La séparation de Cathedral fut un coup dur pour le petit monde féerique du doom. La formation britannique, aux nombreux adeptes fidèles, s'était bâtie une réputation plus que solide dans l'univers metal, et son arrêt marque ainsi la fin d'une ère. Cependant, le guitariste Gaz Jennings n'a pas voulu rester longtemps sans projet musical et c'est ainsi qu'est né Death Penalty, au nom faisant référence au premier disque de Witchfinder General. S'entourant d'une équipe constituée de membres belges, et notamment de la chanteuse Michelle Nocon (ex-Serpentcult), le musicien et ses amis signent cette mouture éponyme sur... Rise Above Records, dont le patron n'est autre que Lee Dorian. Quelle surprise, n'est-ce pas? Voici donc un line-up comprenant des personnages loin d'être novices, qui vont ainsi tenter de se faire une place au soleil dans le registre qui nous intéresse.
Cependant, étiqueter la formation de doom n'est pas tout à fait vrai. Sans être faux, non plus. Disons tout simplement que le groupe préfère naviguer entre deux eaux, en incorporant à la formule de nombreuses touches héritées du heavy metal, genre qui sied très bien au propos délivré. Les compères, chevronnés, se permettent ainsi de balancer en opener un « Howling at the Throne of Decadence » qui risque de faire des ravages tant la piste ne manque ni d'efficacité, ni d'intérêt. Sans concession, le titre donne une idée fidèle quant à la suite des événements qui attendent l'auditoire tout au long de l'écoute de cet album. Pourtant, ce disque est placé sous le signe de la diversité, et toutes les pistes ne sont pas un vulgaire copier / coller de cette entrée en matière. Les plaisirs sont réellement variés, oscillant entre cette patte très énergique, où la gratte de Gaz prend un malin plaisir à dégainer des riffs entraînants, et une facette plus lourde, sombre et angoissante, qu'il est toujours bon de retrouver quand on connaît le CV de nos ménestrels modernes.
"Tu n'as pas été sage, fidèle lecteur... ta sentence est donc... d'écouter notre album mouhahaha!"
Pour compléter ce tableau idyllique, il faut reconnaître que cette approche carrément plus musclée que ce à quoi il était possible de s'attendre offre au combo un moyen de se démarquer de l'ombre du géant Cathedral. L'écoute de Death Penalty ne fait aucun doute, le quatuor ne souhaite en rien sonner en tant que clone éhonté des Anglais, et ce même dans les passages où la partie doom est accentuée. Que ce soit sur « Children of the Night » ou « She is a Witch », les Belges tirent leur épingle du jeu en affirmant leur identité. Le travail abattu pour trouver une personnalité est louable, d'autant plus que les quatre artistes auraient pu se contenter de donner dans un réchauffé maîtrisé mais sans saveur. Là où Death Penalty brille également, c'est grâce à la présence au chant de Michelle Nocon, dont la polyvalence est un atout incontournable. En parfait accord avec chaque registre abordé dans cette offrande, la jeune chanteuse arbore un éventail de compétences relativement important. Qu'elle officie sur une piste rock simple mais réussie (« Into the Ivory Frost »), sur une rythmique plus enragée (« Immortal by Your Hand ») ou mélancolique (« The One That Dwells »), son adaptabilité est impressionnante et force le respect. La réussite globale de cet opus est en grande partie la responsabilité de cette frontwoman talentueuse, explorant ses capacités vocales sans se ménager, et dont les lignes de chant font mouche qu'importe l'atmosphère.
S'il y a un morceau à retenir en particulier sur ce disque, il s'agirait sans conteste de l'excellent « She is a Witch ». Pièce affichant plus de sept minutes au compteur, celle-ci résume à merveille tout ce dont est capable la formation : oscillant entre doom et heavy, passant de rythmiques plombées et oppressantes à des moments de grâce où la guitare cavale littéralement, forçant les autres musiciens à suivre le rythme, cette composition donne à elle seule de l'intérêt à la galette entière. Sans parler d'une Michelle totalement dans son élément, toujours aussi douée dans son domaine. Et l'exploit du groupe ne se limite pas qu'à une seule réussite. Aucun titre n'est à jeter sur cette première livraison, et ce détail est aujourd'hui suffisamment rare pour être souligné. En revanche, on ne peut s'empêcher de terminer l'écoute sur une légère touche de déception. La pièce finale « Written by the Insane », également la plus longue, manque de folie et se complaît à être assez classique, bien interprétée et écrite, mais encore un peu trop sage. Dommage, car la présence d'un moment plus marquant en tant que final aurait laissé une impression encore plus favorable envers le combo.
Ce léger point noir n'est qu'une faible tâche d'encre sur un tableau de très haute valeur. Parvenant à diversifier son univers et à trouver un son qui lui est propre, Death Penalty se révèle déjà comme une formation à suivre. Et qu'elle soit doom, heavy, peu importe, la qualité musicale prime avant tout et peu importe le registre, les Belges savent comment écrire de très bons morceaux.
