semaines par an pour tourner avec, c'est très difficile de tout bien mettre en place pour l'organisation de la tournée. Mais on peut enfin donner vie à notre musique.
Qu'est-ce que ça te fait de revenir dans les clubs après avoir fait les grosses salles et les festivals avec Deep Purple ?
J'aime être plus proche de la foule, je n'ai jamais été fan des grands écarts entre la scène et le public. Mais ce n'est pas moi qui décide ! Mais je préfère comme ça.
Il s'agit ici de la dernière date de la tournée pour Flying Colors. Comment s'est elle passée ?
Très bien ! Il y a eu quelques difficultés sur le plan logistique, au niveau du déplacement notamment, notre équipement est arrivé en retard à cause de la grande distance entre les villes. Mais musicalement, tout s'est bien passé et la réponse du public était excellente ! On y joue la plupart des chansons de Second Nature et quelques unes de notre album précédent. Il n'y a plus de set de reprises, maintenant que nous avons assez de chansons à nous.
Pour Second Nature, vous avez choisi de le produire vous-même cette fois-ci. Pourquoi ?
C'était un choix pratique, parce qu'on allait travailler sur plusieurs périodes. Du coup, on ne savait pas quand cela finirait, la date de sortie n'a pas arrêté d'être repoussée. Quand tu veux aller manger avec un ami, c'est facile, mais avec quatre, c'est plus compliqué. Avec 10, c'est encore pire ! Du coup, on a choisi de le produire nous-mêmes pour faciliter le cours des choses. J'aime bien avoir un producteur, mais cette fois, cela ne m'a pas posé de problème. Nous prenons nos décisions ensemble, tout le monde réfléchit rapidement, du coup, ce manque ne nous a pas trop fait de mal. Je pense que, de fait, cet album reflète plus notre personnalité, car il n'y a pas eu trop de modifications en studio.
Effectivement, l'album sonne plus frais et semble avoir plus d'intensité. Avez-vous changé quelque chose dans votre approche ?
Merci ! Effectivement, on a écrit un peu différemment. Tout le groupe s'y est mis, on a fait des conférences téléphoniques pour mettre nos idées en commun. J'encourage toujours les musiciens à ne pas venir avec des chansons complètes, mais des idées sur lesquels on peut travailler en tant que groupe. Nous avons eu deux sessions avec tout le monde, pour l'album précédent il n'y en avait eu qu'une seule. Et nous avons eu d'autres sessions avec des petits groupes. Le reste du processus était similaire. Nous avons aussi un nouveau mixeur, Rich Mouser, qui a réussi à nous faire sonner de manière plus puissante.
Parle-nous de ton rôle dans la confection de cet album.
Je pense que la composition est ce que j'ai le plus apporté dans cet album, surtout les mélodies. Après, chacun fait dans sa spécialité. Neal [Morse, claviériste] peut tout faire, mais il est vraiment bon en écriture et en mélodies vocales, comme Casey [McPherson, chanteur]. Mike [Portnoy, batteur] est bon pour organiser et s'occuper de choisir les arrangements. Dave [LaRue, bassiste] est toujours là pour commenter et chapeauter l'ensemble.
Est-ce que tu étais au courant des spécialités de chacun quand le groupe s'est formé il y a deux ans ?
Nous l'avons vite trouvé. Au tout début, nous n'étions pas trop surs, surtout Casey, qui était très réservé les premiers jours, puis il a brisé la glace en donnant son avis, comme quoi certains passages étaient démodés. [rires] Il apporte vraiment quelque chose au groupe, en donnant une autre dimension à ce qu'on écrit, Neal et moi.
T'attendais-tu à ce que votre premier album remporte autant de succès ?
Je ne savais pas à quoi m'attendre et, de toute façon, je ne sais pas trop ce que tout ça veut dire. En vrai, la vente de disque n'influe pas beaucoup sur le statut financier d'un artiste, sauf s'i c'est une superstar. Tu fais surtout ça pour l'amour de la musique. En fait, je n'en ai pas grand-chose à faire que ça marche. C'est sur que c'est bien de voir que ça s'est bien vendu, mais pour moi, la réalité, c'est de savoir comment ça sonne et ce que ça provoque chez moi. Ça a toujours été ma règle. Si j'aime, je pense que les autres aimeront, mais je sais que les médias mainstream n'aimeront jamais ! [rires] C'est parce que que je joue de la guitare, et cet instrument marche surtout dans la country et le metal. Vu que je ne rentre pas dans ces deux catégories, je ne m'occupe pas de la popularité de ma musique, je pense que ce n'est pas comme ça que tu mesures ta réussite. Il faut jouer ce qu'il te plait et voir comment le public réagit. Est-ce qu'il sourit, est-ce qu'il vit ta musique ? C'est comme ça que tu vois si tu réussis. Et ce groupe a beaucoup de succès en ce sens. Regarde le public et tu verras.
C'est vrai que le public s'était déplacé en nombre et avait bien apprécié le concert la dernière fois au Trianon.
Les gens qui s'embêtent à acheter les tickets de concerts et les albums sont ceux qui prennent vraiment le temps d'écouter la musique. Ils sont très précieux pour nous. C'est pour quoi, comme la nuit dernière [à Pratteln, en Suisse], j'étais en panique. Le bus est arrivé en retard parce que nous avions été retenus par la douane anglaise. La salle a ouvert en retard et il pleuvait dehors… Je déteste quand les choses ne se passent pas bien pour les fans, quand les timings ne sont pas respectés. C'est la partie frustrante de cette tournée, les retards, j'ai horreur de ça.
Cette tournée était assez courte. As-tu prévu de faire d'autres concerts avec Flying Colors prochainement ?
Je vais devoir rebosser avec Deep Purple pendant un moment, pareil pour Mike avec Winery Dogs. Nous avons trop à faire pour mener ce projet à plein temps, nous avons d'autres groupes qui nous prennent plus de temps. Nous profitons de ce que nous pouvons faire, mais je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve.
Tu es un musicien avec une grande expérience. Comment t'es-tu senti en formant un projet tout nouveau comme Flying Colors ?
J'étais motivé par le fait d'écrire de nouvelles choses et de sonner différemment. C'est pour ça que j'ai rejoint Flying Colors. Tu n'intègres pas ce groupe pour l'argent ou parce que c'est facile de tourner. Encore moins parce que c'est rapide à enregistrer ! [rires] Je le fais pour pouvoir travailler avec des gens qui sont vraiment bons à ce qu'ils font. Parfois, j'ai du mal à garder la cadence, du coup, ça me fait travailler l'esprit encore plus.
Quel conseil donnerais-tu aux jeunes guitaristes qui débutent ?
Crois en ce que tu joues et en ce que tu écris, c'est le meilleur moyen pour que le public y croie. Tu peux vendre une image un temps, ce n'est pas mon cas, je ne suis pas bon à ça ! [rires] Mais il faut avoir quelque chose de plus profond derrière. Tu ne peux pas te connecter à l'âme de quelqu'un avec quelque chose de superficiel. Il faut que tu aimes ce que tu joues et que tu y crois. Ensuite, pratique tes techniques, apprends à être à l'heure, apprends à faire ce que tu dis que tu vas faire et entoure-toi de gens dans le même état d'esprit. Il faut que tu penses au-delà du "Ce n'est que du rock 'n' roll". Ce n'est pas que du rock 'n' roll, c'est de l'art ! Fais-en ton but principal.
Photo d'ambiance : © 2014 Carmyn
Photo live : © 2012 Nidhal Marzouk / Yog Photography
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